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THÉORIE, sciences

Chacun, ne serait-ce que par ouï-dire, connaît des théories scientifiques : théorie de la gravitation de Newton, théorie de la descendance avec modifications par la sélection naturelle de Darwin, théorie de la relativité restreinte d'Einstein, théorie quantique de Planck, théorie de l'information de Shannon, etc. Ces informations autorisent une première approche des caractéristiques d'une théorie scientifique, notamment d'une théorie physique.

Les caractères principaux d'une théorie scientifique

L'œuvre maîtresse de Newton, les Philosophiae naturalis principia mathematica, publiée à Londres en 1687, présente de manière exemplaire les traits essentiels d'une théorie physique.

En premier lieu, cette théorie a des vertus synthétiques. Elle apporte une vision d'ensemble d'un vaste champ du savoir et rassemble de nombreuses lois naturelles. Elle réunit la nouvelle dynamique, fondée par Galilée, et la nouvelle astronomie, à laquelle Kepler a apporté une contribution décisive. Elle soumet à une même loi les phénomènes célestes (mouvements des planètes et des comètes) et les phénomènes terrestres (chute des corps, mouvements des marées, etc.). Cette vision d'ensemble porte à son point d'achèvement la destruction, initiée par Copernic, de la vision aristotélicienne d'un cosmos finalisé et hiérarchisé.

En deuxième lieu, cette théorie se présente sous une forme déductive. Elle comprend des propositions, qui valent à titre de principes, dont d'autres propositions sont déduites à titre de conséquences. Les principes sont énoncés dans deux rubriques qui précèdent les trois livres qui étudient les phénomènes de la nature. L'une s'intitule « Définitions », l'autre « Axiomes et lois du mouvement ». C'est dans celle-ci que sont énoncés les trois grands principes de la mécanique newtonienne (principe d'inertie, proportionnalité de la force et de l'accélération, égalité de l'action et de la réaction). Sur la base de ces définitions et de ces axiomes, Newton démontre mathématiquement les propositions du livre I, consacré au mouvement des corps sous l'action des forces centrales, mobilisant les méthodes mathématiques disponibles (la géométrie classique d'inspiration euclidienne), et en inventant de nouvelles pour répondre aux exigences des développements théoriques qu'il envisage (étude des coniques et raisonnements de géométrie infinitésimale). Il reconstruit alors les phénomènes de la nature sur la base des connaissances mathématiques ainsi réunies. Cette mathématisation de la nature confère à la théorie physique ses vertus d'intelligibilité. La théorie explique dans l'exacte mesure où elle autorise la déduction des lois de la nature à partir d'un corps de principes et de définitions. De même qu'un théorème mathématique est rendu intelligible par sa démonstration, qui s'appuie sur d'autres théorèmes préalablement établis, la physique de Newton permet de déduire que les orbites des planètes sont elliptiques, comme Kepler l'avait établi expérimentalement.

En troisième lieu, cet édifice théorique présente des vertus heuristiques. Il guide ainsi les investigations scientifiques, autorise la prédiction de nouvelles observations, apporte les secours de méthodes éprouvées pour analyser les phénomènes naturels. Une théorie constitue un programme de recherche, et celle de la gravitation universelle voguera ainsi de succès en succès pendant deux siècles avant d'être, à son tour, contestée. À la fin du xixe siècle, il devient patent que les principes de l'électromagnétisme sont irréductibles à ceux de la physique newtonienne. En 1905, dans l'article fondateur de la relativité restreinte, Albert Einstein réunifie la mécanique et l'électromagnétisme[...]

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Pour citer cet article

Jean-Paul THOMAS. THÉORIE, sciences [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BOLZANO BERNARD (1781-1848)

    • Écrit par Jan SEBESTIK
    • 3 609 mots
    Lebut de la théorie de la science est de décrire la constitution et la structure des systèmes scientifiques. Pour Bolzano, une science est un certain ensemble de vérités en soi, découpé dans la totalité des vérités selon des critères qui doivent répondre à la fois à une interrogation théorique,...
  • DUHEM PIERRE (1861-1916)

    • Écrit par Michel PATY
    • 3 007 mots
    La Théorie physique rassemble dans un ouvrage riche et original, dont l'importance a également été récemment découverte – notamment dans le monde anglo-saxon –, les conceptions de Duhem en philosophie des sciences, qui sont directement reliées à ses conceptions et à sa pratique scientifiques,...
  • ÉPISTÉMOLOGIE

    • Écrit par Gilles Gaston GRANGER
    • 13 112 mots
    • 4 médias
    ...orientations, les épistémologues s'attachent-ils à comprendre pour ainsi dire de l'intérieur la formation des concepts et des systèmes structurés qui constituent les théories mathématiques. Certains mathématiciens ont parfois regretté que le regard du philosophe ne scrute le plus souvent, faute d'un savoir suffisamment...
  • ERREUR

    • Écrit par Bertrand SAINT-SERNIN
    • 4 874 mots
    • 2 médias
    Très schématiquement, on attribue deux objets aux théories physiques : expliquer la réalité ou représenter les phénomènes, c'est-à-dire des effets observables. Pour Pierre Duhem, au début du xxe siècle, « une théorie physique n'est pas une explication. C'est un système de propositions...
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Voir aussi