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MOZART WOLFGANG AMADEUS (1756-1791)

Aucun musicien n'a été, autant que Mozart, victime d'incompréhensions et de contresens. Si les « grands » du xixe siècle – Beethoven, Schubert, Schumann, Chopin et Wagner – surent reconnaître ce qu'ils devaient à leur devancier, le public romantique, un Berlioz en tête, ne voulut voir en Mozart que l'ordonnateur frivole des festivités galantes et désuètes de l'Ancien Régime musical. On ne retrouvait pas en lui le titanisme prométhéen dont s'enivrèrent les générations postérieures aux bouleversements initiaux du siècle. Pourtant, à partir du premier centenaire (1856), une certaine faveur lui revint, mais ce fut pour la pire des raisons. On fit de lui, pour l'opposer aux hardiesses alors scandaleuses des novateurs, le parangon d'un académisme fade et béat : sa musique était présentée comme le point culminant de la perfection, au-delà duquel il ne pouvait y avoir que décadence. Ainsi s'instaura la légende, si difficile à extirper, de l'enfant prodige au profil de bonbonnière, de l'artiste recevant miraculeusement du Ciel ses mélodies suaves.

Il fallut attendre le début du xxe siècle pour que fussent révélés les aspects sombres, inquiétants, « démoniques » de son œuvre (Alfred Heuss, 1906). Puis, grâce aux admirables travaux de grands musicologues – in primis Georges de Saint-Foix (1912), Hermann Abert (1919) et Alfred Einstein (1945) –, le vrai visage de Mozart fut peu à peu retrouvé ; l'auditeur put enfin embrasser la totalité mozartienne et découvrir la déroutante variété des aspects de son œuvre. De plus, en dénonçant le mythe de la facilité et de l'inspiration, l'historien restitua au Maître sa qualité de travailleur acharné et de technicien accompli, scientifique, de l'art musical.

Aussi sommes-nous maintenant à même de le situer musicologiquement à sa juste place : place véritablement centrale, tant pour le site que pour l'heure. Car il s'épanouit et mûrit à tous les climats musicaux de l'Europe de la fin du xviiie siècle : l'Allemagne du Sud et du Nord, l'Italie, la France, de sorte qu'il put se rendre maître de tous les langages qui étaient alors en faveur ou en gestation. Mais son intérêt pour la technique musicale était si vif qu'il ne se contenta point de cela : il remonta le cours du temps, cherchant à capter les formes du passé qui pouvaient encore lui être accessibles. Ce fut donc un gigantesque travail de synthèse qu'il s'astreignit à réaliser, englobant à la fois tous les langages contemporains et antérieurs, et anticipant hardiment sur les recherches les plus audacieuses des compositeurs à venir.

Mais là n'est pas le plus important. L'actuel « retour à Mozart » n'est pas simplement de l'ordre artistique. Si Mozart aujourd'hui nous va si droit au cœur, c'est que nous découvrons en son œuvre, non pas en dépit, mais en fonction directe de sa limpidité, une grande profondeur de pensée. Et cette pensée ne porte pas seulement sur l'inanité des passions, l'amour et la fraternité humaine, mais elle s'attache surtout à des problèmes que, certes, l'on s'est posés de tout temps, mais que nous soulevons aujourd'hui d'une manière plus instante que jamais : qu'est-ce que la mort ? quel est le sens de la vie ? De la réponse à ces questions dépendait pour lui la paix, la sérénité à quoi il aspira foncièrement depuis l'enfance. Mais son aspiration, toujours insatisfaite, le fit passer par des crises d'inquiétude et d'angoisse alternant avec des moments de paisible luminosité. Ces alternances, à mesure qu'il approchait de la mort, se précipitèrent et s'aggravèrent. Aussi est-il fort impressionnant de voir un musicien, dont les œuvres tant de fois ont respiré le bonheur, manifester aussi, d'une manière si désolée, l'angoisse foncière qui ne le quittait pas. Car, après la luminosité de [...]

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Pour citer cet article

Jean-Victor HOCQUARD. MOZART WOLFGANG AMADEUS (1756-1791) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Léopold Mozart et ses enfants, Wolfgang Amadeus et Maria Anna, Carmontelle - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Léopold Mozart et ses enfants, Wolfgang Amadeus et Maria Anna, Carmontelle

L'Enlèvement au sérail, Mozart - crédits : AKG-images

L'Enlèvement au sérail, Mozart

Les Noces de Figaro - crédits : John Chillingworth/ Moviepix/ Getty Images

Les Noces de Figaro

Autres références

  • CORRESPONDANCE (W. A. Mozart)

    • Écrit par Marc VIGNAL
    • 987 mots

    Des grands compositeurs du xviiie siècle, Wolfgang Amadeus Mozart et Carl Philipp Emanuel Bach sont ceux dont nous sont parvenus le plus grand nombre d'écrits. Pour Mozart, il s'agit essentiellement de lettres, alors qu'à la correspondance du Bach de Berlin et de Hambourg s'ajoutent de nombreux articles...

  • MORT DE MOZART

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 227 mots

    Le 5 décembre 1791, cinq minutes avant une heure du matin, Wolfgang Amadeus Mozart meurt à Vienne. Enfant prodige, compositeur doté de facilités uniques, Mozart occupe une place essentielle dans l'histoire de la musique car il est le premier musicien à s'être libéré de la tutelle des princes et des...

  • ABEL KARL FRIEDRICH (1723-1787)

    • Écrit par Universalis
    • 203 mots

    Symphoniste allemand de l'école préclassique, né le 22 décembre 1723 à Köthen, dans le duché d'Anhalt-Köthen, mort le 20 juin 1787 à Londres, Karl (ou Carl) Friedrich Abel fut l'un des derniers virtuoses de la viole de gambe.

    Après avoir joué dans l'orchestre de la...

  • BACH JEAN-CHRÉTIEN (1735-1782)

    • Écrit par Marc VIGNAL
    • 785 mots

    Cadet des quatre fils musiciens de Jean-Sébastien Bach, Jean-Chrétien, né à Leipzig, n'a que quinze ans lorsque son père meurt ; il n'a pu bénéficier au même titre que ses demi-frères Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel, d'une génération plus âgés que lui, de l'influence et des conseils...

  • BADURA-SKODA PAUL (1927-2019)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 673 mots

    Issu d’une famille d’ascendance hongroise et morave, Paul Badura-Skoda naît à Vienne le 6 octobre 1927. Il étudie le piano et la direction d’orchestre au conservatoire de la capitale autrichienne sous la férule de Martha Wiesenthal, Viola Thern et Otto Schulhof. Il y obtient en 1948 les...

  • BARENBOIM DANIEL (1942- )

    • Écrit par Jean-Luc MACIA
    • 1 784 mots
    • 1 média
    ...carrière est lancée. Y compris comme chef, puisqu'il enregistre pour R.C.A. les concertos de Beethoven avec Arthur Rubinstein au clavier ! Mais c'est Mozart qui lui vaut la consécration : son intégrale des sonates mais surtout des concertos avec l'English Chamber Orchestra, d'une verve inouïe et d'une...
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Voir aussi