Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GÉRICAULT THÉODORE (1791-1824)

Géricault, autant qu'Ingres, est, en France, aux origines de l'art moderne. Mort jeune à la fin d'une vie passionnée, ce peintre est de ceux qui incarnent le plus purement l' art romantique dans ce pays. Il est vrai qu'il avait un sentiment particulièrement profond de l'art antique, mais cela n'est pas contradictoire comme on l'a prétendu parfois, bien au contraire. Autant prétendre que Byron n'est pas romantique parce qu'il a adopté la prosodie classique d'Alexander Pope. Le romantisme de Géricault consiste moins dans l'exaspération du sentiment, qui est du reste très réelle, que dans la façon dont l'artiste sape les normes et les conventions de la peinture, à la recherche d'un mode d'expression plus personnel et plus immédiat. Il en est résulté une œuvre difficile, disparate dans son effort de synthèse, mais extrêmement attachante.

Une vie passionnée

Géricault est né à Rouen le 26 septembre 1791 d'une famille bourgeoise aisée et même riche qui s'installe à Paris en 1796. L'adolescent, que le lycée n'intéresse guère, est habité par deux passions, l'art et le cheval. L'héritage de sa mère, morte en 1808, lui assure son indépendance matérielle, et il entre cette année-là dans l'atelier de Carle Vernet (1758-1836), en vogue pour ses sujets de chevaux. Géricault se lie d'amitié avec le fils de son maître, Horace. En 1810, il quitte Vernet pour l'atelier de Pierre-Narcisse Guérin, où il recueille les enseignements de l'école néo-classique et se prépare à une carrière de peintre d'histoire. C'est peut-être à cette époque que Géricault commence une liaison avec la jeune femme de son oncle.

Le Radeau de la Méduse, T. Géricault - crédits : AKG-images

Le Radeau de la Méduse, T. Géricault

En 1812, il présente au salon son Portrait équestre de M. D... (musée du Louvre) qu'on accroche en pendant au Portrait équestre de Sa Majesté le roi de Naples (musée du Louvre) de Gros. Le tableau remporte un grand succès malgré quelques réserves, et Denon lui décerne une médaille. En revanche, au salon suivant (1814), l'Exercice à feu à la plaine de Grenelle (perdu) passe complètement inaperçu, et le Cuirassier blessé quittant le feu (musée du Louvre) est mal reçu. À la fin de 1814, Géricault s'engage dans les Mousquetaires gris du roi et accompagne Louis XVIII dans sa fuite vers Gand, alors qu'il avait payé un remplaçant pour échapper à la conscription en 1811. À son retour, il s'installe rue des Martyrs, tout près de son ami Horace Vernet, dont l'atelier est un centre d'agitation bonapartiste. En 1816, il tente sans succès le concours du prix de Rome, mais il part tout de même pour l'Italie à ses frais, passe un mois à Florence, arrive à Rome avant la mi-novembre, pousse jusqu'à Naples avant de se fixer à Rome. Le spectacle de la rue pendant le carnaval lui inspire un grand projet, la Course des chevaux barbes, pour laquelle il exécute de très nombreux dessins et esquisses peintes ; le grand tableau ne sera pas exécuté. À l'automne 1817, l'artiste, de retour à Paris, exécute le Marché aux bœufs (Fogg Art Museum, Harvard University), puis il se met assez rapidement en quête d'un sujet à présenter au prochain salon. Le 31 août 1818 naît un enfant illégitime issu de sa liaison avec sa tante madame Caruel. La famille étouffe le scandale. Géricault semble alors se noyer dans le travail et attaque le Radeau de la Méduse, l'immense toile (491 × 716 cm) présentée au salon de 1819 sous le titre Scène de naufrage. Bien que controversée, l'œuvre remporte un succès considérable et vaut au peintre une médaille ainsi que la commande par l'État d'un tableau religieux (qu'il n'exécutera pas), alors que la Grande Odalisque d'Ingres est universellement décriée.

La Folle, monomane du jeu, T. Géricault - crédits : G. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

La Folle, monomane du jeu, T. Géricault

Après cet immense effort, Géricault semble avoir souffert[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

Classification

Pour citer cet article

Henri ZERNER. GÉRICAULT THÉODORE (1791-1824) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Le Radeau de la Méduse, T. Géricault - crédits : AKG-images

Le Radeau de la Méduse, T. Géricault

La Folle, monomane du jeu, T. Géricault - crédits : G. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

La Folle, monomane du jeu, T. Géricault

Le Derby d'Epsom, T. Géricault - crédits : V. Pirozzi/ De Agostini/ Getty Images

Le Derby d'Epsom, T. Géricault

Autres références

  • GÉRICAULT, LA FOLIE D'UN MONDE (exposition)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 1 000 mots

    Depuis la mémorable rétrospective de 1991 au Grand Palais, à Paris, due principalement à Régis Michel, conservateur au Louvre, il n'y avait pas eu en France de grande exposition consacrée à Géricault – hormis, en 1997, la présentation par l'École nationale supérieure des beaux-arts à Paris du très riche...

  • LE RADEAU DE LA MÉDUSE (T. Géricault)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 251 mots
    • 1 média

    La courte carrière de Théodore Géricault (1793-1824) commence sous l'Empire et s'achève avant la reconnaissance du mouvement romantique dans la peinture française, aux Salons de 1824 et 1827. Il fut cependant un modèle pour la génération des peintres qui représentent le romantisme...

  • THÉODORE GÉRICAULT ET LE ROMANTISME - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 553 mots

    1812 Géricault présente au Salon Portrait de M. D***, dit aujourd'hui Officier de chasseurs à cheval chargeant (musée du Louvre). L'œuvre surprend par sa composition en diagonale et en profondeur, par la vigueur de la touche et du coloris, par l'ambiguïté du sujet, à la fois un portrait et...

  • BONINGTON RICHARD PARKES (1802-1828)

    • Écrit par Pierre GEORGEL
    • 977 mots
    • 2 médias

    Peintre anglais, contemporain de la grande génération de peintres romantiques français, Bonington exerça sur elle une influence originale et considérable, et contribua plus que personne à l'initier aux formules de la peinture romantique anglaise, mises au point un quart de siècle plus tôt...

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    Pour intéressante qu'elle soit, la proposition de Jakobson nous ramène à l'opposition traditionnelle entre Delacroix et Courbet. Un artiste comme Géricault, en revanche, offre l'exemple d'une œuvre où les deux démarches sont plus intimement liées et plus équilibrées. Or, dans le tableau du romantisme...
  • DELACROIX EUGÈNE (1798-1863)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 3 463 mots
    • 6 médias
    ...ses premiers essais de gravure et de lithographie, tout en se liant à un milieu artistique jeune et ouvert, où se détachent deux personnalités : Géricault, son ancien dans l'atelier de Guérin, qu'il considère très vite comme un modèle, et Bonington, qu'il rencontre au Louvre, avec lequel il travaille,...
  • LES CHOSES. UNE HISTOIRE DE LA NATURE MORTE (exposition)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 178 mots
    • 1 média
    ...parallèlement la porte tant aux représentations animalières de la fragilité de la vie rassemblées dans la section « La bête humaine », en particulier Chat mort de Géricault (vers 1820, musée du Louvre, Paris), confronté notamment à Cabeza de vaca d’Andres Serrano (1984, collection Antoine de Galbert, Paris),...

Voir aussi