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PHILOSOPHIQUES SYSTÈMES

Les décisions fondatrices de l'histoire de la philosophie comme étude des systèmes

Ces définitions fondatrices définissent une discipline philosophique positive et autonome dont les tâches et les méthodes sont déterminées par le fait philosophique lui-même, par les prétentions, les exigences et la dignité de la justification rationnelle en philosophie ; elles excluent donc toutes les attitudes qui négligent, méconnaissent, mécomprennent, ignorent ou refusent la systématicité philosophique.

1. L'histoire de la philosophie ne doit pas dissoudre ou réduire son objet en considérant les thèses philosophiques indépendamment des raisons qui les fondent. Séparées de leur système, les thèses ne sont plus que des opinions, documents pour l'histoire des idées. Cependant, à considérer (ce qui est licite) les philosophies comme des documents, on s'intéresse non à l'histoire de la philosophie, mais à l'histoire de ce pour quoi la philosophie sert de document. En philosophie, les systèmes philosophiques doivent être étudiés en eux-mêmes et pour eux-mêmes, dans leur systématicité.

Les principes de l'histoire positive des systèmes philosophiques s'opposent à toute espèce de réduction positiviste ou épistémologiste. Ils impliquent qu'une théorie de l'histoire qui prétendrait livrer le « secret de la fabrication des systèmes » (comme disait Brunschvicg) donnerait en fait seulement la clef des à-côtés ou des sous-produits de la philosophie si elle n'avait pas reconnu au préalable dans les systèmes le fait philosophique ; et ils écartent comme manquant l'essentiel, indépendamment de leurs oppositions sur la conception de l'histoire, les interprétations épistémologiques évolutionnistes de l'histoire de la philosophie à la façon de Brunschvicg, mais aussi bien les interprétations qu'une archéologie du savoir pourrait donner des philosophies en les considérant dans l'optique d'une épistémê déterminante sujette à variations brusques.

Plus généralement, l'histoire de la philosophie comme étude des systèmes récuse l'idée de la fin ou de la mort de la philosophie, idée qui peut se prendre en des sens bien différents, et se justifier par des considérations diamétralement opposées. Prétendre que la philosophie doit laisser la place à une « pensée de l'être » plus originaire, ou à une science (mais laquelle ?), ou à l'étude des sciences, ou à une « simple sagesse », c'est de toute manière méconnaître l'expérience de la philosophie qu'acquiert l'historien des systèmes en repensant et analysant les doctrines. Contrairement aux conceptions de Brunschvicg, l'histoire des systèmes comme discipline positive montre que, pour l'essentiel, l'intelligence philosophique n'a pas d'âge. L'historien de la philosophie n'admet pas l'idée d'une philosophie pérenne qui ne serait qu'un syncrétisme éclectique ; mais il reconnaît la pérennité de la philosophie, en ce double sens que de nouveaux systèmes sont toujours possibles, et que tout véritable système philosophique conserve à travers les âges une valeur qui le rend digne d'étude.

2. Cette position est solidaire de la définition de la philosophie comme métaphysique, prise non dans l'acception étroite de connaissance du suprasensible ou des substances immatérielles, mais dans le sens général où elle se prononce sur les principes premiers de l'être ou du connaître. En effet, dire, par exemple, qu'il n'y a « que des insécables et du vide », ou bien que « être, c'est percevoir ou être perçu », cela n'aurait ni sens ni possibilité de vérité si le philosophe ne restait conséquent avec cette affirmation première, et ne la justifiait pas. Même une philosophie irrationaliste doit justifier par système son irrationalisme. Pour être[...]

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Pour citer cet article

Jacques MOUTAUX. PHILOSOPHIQUES SYSTÈMES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831)

    • Écrit par Jacques d' HONDT, Yves SUAUDEAU
    • 11 852 mots
    • 1 média
    ...différenciation s'effectue par dérivation dialectique, le résultat, ou le produit, ne peut être qu'une sorte d'organisme spirituel, actif en son identité. Le philosophe ne sait l'exprimer que discursivement et abstraitement dans une forme fixe, immobile et articulée : une sorte d'exposition spatiale de ce...
  • PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 800 mots
    • 1 média
    ...immédiate à la plus complexe, de la « certitude sensible » au « savoir absolu ») ne sont que les moments d'un processus total, englobant, qui, seul, est vrai. Cette totalité est à penser en tant que « système » – « le savoir n'est effectif et ne peut se trouver présenté que comme science ou comme système » –...
  • RATIONALISME

    • Écrit par Gilles Gaston GRANGER
    • 7 634 mots

    Le mot rationalisme, en son sens large, ne désigne pas vraiment une doctrine, comme les mots « idéalisme » « réalisme » ou « empirisme ». Sans doute peut-on en fixer certains traits pour constituer, en un sens étroit, le contenu d'une doctrine qui s'oppose alors à l'...

  • SPINOZA BARUCH (1632-1677)

    • Écrit par Robert MISRAHI
    • 12 159 mots
    • 1 média
    C'est pourquoi le concept de Nature n'est pas suffisant. Le Dieu, c'est-à-dire le monde spinoziste, est un système logique, structuré de telle sorte qu'il puisse effectivement rendre compte du réel. À la limite, on dirait volontiers que le système spinoziste de la Nature est une axiomatique, c'est-à-dire...

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