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VENINS

Les venins en recherche biologique et médicale

Substances venimeuses et recherche fondamentale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Substances venimeuses et recherche fondamentale

La spécificité et le nombre élevé des molécules entrant dans la composition du venin et leur puissante activité ont été à la base de nombreuses recherches en immunologie, hématologie et neurologie (tableau).

Dans son Traité sur le venin de la vipère (1781), l'abbé Felice Fontana fonda ce que l'on appelle aujourd'hui la toxinologie, discipline qui traite spécifiquement de l'étude des toxines (structure et mécanismes d'action) et qu'il faut différencier de la toxicologie qui étudie les effets sur l'organisme des produits toxiques et les moyens de les combattre. À la suite des travaux de Francesco Redi et de Richard Mead (médecin anglais qui publia en 1702 un traité intitulé A Mechanical Account of Poisons in several essays), Fontana expliqua le mécanisme d'inoculation du venin de la vipère et ses effets sur les muscles et le sang.

En 1843, le prince Charles-Lucien Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, isole par précipitation alcoolique l'échidnine du venin de vipère et montre que cette substance reproduit tous les effets hématologiques du venin complet.

C'est en étudiant les effets des venins d'actinies que Charles Richet et Paul Portier découvrent, en 1902, l'anaphylaxie qui correspond à l'exacerbation des effets naturels de l'histamine lors de la réponse inflammatoire. Au cours de leurs expériences, ils observent en effet que le venin d'anémones de mer injecté à doses non mortelles et de façon répétée, loin d'immuniser ou de renforcer l'immunité de l'animal, semble au contraire la diminuer en déclenchant ce qu'ils appellent une réaction anaphylactique inattendue (contraire à la « phylaxie ») et qui peut entraîner un décès rapide (choc anaphylactique). Cette découverte conduit un peu plus tard le Suisse Maurice Arthus à définir l'hypersensibilité et à ouvrir la voie à l'allergologie (1912).

L'étude des phospholipases des venins et de leurs effets permet au Brésilien Mauricio Rocha e Silva de découvrir, en 1949, la bradykinine, substance libérée dans l'organisme lors d'une envenimation par morsure de crotale. Cette molécule présente dans toute réaction inflammatoire est fortement hypotensive, propriété qui a été à l'origine de la mise au point de la plus importante famille d'hypotenseurs utilisée depuis la fin des années 1970 en thérapeutique, celle des inhibiteurs de l'enzyme de conversion dont le chef de file est le captopril (mis au point en 1977).

Les intégrines sont des protéines présentes dans la membrane cellulaire qui favorisent l'adhésion des cellules entre elles pour constituer le tissu de base d'un organe. Elles permettent aussi l'adhésion des plaquettes sanguines initiant la formation d'un caillot sanguin. Dans les venins de vipéridés, il existe des désintégrines qui inhibent donc l'adhésion cellulaire. Ces molécules peuvent être mises à profit dans certaines pathologies thrombo-emboliques liées à un excès d'adhésion plaquettaire. Par exemple, l'échistatine du venin de la petite vipère paléotropicale Echis carinatus est proposé sous le nom d'aggrastat (Tirofiban) dans la prévention des thromboses des coronaropathies. L'utilisation des désintégrines dans le traitement de l'inflammation, de la reperméabilisation d'un vaisseau sanguin après une thrombose ou de certaines métastases cancéreuses est actuellement à l'étude. Les désintégrines sont aussi utilisées comme outil diagnostique et, depuis peu, dans le traitement de certaines perturbations de l'hémostase. Elles peuvent se substituer aux facteurs physiologiques de la coagulation sanguine dont l'absence ou l'altération congénitale (hémophilies) ou acquise (intoxications, pathologies du foie, de la[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement
  • : attaché honoraire au Muséum national d'histoire naturelle, Paris

Classification

Pour citer cet article

Jean-Philippe CHIPPAUX et Max GOYFFON. VENINS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Scorpion - crédits : Tim Flach/ Getty Images

Scorpion

Vipère aspic - crédits : G. Roli/ De Agostini/ Getty Images

Vipère aspic

Serpent à sonnette - crédits : Paul Chesley/ Stone/ Getty Images

Serpent à sonnette

Autres références

  • AMPHIBIENS ou BATRACIENS

    • Écrit par Pierre CLAIRAMBAULT, Philippe JANVIER, Jean-Claude RAGE
    • 6 177 mots
    • 19 médias
    ...le mucus la maintient humide en permanence : il joue un rôle lors du rapprochement des sexes ou pendant la locomotion (cas des rainettes arboricoles). Des glandes séreuses (glandes parotoïdes des Salamandridés ou des Bufonidés) produisent un venin, liquide laiteux contenant des alcaloïdes toxiques ;...
  • ARACHNIDES

    • Écrit par Christine ROLLARD
    • 3 671 mots
    • 12 médias
    Trois groupes d’arachnides sont venimeux, le venin intervenant prioritairement dans la fonction de nutrition. Les glandes sécrétrices du venin occupent des positions différentes suivant les groupes concernés : elles sont localisées dans le post-abdomen chez les scorpions, dans les chélicères et le céphalothorax...
  • ARAIGNÉES ou ARANÉIDES

    • Écrit par Christine ROLLARD
    • 5 386 mots
    • 7 médias
    À l'exception de deux familles sur les 110 répertoriées dans le monde, toutes les araignées possèdent du venin. Ce sont donc par définition des animaux venimeux. Le venin leur permet de paralyser ou tuer leurs proies et de pratiquer leur exo-digestion. Il est associé principalement à la fonction...
  • CNIDAIRES

    • Écrit par Andrée TÉTRY
    • 1 282 mots
    • 5 médias
    ...crochets dont les pointes sont dirigées en dedans. La hampe se prolonge par un tube mince qui devient filiforme et qui s'enroule autour d'elle. Selon les espèces, capsule et filament présentent de légères modifications structurales. La capsule renferme un liquide urticant ayant des propriétés venimeuses.
  • Afficher les 13 références

Voir aussi