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STÉRÉOCHIMIE Stéréochimie organique

On trouvera dans l'article chimie organique le principe des méthodes qui ont conduit à l'établissement des formules développées planes. On va montrer ici pourquoi ces formules planes sont encore insuffisantes.

Désignant provisoirement par X, Y, Z, T (X′, Y′, Z′, T′) des substituants mono-atomiques tous différents, on est appelé à représenter par la formule plane (1) un dérivé tétrasubstitué du méthane, mais rien ne dit, a priori, si elle est équivalente à la formule (2).

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L'expérience montrant qu'un tel dérivé n'existe que sous une seule forme, on serait tenté de penser que l'ordre de disposition des substituants autour d'un même atome est indifférent, et de couper court à toute discussion en écrivant le composé CX2YZ.

Mais, si l'on considère la formule à peine plus compliquée :

en admettant l'équivalence de toutes les formules planes, on devrait conclure qu'il lui correspond un composé unique ; or, il en existe quatre. Il est donc de toute nécessité d'envisager la disposition spatiale des substituants autour d'un même atome. C'est l'objet de la stéréochimie organique.

Cette discipline comprend deux parties : la stéréochimie statique, qui n'envisage que la structure spatiale des molécules, et la stéréochimie dynamique, qui étudie les variations des structures spatiales au cours des réactions.

Stéréochimie statique

Carbone « tétraédrique »

Tout composé CX4, CX3Y, CX2Y2, CX2YZ existe sous une seule variété. Il faut, ou bien admettre que si un tel composé peut, à l'origine, prendre naissance sous différentes formes, toutes se transforment spontanément en le composé unique le plus stable, ou bien que les composés obtenus par différentes voies sont, dès l'origine, identiques. En généralisant la première hypothèse, on serait amené à nier l'existence de plusieurs isomères pour CXYZ−CX′Y′T′, conclusion en opposition avec l'expérience. On a tenté de donner de la seconde hypothèse des démonstrations expérimentales ; elles ne sont pas à l'abri de toute critique, et il est plus raisonnable de la considérer comme un postulat qui se vérifiera par toutes ses conséquences.

L'unicité des composés CX4, CX3Y, CX2Y2, CX2YZ n'est compatible qu'avec une hypothèse structurale unique ; dans CX4, les quatre X jouent un rôle identique puisqu'il n'existe qu'un composé CX3Y, et tout couple YZ est interchangeable avec le couple ZY, puisqu'il n'existe qu'un composé CX2YZ. Il faut donc que les quatre substituants identiques dans CX4 occupent les quatre sommets d'un tétraèdre régulier dont le carbone occupe le centre. Dans les composés CX3Y, CX2Y2, CX2YZ, ce tétraèdre n'est plus régulier, mais l'édifice conserve au moins un plan de symétrie, montrant que les dispositions (3) et (4) sont absolument équivalentes.

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Dans CX4, toutes les liaisons C−X ont même longueur, et les six angles de valence XĈX ont même valeur :

Dans les composés CX3Y, CX2Y2, CX2YZ, les distances interatomiques ne sont plus toutes égales et les angles de valence ne sont plus tous égaux ; toutefois, tant qu'il s'agit de molécules acycliques, ces angles s'écartent peu de 1090 28′.

Les structures réelles présentent les mêmes symétries qu'un tétraèdre régulier aux sommets duquel sont inscrites des lettres représentant les substituants. C'est pourquoi ce postulat est couramment désigné par « postulat du carbone tétraédrique ». En réalité, ni les faces ni les arêtes de ce tétraèdre n'ont un rôle quelconque ; seules les lignes de valence, axes de symétrie des orbitales, ont une signification physique et le postulat du carbone tétraédrique devrait s'énoncer : les axes des quatre orbitales du carbone ne sont pas dans un même plan, mais forment des angles égaux dans CX4, et différents dans CXYZT.

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La théorie de l' hybridation des orbitales est venue confirmer ce postulat, mais il est bien antérieur à cette théorie, et il a pu être formulé en s'appuyant exclusivement sur les considérations de symétrie ; tout le reste de cet exposé reposera sur les mêmes méthodes.

Carbone asymétrique

Dans la représentation tétraédrique de CX2YZ, les deux X ne jouent pas le même rôle ; en substituant l'un d'eux par T, le composé CXYZT ne présente plus d'élément de symétrie.

Les deux formules (5) et (6) sont symétriques par rapport à un plan.

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Deux lots de molécules CXYZT, le premier exclusivement bâti sur le modèle (5), l'autre exclusivement bâti sur le modèle (6), auront des propriétés scalaires (densité, points d'ébullition et de fusion, etc.) identiques. Mais on ne peut affirmer qu'il en est de même pour les propriétés orientées. L'une d'elles est particulièrement caractéristique ; il s'agit du pouvoir rotatoire naturel d'un composé à l'état liquide, ou en solution dans un solvant lui-même dépourvu de pouvoir rotatoire. Chacun des lots possède le pouvoir rotatoire naturel ; de plus, les pouvoirs rotatoires des deux lots sont égaux et de sens contraires.

On dit que (5) et (6) sont des inverses optiques ou des énantiomères ; l'un d'eux est dextrogyre, tandis que l'autre est lévogyre.

L'expérience montre qu'un lot de composés de formule plane CXYZT a, ou n'a pas, le pouvoir rotatoire. Si le lot est uniquement composé de la forme (5) ou de la forme (6), il présente le pouvoir rotatoire maximal en valeur absolue ; on dit que l'on a affaire à l'un des antipodes optiques purs. Si le lot est composé en quantités égales des formes (5) et (6), il n'a plus de pouvoir rotatoire ; on le dit alors racémique (ou mélange racémique) ; enfin, un lot peut être constitué par un mélange en parties inégales de (5) et (6) ; il possède alors un pouvoir rotatoire de l'un ou de l'autre sens, mais inférieur en valeur absolue à celui des antipodes optiques ; on a affaire à un mélange partiellement racémisé (ou partiellement déracémisé).

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En principe, tout racémique ou tout mélange racémisé peut être, par des méthodes appropriées, « dédoublé » en antipodes optiques purs. CXYZT est donc ou bien un antipode optique, ou bien un mélange de deux antipodes optiques.

Le carbone lié à quatre substituants tous différents est appelé carbone asymétrique ; on lui affecte fréquemment un astérisque :

Depuis quelques années, on désigne par «  chiralité » (du grec kheir, main) le fait, pour une molécule, de pouvoir exister sous deux formes inverses optiques, comme le sont (sensiblement) nos deux mains.

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Le carbone asymétrique est appelé « carbone chiral », ou « centre de chiralité » ; il vaut mieux dire « site de chiralité », car on conçoit difficilement un « centre d'asymétrie ».

CX2YZ est un composé unique ; si on effectue sur lui le remplacement expérimental de X par T (en n'utilisant que des réactifs symétriques), les probabilités pour obtenir (5) ou (6) sont égales et, comme de toute façon cette réaction ne peut être effectuée que sur un nombre considérable de molécules élémentaires, on conclut, d'après la loi des grands nombres, que le produit obtenu est pratiquement le racémique. C'est un cas particulier d'un principe beaucoup plus général, énoncé par Pasteur. Il est impossible d'aboutir à un composé actif sur la lumière polarisée en ne mettant en œuvre que des composés inactifs.

Afin d'éviter des formules perspectives pour représenter des énantiomères, on est convenu de projeter les formules spatiales sur le plan du papier. On projette le tétraèdre sous forme d'un carré dont une diagonale est horizontale ; les arêtes verticales et horizontales sont confondues sur cette projection avec les lignes de valence.

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On écrit les quatre substituants aux quatre sommets, formule (5). On passe de cette projection à celle de l'inverse optique (6) en permutant deux quelconques des lettres, mais, le plus souvent, on permute celles écrites verticalement.

On supprime alors les quatre côtés du carré, on remplace le trait ponctué par un trait plein et on aboutit aux formules (7) et (8). Mais il faut bien préciser que les substituants écrits verticalement sont en avant, ceux écrits horizontalement sont en arrière du plan du papier ; sinon les projections seraient ambiguës.

Les formules projectives peuvent, sans changer la nature de l'énantiomère représenté, subir une rotation de 1800. (7) équivaut à (9), mais une rotation de 900 fait passer de l'un à l'autre : le composé représenté par la formule (10) est l'inverse optique de celui de la formule (7).

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On désigne par d la variété dextrogyre et par l la variété lévogyre, mais, dans la plupart des cas, on ignore la « configuration absolue » ; on sait seulement que si (7) représente d, (10) représente l ; toutefois, dans des séries bien étudiées, la configuration absolue est connue ; on représente alors par D une certaine configuration, et par L la configuration inverse, mais alors D n'est plus forcément le composé dextrogyre.

Il existe une nomenclature non ambiguë pour noter un carbone asymétrique dont la configuration absolue est connue.

On établit un classement rationnel de tous les radicaux. Celui-ci fait intervenir, en priorité, le numéro atomique de l'atome d'attache du radical au carbone, puis, éventuellement, celui de ses substituants immédiats, puis, si besoin est, celui des substituants immédiats des précédents, etc.

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Voici quelques jalons de ce classement de substituants sur le carbone par priorité croissante :

Configurations absolues - crédits : Encyclopædia Universalis France

Configurations absolues

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Soit un carbone asymétrique dont les quatre substituants sont, dans l'ordre inverse du classement précédent, a, b, c, d. On place l'observateur à l'opposé de d. Si pour passer de a à b, puis à c, son regard se déplace dans le sens des aiguilles d'une montre, le carbone chiral est noté R (latin, rectus) ; s'il se déplace dans l'autre sens, il est noté S (latin, sinister). Un exemple en est donné à la figure.

Principe de libre rotation (ou de liaison mobile)

Deux carbones saturés simplement liés sont réunis par une seule ligne de valence, et chacun d'eux échange trois valences avec ses substituants. En général, les trois substituants de l'un des carbones peuvent tourner, par rapport à ceux de l'autre carbone, autour de la liaison C1−C2 ; mais les états de rotation relative ont des probabilités différentes : par exemple, dans le cas de CH2Br−CH2Br (bromure d'éthylène), un lot de telles molécules est constitué par une infinité de conformations. La moins probable est celle dans laquelle les deux atomes de carbone et les deux atomes de brome sont dans un même plan et ces derniers les plus proches l'un de l'autre (position antipode) ; la conformation la plus probable est celle dans laquelle ces quatre atomes sont dans le même plan, mais les atomes de brome le plus éloignés possible (position avantagée principale) ; toutefois, la probabilité de trouver la molécule dans une conformation déterminée ne varie pas de façon monotone avec l'angle des plans Br(1) C(1) C(2) et C(1) C(2) Br(2) ; il existe, d'une part, deux positions avantagées secondaires dans lesquelles Br(1), C(1), C(2), H(2) sont dans le même plan, H et Br étant le plus éloignés possible, et, d'autre part, deux positions antipodes secondaires dans lesquelles ils sont dans le même plan, mais le plus rapprochés possible.

On représente ces positions par la projection de Newman ; la molécule est vue par un observateur placé dans le prolongement de C(2)−C(1) (cf. conformations [chimie], fig. 1). Les positions avantagées sont dites étoilées et les positions antipodes sont dites éclipsées. Dans le cas général les conformations éclipsées sont toujours les moins probables.

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Quoi qu'il en soit, au zéro absolu les molécules sont, pour la plupart, en position avantagée principale, en moindre concentration aux positions avantagées secondaires (qui constituent des « cuvettes d'énergie »). Lorsque la température s'élève, les molécules commencent par se disperser aux alentours immédiats des positions étoilées, puis, l'agitation thermique augmentant, elles franchissent les positions éclipsées (barrière d'énergie), conduisant ainsi à une libre rotation, mais avec une répartition statistique très différente des diverses conformations.

Toutefois, aux températures accessibles, il est très rare que les molécules soient confinées dans les cuvettes d'énergie (cf. infra : Atropo-isomérie). Dans l'immense majorité des cas, on peut admettre la libre rotation ; en d'autres termes, les « isomères rotationnels » ne sont que très exceptionnellement séparables. On en conclut que le bromure d'éthylène, par exemple, s'il n'est pas constitué de molécules toutes identiques, forme du moins un lot unique et constitue en fait une seule espèce chimique ou, tout au moins, un « lot d'espèce unique ».

Pratiquement, presque toujours réalisable, la libre rotation permet de résoudre plusieurs problèmes stéréochimiques. Grâce à elle, on peut toujours imposer à une molécule ou à un radical ne renfermant pas de carbone asymétrique une conformation présentant un plan de symétrie.

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Cette remarque permet de lever la restriction faite au début. Tout ce qui a été dit reste vrai si X, Y, Z, T ne sont plus des substituants monoatomiques (présentant une symétrie de révolution), à condition qu'ils ne renferment pas de carbone asymétrique (ou un atome jouant le même rôle). En effet, si R, R′, R″ ne renferment pas de carbone asymétrique, CRR′(R″)2 est susceptible de prendre une conformation d'ensemble douée d'un plan de symétrie, ce qui suffit pour conclure que CRR′(R″)2 est un lot d'espèce unique comme CXYZ2 et ne possède pas le pouvoir rotatoire.

D'ailleurs, cette condition suffisante n'est pas nécessaire ; le seul énoncé correct d'un principe attribué à Pasteur est celui-ci : la condition nécessaire et suffisante pour qu'un lot d'espèce unique ne possède pas le pouvoir rotatoire est qu'une conformation quelconque d'une molécule de ce lot puisse se transformer spontanément en son inverse optique. Ce passage peut, comme dans l'exemple précédent, se faire en franchissant une conformation symétrique, mais cette condition n'est pas nécessaire.

Diastéréo-isomérie

Lorsqu' une molécule renferme plusieurs carbones asymétriques, on peut envisager, pour chacun d'eux, deux configurations différentes ; il en résulte que, dans le cas général, à n carbones asymétriques correspondent 2n isomères auxquels on a donné le nom de « diastéréo-isomères ». Toutefois, des symétries d'ensemble peuvent réduire ce nombre.

Cas de deux carbones asymétriques

Le cas le plus simple est celui de deux carbones asymétriques voisins portant chacun trois substituants non respectivement identiques : CXYZ−CX′Y′Z′, ou même CXYZ−CXYZ′.

On généralise la projection conventionnelle d'un seul carbone asymétrique : grâce au principe de liaison mobile, on amène Z, les deux C et Z′ à former une ligne polygonale ouverte, plane et convexe que l'on projette horizontalement, les deux C dans le plan du papier, les Z et Z′ en arrière. On obtient Z ... C − C ... Z′ ou, plus simplement, Z−C−C−Z′.

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On place alors X, Y, X′, Y′ sur les carbones respectifs, en avant du plan de figure et de toutes les façons possibles, on obtient ainsi les formules (11), (12), (13) et (14) . Les composés (11) et (12), ainsi que (13) et (14), sont inverses optiques ; les autres couples possibles, non inverses optiques, sont dits diastéréo-isomères ; les deux racémiques [(11) + (12)] et [(13) + (14)] sont dits racémiques diastéréo-isomères.

Les diastéréo-isomères, contrairement aux inverses optiques, ont des propriétés différentes, ce qui permet, en principe du moins, de les séparer par les méthodes de l'analyse immédiate.

Si X, Y, Z sont respectivement identiques à X′, Y′, Z′, (13) et (14) restent actifs et inverses optiques ; mais (11) et (12) sont identiques ; comme ils sont également inverses optiques, les formules écrites ne sont que deux projections équivalentes (elles se déduisent d'ailleurs l'une de l'autre par une rotation permise de 1800) d'un composé unique inactif sur la lumière polarisée et désigné par « inactif indédoublable » pour le distinguer du racémique [(13) + (14)] qui est inactif mais dédoublable. (11) [ou (12)] est encore appelé isomère « méso » car il est intermédiaire entre (13) et (14).

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Dans la nomenclature se référant aux configurations absolues, le composé méso est noté R, S ; le racémique est noté (R, R + S, S).

Z et Z′ étant les substituants les plus compliqués, si X = X′, que Y et Y′ soient identiques ou différents, on désigne par «  érythro » les composés (11) et (12), et par «  thréo » les composés (13) et (14), cela par référence à des oses : érythroses et thréoses présentant cette isomérie.

La projection de l'inactif indédoublable, représentée par la formule (15), possède un axe de symétrie, trace d'un plan de symétrie de la conformation imposée ; mais cette conformation (position antipode) est la moins probable ; la position avantagée présente au contraire un centre de symétrie, mais ne peut être écrite en projection conventionnelle. Par contre, la projection conventionnelle de l'un des composés actifs, par exemple celui représenté par la formule (16), a un centre de symétrie ; celui-ci ne supprime pas l'activité optique ; ce n'est que la trace d'un axe de symétrie (qui, dans l'espace, n'implique pas l'absence de pouvoir rotatoire) ; ce n'est pas un centre de symétrie dans l'espace, car il ne peut être à la fois aux milieux des 2 C, des 2 X, des 2 Y et des 2 Z.

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Ces remarques sont généralisables aux projections des molécules présentant n carbones asymétriques incorporables dans une chaîne linéaire ; dans le cas général, un axe de symétrie de la formule projective supprime l'activité optique ; un centre de symétrie de cette formule ne le supprime pas.

Généralisation

Si les carbones asymétriques font partie d'une chaîne linéaire, on peut généraliser ces projections ; pour ce faire, on amène les n carbones asymétriques et l'un des substituants des carbones extrêmes à former une ligne polygonale plane et convexe ; on la projette radialement sur un cylindre et on développe la projection pour obtenir :

On place, de toutes les façons possibles, les deux autres substituants de chaque carbone. Si la formule plane ne présente pas un plan de symétrie, le nombre d'isomères est toujours 2n ; s'il en présente un, ce nombre est réduit à 2n-1 si n est impair et à 2n-1 + 2(n/2)-1 s'il est pair. À titre d'exemple, nous citerons les alcools CH2OH−(C*HOH)n−CH2OH ; nous utiliserons une représentation simplifiée qui symbolise les composés de formules (17) et (18) par R −Ł− R′ et R −̩r− R′.

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À la formule plane CH2OH−(C*HOH)3 −CH2OH correspondent quatre isomères :

Pour CH2OH−(C*HOH)4−CH2OH, on prévoit (et on connaît) dix isomères dont deux inactifs, et quatre couples de racémiques ; pour CH2OH−(C*HOH)5−CH2OH, on prévoit seize isomères dont quatre inactifs, et six couples de racémiques ; pour CH2OH−(C*HOH)6−CH2OH, on prévoit trente-six isomères dont quatre inactifs, et seize couples de racémiques, etc.

Si les carbones asymétriques ne peuvent être incorporés dans une chaîne linéaire, les projections conventionnelles ne sont plus d'aucun secours ; ainsi, à la formule (19) correspondent 25 = 32 isomères. Mais la formule (20) n'en représente plus que 5.

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Si on symbolise par d et l les deux configurations possibles de −CXYZ, on peut les schématiser Cd4, Cd3l, Cd2l2, Cdl3, Cl4 ; tous sont actifs, sauf le troisième ; Cd2l2 ne peut acquérir, quelle que soit sa conformation, un centre ou un plan de symétrie, mais il existe des conformations superposables à leur image, condition suffisante mais encore non nécessaire à l'inactivité optique.

Stabilité et conformation des cyclanes et de leurs dérivés

Les liaisons entre les carbones constituant un cycle à n atomes forment un angle au moins égal à l'angle au sommet du polygone régulier de n côtés.

Pour n = 3, cet angle est de 600, soit très inférieur à l'angle normal (1090 28′) de deux liaisons du carbone ; il en résulte une « tension » du cycle qui explique sa grande instabilité.

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Pour n = 4, si les carbones sont dans un même plan, cet angle est de 900 ; la tension est encore notable ; elle peut même augmenter très légèrement si le cycle subit un gauchissement.

Pour n = 5, l'angle est de 1080 ; dans le cycle plan, la tension est négligeable.

Pour n > 5, si le cycle était plan et convexe, on serait tenté d'envisager une tension de sens inverse de celle constatée pour les petits cycles (pour n = 6, 1200 au lieu de 1090 28′, et pour n très grand, 1800 au lieu de 1090 28′). Or, on constate que pour n ≥ 5 tous les cycles présentent une grande stabilité ; on en conclut que pour n > 5 les cycles ne sont plus plans. En effet, pour n = 6, on prévoit deux dispositions sans tension. La première, la plus stable, est généralement désignée sous l'expression de forme chaise (cf. conformations) représentée en (21) ; elle n'est pas déformable sans augmentation transitoire des tensions. La seconde, en général moins stable, est appelée forme bateau (22) ; elle peut subir des déformations limitées, sans variation des tensions, en des conformations ne présentant plus de symétrie (formes croisées).

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En ce qui concerne le cyclohexane, il est en perpétuel équilibre entre deux formes chaise équivalentes (23) et une forme bateau déformable : à l'équilibre à la température ordinaire, la seconde ne représente que quelques millièmes de l'ensemble mais, grâce à cet équilibre pour lequel on peut envisager un passage par la forme plane, les isomères conformationnels constituent un lot d'espèce unique. C'est la raison pour laquelle, dans l'immense majorité des cas, on ne peut prévoir pour les dérivés de substitution du cyclohexane un nombre d'isomères supérieur à celui qui se déduirait d'une formule plane. La même remarque est valable pour les cycles à plus de six atomes de carbone.

Décompte des isomères cyclaniques

Les cyclanes fondamentaux ou polyméthylènes (CH2)n n'existent que sous une seule forme ; il en est de même des dérivés monosubstitués ou bisubstitués géminés dont la conformation plane présente un plan de symétrie.

Par contre, l'introduction d'un second substituant, si ce n'est pas sur le carbone diamétralement opposé au carbone substitué, crée, d'un seul coup, deux carbones asymétriques, c'est-à-dire l'existence de quatre isomères deux à deux inverses optiques (24).

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Toutefois, si X et Y sont identiques, d1 et l1 ne représentent qu'un seul et même composé, un inactif indédoublable.

d1 et l1, les composés « érythro », sont, ici, appelés isomères cis (les 2 H sont du même côté du plan moyen du cycle) ; d2 et l2, les composés « thréo », sont appelés isomères trans ; les racémiques (d1 + l1), (d2 + l2) sont, respectivement, les racémiques cis et trans.

Évidemment, l'isomérie est la même si les carbones substitués ne sont plus consécutifs, pourvu – si le cycle est pair – qu'ils ne soient pas diamétralement opposés ; s'il en est ainsi, apparaît une nouvelle isomérie.

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Les deux composés (25) et (26) sont l'un et l'autre uniques et inactifs, la figure présentant un plan de symétrie, mais ils sont différents l'un de l'autre ; il existe donc un dérivé cis et un dérivé trans, l'un et l'autre dépourvus de pouvoir rotatoire ; doués de propriétés physiques différentes, ils sont, en principe, séparables par les méthodes de l'analyse immédiate.

Si le cycle est plus substitué, on peut prévoir un plus grand nombre d'isomères ; il suffira de donner un exemple. Aux cyclohexanehexols de formule (27) correspondent neuf isomères, dont sept inactifs, et un couple de racémiques ; tous sont connus ; rappelons, à titre de comparaison, que CH3−(CHOH)6−CH3 représente trente-six isomères.

Conformation des cycles hexagonaux

Si l'on considère la forme chaise, généralement la plus stable, on remarque que les liaisons émanant du cycle sont pour six d'entre elles (1, 2, 3, 4, 5, 6) sensiblement dans le plan moyen du cycle, tandis que les six autres (7, 8, 9, 10, 11, 12) sont sensiblement parallèles entre elles et perpendiculaires à ce plan moyen (28). Les premières s'appellent liaisons équatoriales (e), et les secondes liaisons axiales (a).

Pour le cyclohexane, la forme chaise est unique ou, plus exactement, les deux formes chaise que l'on peut écrire sont équivalentes : il n'en est plus de même pour un cyclohexane substitué ; on peut en effet imaginer deux formes chaise différentes (29) et (30) . Elles n'ont pas la même probabilité ; en effet, dans la seconde, X se trouve, dans l'espace, très proche de deux hydrogènes axiaux explicités, ce qui provoque une gêne stérique et une instabilité ; cette gêne stérique est d'autant plus importante que X est plus volumineux, d'où la règle générale : l'importance à l'équilibre de l'isomère où X occupe la position équatoriale est d'autant plus grande que X est plus volumineux ; pratiquement, le tertiobutyl cyclohexane, X = C(CH3)3, est intégralement sous cette forme.

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S'il existe plusieurs substituants, ils tendent à occuper, si c'est possible, les positions équatoriales pour lesquelles la gêne stérique est à peu près nulle ; c'est ainsi que les dérivés trans α (31) ou γ (32) ont cette conformation privilégiée. Il en est de même pour les dérivés cis β (33).

Par contre, pour les dérivés cis α ou γ, et pour les dérivés trans β, il y a ambiguïté ; en général, le substituant le plus volumineux occupe la position équatoriale. Mais si X et Y sont l'un et l'autre très volumineux, la forme bateau (ou croisée) devient la plus stable : exemple, le cis ditertiobutyl-cyclohexane-1,4 (34).

Les contrôles physiques, en particulier la résonance magnétique protonique, ont confirmé l'exactitude de ces prévisions.

Polycycles accolés

Deux cycles pentagonaux accolés par deux carbones sont sensiblement plans, mais les plans des deux cycles forment un angle notable. Deux cycles pentagonaux ayant trois carbones en commun sont équivalents à un cycle hexagonal « ponté » par un atome de carbone ; le cycle hexagonal prend alors obligatoirement la forme bateau.

Deux cycles hexagonaux accolés par deux carbones peuvent, sous forme chaise, présenter les configurations (35) et (36) .

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Dans l'hydrogénation poussée du naphtalène, il se forme simultanément les deux isomères qui ne sont pas interconvertibles.

Certains composés bicycliques (37) comportent deux carbones asymétriques. On serait tenté de prévoir 22 = 4 isomères, deux à deux inverses optiques ; il n'en est rien, car les deux carbones asymétriques ne sont pas indépendants ; la configuration de l'un impose celle de l'autre, de sorte qu'il n'existe que deux isomères inverses optiques ; la formule (38), bien que comportant deux carbones asymétriques, ne représente qu'un composé unique, car elle possède un plan de symétrie.

De toute façon, dans le décompte des isomères possibles, il faut considérer l'indépendance des carbones asymétriques.

Isomérie « cis-trans » éthylénique (ou géométrique)

La liaison éthylénique peut être assimilée à un « cycle à deux atomes » (ce cycle est constitué par l'orbitale π). En conséquence, l'isomérie des éthyléniques substitués est la même que celle des cycles pairs substitués sur des carbones diamétralement opposés ; c'est ainsi qu'à la formule CHX=CHY correspondent deux isomères (39) et (40).

Ces composés sont inactifs, la molécule présentant, comme plan de symétrie, le plan de la feuille de papier, car C,C,X,Y,H,H sont coplanaires ; ils sont différents et ne subissent que difficilement une interconversion. En d'autres termes, le principe de libre rotation n'est pas applicable à la liaison éthylénique.

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Les formules conventionnelles (39) et (40) ne doivent pas être mélangées à celles du carbone asymétrique ; on prévoirait ainsi sept isomères pour :

alors qu'il n'y en a que six : un cis inactif, un cis droit, un cis gauche, un trans inactif, un trans droit, un trans gauche ; le cumul des deux conventions laisserait supposer que le trans inactif est un racémique, car sa projection ne peut présenter un axe de symétrie, mais, dans l'espace, une de ses conformations possède un centre de symétrie.

Isomérie spirannique

On appelle spiranne une molécule possédant un seul carbone commun à deux cycles. Les plans moyens de ces cycles sont perpendiculaires ; si les cycles sont pairs et si on introduit, dans chacun d'eux, un substituant sur le carbone diamétralement opposé au carbone commun, la formule (41) ne comporte aucun carbone asymétrique, sensu stricto.

Mais les vecteurs HX et HY sont perpendiculaires dans l'espace ; ils peuvent être soit dextrorsomes, soit sinistrorsomes, et les deux configurations sont différentes et non superposables mais inverses optiques : en conclusion, à la formule (41) correspondent deux énantiomères.

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Le même raisonnement est valable pour les composés (42) et (43) , qui sont effectivement dédoublables en inverses optiques.

On appelle parfois carbone « crypto-asymétrique » le carbone commun aux deux cycles, ou le carbone commun à un cycle et à une double liaison, ou encore le carbone commun à deux doubles liaisons.

Atropo-isomérie

L'existence d'un seul carbone asymétrique ou cryptoasymétrique dans une molécule est une condition suffisante à l'existence des énantiomères ; on a cru longtemps qu'elle était nécessaire ; il n'en est rien.

Le noyau benzénique est plan et les six liaisons qui en émanent sont dans ce plan et forment, deux à deux, des angles de 600.

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Le diphényle est l'hydrocarbure (44). Il est sensiblement plan, la mésomérie se transmettant d'un noyau à l'autre et donnant une grande stabilité à la structure dans laquelle les deux noyaux sont coplanaires. Cependant, cette planéité n'est pas rigoureuse, les hydrogènes explicités se gênant légèrement ; il n'en est plus de même si nous substituons à ces hydrogènes des radicaux volumineux ; dans un tel composé, les plans de deux noyaux forment un angle notable, et les molécules s'écartent peu de la position dans laquelle ils sont perpendiculaires.

Soit maintenant un dérivé (45) trisubstitué, avec X et Y différents. L'encombrement dû à X, Y, Z entrave complètement la libre rotation autour de la liaison qui unit les noyaux. Il s'ensuit que si nous supposons le noyau de gauche dans le plan de figure, le noyau de droite oscille peu de part et d'autre de la conformation dans laquelle il est perpendiculaire à ce plan. Or Z peut être « emprisonné » entre X et Y, soit au-dessus de ce plan, soit au-dessous, et les deux figures ainsi obtenues sont inverses optiques. Il s'ensuit que le composé se présente sous deux formes énantiomères, cela en l'absence de tout carbone asymétrique ou crypto-asymétrique : c'est l'atropo-isomérie, isomérie optique résultant d'une entrave à la libre rotation.

Une autre conséquence curieuse de l'atropo-isomérie est que le composé (46) existe sous trois formes seulement : celles dans lesquelles les deux carbones marqués d'un astérisque ont même configuration, soit un composé dextrogyre et son inverse optique ; celle dans laquelle ces carbones ont des configurations inverses. Ce dernier est un inactif indédoublable, bien qu'il soit impossible de lui imposer une conformation symétrique ou superposable à son image ; mais, par des rotations judicieuses autour des liaisons CXYZ−noyau, la molécule se transforme spontanément en son image, seule condition nécessaire pour l'inactivité optique et l'unicité d'un tel lot.

Stéréochimie des hétéroatomes

Les orbitales de O, S, N, ont, comme pour le carbone, une distribution tétraédrique, mais, tant que ces éléments sont diou trivalents, le tétraèdre ne peut être régulier ; il le serait dans l'ion N+(R)4 dans lequel l'azote est tétracoordonné.

Il s'ensuit que l'oxygène ou le soufre ne peuvent constituer un site de chiralité tant qu'ils restent bivalents : R−O−R′ et R−S−R′ (R et R′ non asymétriques) n'existent que sous une forme inactive.

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Il n'en est plus, en principe, de même pour les ions oxonium R′R″R‴O+ et les ions sulfonium R′R″R‴S+ en admettant que l'orbitale non liante joue le rôle stérique d'une liaison. Expérimentalement, on a constaté que les ions oxonium dissymétriques sont indédoublables en inverses optiques, alors que le même phénomène ne se présente pas pour le soufre, le sélénium, le tellure. Le problème est le même pour l'azote : une amine tertiaire dissymétrique s'équilibre rapidement avec son inverse optique (47) et on n'a pas réussi à dédoubler une amine tertiaire en inverses optiques, tout au moins en série acyclique ou monocyclique.

En revanche, si l'orbitale non liante est utilisée dans une liaison avec un quatrième substituant, le dédoublement devient facile ; tel est le cas des ions ammonium asymétriques N+R1R2R3R4 et des aminoxydes ONR1R2R3.

L'azote doublement lié est beaucoup moins sensible à cette conversion de configuration ; c'est ainsi que les dérivés (48) et (49) existent sous ces deux formes, difficilement interconvertibles ; on a donné à cette isomérie le nom d'isomérie syn-anti ; elle est très voisine de l'isomérie cis-trans éthylénique.

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Écrit par

  • : professeur de chimie à l'université de Paris-Sud, membre de l'Académie des sciences
  • : professeur à la faculté des sciences de Paris, à l'École centrale des arts et manufactures de Paris et à l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses

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Configurations absolues

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