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TAOÏSME

Le terme de taoïsme (daojia) s'est appliqué d'abord aux écrits de certains mystiques de la Chine antique. C'est là une classification établie a posteriori par les bibliographes impériaux de l'époque des Han antérieurs (206 av.-9 apr. J.-C.). Parmi les nombreuses écoles philosophiques de la Chine pré-impériale, on chercherait vainement en effet une école « taoïste ». Le Dao[Tao en ancienne transcription E.F.E.O.], c'est-à-dire le Principe régulateur de l'Univers, et par extension le système absolu de la perfection en toute chose, était un sujet de spéculation commun à tous les penseurs de la Chine ancienne et non l'apanage exclusif des mystiques auxquels, par la suite, on a donné le nom de taoïstes.

On les connaît essentiellement par deux ouvrages : le Daode jing, livre du Dao et de son action, par le « Vieux Maître » Laozi, et le Zhuangzi par l'auteur de ce nom. Un troisième ouvrage, le Liezi, n'est aujourd'hui connu que dans une version remaniée du ive siècle de l'ère chrétienne ; son contenu n'apporte rien d'essentiel. Le fait que ces ouvrages aient mérité le nom de taoïstes provient sans doute du sens tout particulier que la notion de Dao prend dans leur système. Le Principe ultime a, pour eux, la qualité de ziran : « ainsi qu'il est par lui-même », donc tel quel, spontané. La liberté et l'autonomie s'obtiennent en épousant entièrement le grand mouvement naturel de l'univers. C'est là le vrai Dao : principe et voie de salut. Cette thèse se développe en opposition aux structures culturelles telles qu'elles sont représentées par l'état féodal ainsi qu'aux préceptes moraux du confucianisme naissant.

À l'époque où la notion de taoïsme se cristallise, c'est-à-dire au début de l'ère impériale (iie s. av. J.-C.), l'opposition idéologique du naturel au culturel avait déjà évolué au point d'impliquer de multiples connotations : celles de la réaction contre l'envahissement de l'administration centrale dans la vie régionale et rurale, de l'hostilité à l'orthodoxie confucéenne seule permise aux fonctionnaires de l'Empire, une option enfin pour l'individualisme contre l'assujettissement aux normes officielles et à leur système de valeurs.

Cette polarisation, qui se perçoit dès le moment où apparaît la notion de taoïsme, mènera à l'évasion mystique aussi bien qu'à la révolte populaire. Elle donnera au taoïsme, cette doctrine de liberté si profondément originale, la qualité de l'éternel alternatif.

Le taoïsme mystique

Le Dao du « Vieux Maître »

S'il n'y a pas eu, dans l'Antiquité, une école taoïste à proprement parler, d'où proviennent alors les maximes et aphorismes qui composent le Daode jing ? On ignore, à vrai dire, presque tout des origines de ce texte si célèbre, qui compte non seulement des centaines de commentaires en Chine même, mais est encore, depuis sa traduction en sanskrit en 661 apr. J.-C., le livre chinois le plus traduit dans les langues occidentales.

Ce n'est pas la personnalité de l'auteur (s'il exista, comme disait Marcel Granet) qui nous aidera à résoudre ce problème. Tout ce que l'on sait de lui, jusqu'à son surnom de « Vieux Maître », relève de la mythologie (cf. infra, chap. 2). Le texte lui-même ne comporte aucune indication ou allusion quant à la date et au lieu de sa composition. La philologie moderne a établi, par les méthodes de la critique externe, que la majeure partie de l'ouvrage daterait du début du iiie siècle av. J.-C., tout en réservant une époque plus reculée (d'un siècle ?) pour les nombreuses maximes composées de stances rimées. C'est d'ailleurs souvent dans ces parties anciennes que l'on trouve les passages clés pour la pensée du Vieux Maître. Elle[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Kristofer SCHIPPER. TAOÏSME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Laozi - crédits :  Bridgeman Images

Laozi

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...plus prestigieux des arts magiques, ont exercé, comme l'a montré Granet, une influence directe et profonde sur les premières conceptions alchimiques taoïstes. Par leurs principaux aspects, ces théories et ces pratiques remontent à la lointaine préhistoire. L'art du feu a formé, pendant des millénaires,...
  • BAI YUCHAN [PAI YU-TCH'AN] (1134-1222)

    • Écrit par Kristofer SCHIPPER
    • 338 mots

    Grand taoïste de l'époque des Song du Sud (1127-1279), dont l'œuvre domine le taoïsme des Temps modernes, surtout en Chine du Sud. Mais l'état actuel des recherches ne permet point de saisir tous les aspects de cette œuvre. La vie de Bai Yuchan est elle-même mal connue. Ge Changgeng,...

  • BOUDDHISME (Les grandes traditions) - Bouddhisme chinois

    • Écrit par Jacques GERNET, Catherine MEUWESE
    • 4 679 mots
    • 5 médias
    ...traitent justement de ces techniques), mais aussi par certaines de ses conceptions philosophiques, le bouddhisme paraissait présenter des analogies avec le taoïsme. Aussi est-ce dans le vocabulaire du taoïsme et, plus généralement, dans celui de la philosophie chinoise que sont traduits tout d'abord les termes...
  • BOUDDHISME (Les grandes traditions) - Bouddhisme japonais

    • Écrit par Jean-Noël ROBERT
    • 13 492 mots
    • 1 média
    ...des deux maṇḍala que sont le corps masculin, d'une part (maṇḍala du Plan de diamant), et le corps féminin, de l'autre (maṇḍala du Plan de la matrice). L'influence des conceptions taoïstes sur l'union du yin et du yang est d'autant plus probable que le fondateur de cette branche, Ninkan (...
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Voir aussi