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VOLKSLIED

Par opposition à Kunstlied (chanson savante), le terme allemand de Volkslied est traduisible faute de mieux par « chant populaire », mais ne recouvre pas exactement les mêmes données que ce vocable français. Le mot est introduit pour la première fois à l'époque moderne par Johann Gottfried Herder (1744-1803), qui veut redonner vie au genre, à propos de son recueil de chants allemands et étrangers, paru ultérieurement sous le titre de Voix des peuples dans leurs chants (Stimmen der Völker in Liedern, 1807). L'essor du volkslied remonte en Allemagne au xive et surtout au xve siècle. Nombre de ces chants, aux alentours de 1500, sont traités de façon polyphonique par des compositeurs comme Heinrich Finck (1445 env.-1527), Ludwig Senfl (1486 env.-1543), ou Heinrich Isaac (1450 env.-1517), tous trois membres de la chapelle de l'empereur Maximilien, et qui, de la même mélodie, laissent très souvent plusieurs versions, au point de parfois attacher leur nom à tel ou tel air (Isaac à Innsbruck, ich muss dich lassen). L'apogée est atteint avec l'époque de la Réforme. De nombreux recueils, avec mélodies notées ou non, témoignent de cette première grande période du volkslied, comme par exemple les manuscrits d'Iéna (xiiie s.) et de Colmar (vers 1460), les deux manuscrits de Heidelberg, le Glogauer Liederbuch (xve s.) ou encore le Livre d'Erhard Oglin, le premier imprimé (Augsbourg, 1512). Aux xviie et xviiie siècles, avec l'influence française, l'intérêt pour le volkslied faiblit considérablement. Mais les activités de Herder attirent sur ses beautés l'attention du jeune Goethe, qui écrit des poésies retrouvant l'esprit des paroles de certains « chants populaires » (Heidenröslein). Avec le romantisme, les recueils (plus ou moins authentiques, d'ailleurs) se multiplient : ainsi celui d'Arnim et de Brentano intitulé Le Cor merveilleux de l'enfant (Des Knaben Wunderhorn, à partir de 1805), ou ceux de Ludwig Uhland et de Freiligrath (traductions). Sur le plan musical, se manifestent alors comme arrangeurs ou comme créateurs Johann Friedrich Reichardt (1752-1814), Friedrich Silcher (1789-1860), et même Johannes Brahms (1833-1897).

Cette abondance (plusieurs milliers de spécimens connus) et cette longue histoire rendent délicate la définition du volkslied. Il ne s'agit pas simplement d'un lied dont on ne connaît l'auteur ni des paroles ni de la mélodie, mais tout aussi bien « d'un lied devenu propriété du peuple ou d'un lied de caractère populaire, c'est-à-dire mélodiquement et harmoniquement simple et aisément assimilable » (Riemann). Alfred Götze, dans Le Lied populaire allemand (Das deutsche Volkslied, 1929), y voit « un lied faisant partie depuis si longtemps de la tradition chantée des couches les moins évoluées d'un peuple et se confondant stylistiquement avec elles à un point tel que celui qui le chante ne reconnaît plus à quiconque de droit de propriété sur ses paroles ni sur sa mélodie ». Cela dit, le volkslied implique encore un certain nombre de données plus ou moins importantes selon les cas. Il doit être chanté (Heidenröslein de Goethe ne devint volkslied qu'après avoir été mis en musique par H. Werner, résultat auquel n'aboutit pas la version de Schubert). La mélodie y est en général plus importante que le texte. Une mélodie savante, en devenant populaire, tend à se simplifier, comme le montre par exemple Le Tilleul (Der Lindenbaum) de Schubert. Il n'est pas stable mais varie selon les endroits et les époques. Sa simplicité n'est pas synonyme de monotonie. Il s'agit d'autre chose que d'un simple succès à la mode. Son origine est indifférente : il n'est pas nécessairement « bien de culture avili », il peut être né dans l'anonymat, parfois au contraire on en connaît bien l'auteur ou les auteurs ([...]

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Classification

Pour citer cet article

Marc VIGNAL. VOLKSLIED [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BRENTANO CLEMENS (1778-1842)

    • Écrit par André SOUYRIS
    • 1 834 mots
    • 1 média
    ...n'avoir écouté que la « gaieté de son cœur » pour écrire cette pièce pleine d'entrain et parfois d'une grâce qui a pu faire penser aux opéras de Mozart. Quelques chants, comme le fameux Nach Sevilla qu'il interprétait lui-même en s'accompagnant à la guitare, sont devenus de vrais Volkslieder...
  • CHANSON

    • Écrit par Louis-Jean CALVET, Guy ERISMANN, Jean-Claude KLEIN
    • 7 139 mots
    • 6 médias
    ...et les frères Grimm (Jacob, 1785-1863, et Wilhelm, 1786-1859), par souci d'opposer à la Kunstpoesie un mode d'expression moins artificiel, font du Volkslied un modèle de beauté naïve. Ce goût de l'antithèse poussé à outrance trouve un écho chez Mme de Staël, chez Chateaubriand, chez le ...
  • FOLKLORE

    • Écrit par Nicole BELMONT
    • 12 229 mots
    • 1 média
    ...remplacent en Allemagne les termes de nation et de nationalité. Le Volkstum s'exprime de façon privilégiée dans les coutumes, les rituels, la poésie ( Lieder), les contes (Märchen), les légendes (Sagen), c'est-à-dire dans l'ensemble de ce qu'on appelle désormais Volkskunde, ce en quoi...
  • MÜLLER WILHELM (1794-1827)

    • Écrit par Brigitte MASSIN
    • 798 mots

    Sans l'Intermezzo lyrique de Heinrich Heine et sans les deux cycles de lieder, La Belle Meunière et Le Voyage d'hiver, de Franz Schubert, qui se souviendrait encore aujourd'hui — hors des limites du monde germanique — du nom et du rôle du poète de l'école souabe, Wilhelm Müller ?...

Voir aussi