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JEUX THÉORIE DES

Approche non coopérative et équilibre de Nash

L'approche non coopérative, en théorie des jeux, prend les individus pour unique point de départ : elle peut évidemment envisager l'existence de coalitions, mais en tant que résultat – ou solution – du jeu (et non en tant que caractéristique de celui-ci). Autrement dit, la théorie des jeux non coopératifs s'intéresse exclusivement aux choix des joueurs, dans le cadre des règles du jeu.

Équilibre de Nash et croyances

Le principal concept de solution dans la perspective non coopérative est l'équilibre de Nash, qui découle d'une certaine façon de l'hypothèse selon laquelle les individus sont rationnels. En effet, un équilibre de Nash est une combinaison de stratégies, une par joueur, telle que chacun maximise son gain, compte tenu de ce que font les autres. Il y a bien maximisation du gain, comme le veut la rationalité, mais elle dépend de ce que font les autres. Or, comment savoir, au moment de la prise de décision, ce qu'ils vont faire (rappelons que les règles d'un jeu supposent des choix simultanés) ? Les anticipations de chacun sur ce que les autres vont faire sont donc un élément essentiel de l'équilibre de Nash. Comme, en règle générale, les anticipations sont un paramètre déterminé en dehors du modèle, c'est là une des faiblesses principales de l'équilibre de Nash en tant que concept de solution. Ainsi, dans le cas de la figure 1, il n'y avait qu'un équilibre de Nash (en stratégies pures) : {a1, b1}.

Peut-on pour autant prédire qu'il représente les choix effectifs des deux joueurs ? Pas vraiment. En effet, après avoir constaté que {a2, b2} procure des gains supérieurs à l'un et à l'autre, A peut se dire : « En choisissant a2, je m'assure un gain au moins égal à 4, alors que mon gain maximum avec a1, 5, n'est que légèrement supérieur. En outre, B peut anticiper mon raisonnement ; évidemment, en choisissant alors b3, il obtiendrait le gain maximum (9), mais si je n'agis pas comme il prévoit, alors il fait une lourde perte (— 5). Mieux vaut pour lui d'opter pour b2, qui lui rapporte 8 (ou, au pire, 5). » Si B raisonne de façon similaire, en se mettant à la place de A, alors il peut effectivement opter pour b2 (mais il peut aussi le faire pour b3, la combinaison {a2, b3} étant cependant plus risquée pour lui que {a2, b2}).

Équilibre de Nash et optimalité

L'exemple précédent permet de voir non seulement le lien étroit entre équilibre et croyances (ou anticipations), mais il montre que l'équilibre de Nash peut ne pas être optimal au sens de Pareto (il existe une issue qui procure aux deux joueurs un gain supérieur à celui de l'équilibre). Le « dilemme des prisonniers » attire tout particulièrement l'attention sur ce point, indépendamment du problème des croyances. Il se présente sous la forme (fig. 3) :

, avec : s > p, p > q, q > r. Ce qui s'interprète ainsi : si deux « prisonniers » – soupçonnés d'avoir commis un larcin – décident de se taire (ils optent pour leurs stratégies d'indice 1, a1 et b1), alors leur gain, p, est supérieur à celui, q, qui est obtenu s'ils se dénoncent mutuellement (choix des stratégies d'indice 2) ; mais chacun est « tenté » par une forte prime, s, promise à celui qui dénonce son complice sans être dénoncé par lui (d'où l'inégalité s > p) ; en revanche, celui qui se tait tout en étant dénoncé par son complice est lourdement sanctionné (d'où l'inégalité q > r).

Ce jeu présente deux particularités :

– la stratégie a2 est dominante : pour chaque choix possible de B, elle procure à A un gain supérieur à celui que lui procure a1(en raison des inégalités s > p et q > r) ; il en est de même pour la stratégie b2 ;

– l'issue résultant[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Bernard GUERRIEN. JEUX THÉORIE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Le Tricheur à l'as de carreau, G. de La Tour - crédits : Picturenow/ Universal Images Group/ Getty Images

Le Tricheur à l'as de carreau, G. de La Tour

Autres références

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    • 1 045 mots

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Voir aussi