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JUDAÏSME La religion juive

Le sionisme et la situation actuelle du judaïsme

Bien des juifs, face à l'échec du messianisme surnaturel et au divorce – éclatant dans les pays de l'Est européen, atténué à l'Ouest durant la période libérale – entre Israël et la gentilité, reconnurent l'urgence d'une solution politique qui réglerait la crise à l'amiable. C'est ainsi que dans le mouvement sioniste se rencontrent des aspirations religieuses de toujours et une volonté d'« auto-émancipation » dont le ressort cesse d'être confessionnel. En 1948, lors de la naissance de l'État d'Israël sur une portion de l'ancien territoire national des juifs, ce mouvement vit la réalisation imparfaite de ses plans.

On doit se demander quelles sont les composantes de l'idéologie du judaïsme d'aujourd'hui, après la fondation et la consolidation d'un État juif souverain dont la situation demeure cependant précaire et dont l'existence même est, en partie, une conséquence de la ruine du judaïsme européen, la suite des persécutions de 1933 à 1945 et de la neutralisation du judaïsme russe, considérable numériquement, durant presque toute la période de régime soviétique.

Dans la Palestine israélienne et dans la Dispersion, on rencontre toutes les tendances. Le traditionalisme extrême, qui refuse tout compromis – sans renoncer toutefois à l'utilisation des apports de la civilisation industrielle – et qui ne s'est guère départi des pratiques liées aux structures sociales révolues de l'Europe orientale de jadis, côtoie le nationalisme areligieux et même le marxisme intégral, qui assimilent les biens spirituels du judaïsme à un héritage dont la valeur est seulement historique et affective. Mais, par le truchement du sionisme et des circonstances historiques que le judaïsme a traversées depuis la Première Guerre mondiale, des courants hier divergents se sont rapprochés, et des contrastes naguère marqués se sont estompés. Les mouvements défavorables au sionisme, comme le judaïsme réformé ou libéral ou les organisations officielles de la communauté juive de France et du Commonwealth britannique, ont renoncé à leur position. La rencontre et le mélange des tendances diverses sont particulièrement perceptibles dans les groupements de jeunesse. Les croyances du judaïsme conservateur ainsi que ses institutions juridico-rituelles demeurent officiellement identiques à ce qu'elles étaient. En pratique, les observances rituelles (sabbat et lois alimentaires) sont peu rigoureusement suivies, voire partiellement ou entièrement abandonnées par la majorité, soit par désintérêt, soit à cause des servitudes de la vie moderne. C'est ainsi que les impératifs d'une société industrialisée et l'absence presque totale de main-d'œuvre non juive rendent impossible, dans l'État d'Israël, l'application du Talmud. La solution à ces difficultés ne peut guère venir des représentants des tendances ou des instances religieuses, ni des orthodoxes extrémistes – pour qui l'État juif restauré par des moyens naturels n'est qu'une contrefaçon satanique de la rédemption –, ni du rabbinat traditionaliste pourvu de privilèges excessifs. Ces difficultés ne sont d'ailleurs qu'un aspect particulièrement saillant du problème spirituel et social auquel le judaïsme est affronté depuis sa lutte pour l' émancipation. La foi d'Israël conçoit les fins dernières comme devant comporter, paradoxalement, une étape de réalisation terrestre dans la restauration messianique qui ne saurait être intégrale sans être surnaturelle. Quelles que soient les difficultés qu'il rencontre, le juif doit s'adapter au milieu étranger dans lequel il vit ; cependant, la nécessité de collaborer à sa rédemption le maintient « à part ». L'expérience a constamment vérifié un dernier paradoxe. Le groupe juif n'est sauvé de la dissolution consécutive à son admission dans la population non juive que par un phénomène[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

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Pour citer cet article

Georges VAJDA. JUDAÏSME - La religion juive [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Maimonide - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maimonide

Autres références

  • ADAM

    • Écrit par André-Marie DUBARLE
    • 1 758 mots

    En hébreu, le nom commun adam, toujours employé au singulier, signifie « homme » en tant qu'espèce et non en tant qu'individu de sexe masculin. L'étymologie en est discutée. Le récit de la Genèse(ii, 7) l'a rapproché du mot adamah, « terre », mais c'est peut-être là...

  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par Roland POURTIER
    • 21 496 mots
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    ...influences moyen-orientales et méditerranéennes, l'Afrique du Nord et du Nord-Est a précocement adhéré à l'un ou l'autre des monothéismes nés au Moyen-Orient. Le judaïsme a longtemps été présent dans les villes du Maghreb, notamment au Maroc avec ses quartiers juifs, les mellâh. La plupart des juifs d'Afrique...
  • ALEXANDRIE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE D'

    • Écrit par Jean PÉPIN
    • 2 186 mots
    Ces diverses tendances philosophiques, dont la cohérence originelle était, on le voit, passablement ébranlée, se trouvaient d'autant plus aptes à intéresser une partie importante de la population d'Alexandrie : la communauté juive. L'implantation juive en Égypte est attestée dès le ...
  • ALLIANCE, histoire biblique

    • Écrit par Jacques PONS
    • 950 mots

    Nom donné, dans la Bible, à des contrats, à des promesses ou accords passés en forme rituelle et solennelle entre Dieu et des individus, entre Dieu et Israël, entre plusieurs individus ; ces alliances sont sanctionnées par un serment. Elles étaient, à l'origine, des instruments politiques...

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