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SOUFISME ou ṢŪFISME

D'origine arabe, le terme de soufisme sert communément à désigner la mystique islamique. Il recouvre et parfois masque une multitude de courants d'importance diverse, souvent divergents dans leur pratique et leur doctrine, échelonnés entre les débuts de l' islam (ier siècle de l'hégire/viie siècle de l'ère chrétienne) et l'époque actuelle. Certains de ces courants n'ont eu qu'une existence éphémère ; d'autres vivent encore aujourd'hui et peuvent se prévaloir d'une antériorité de plusieurs siècles.

Après une maturation lente et difficile, dans un environnement social et religieux d'abord hostile, le soufisme a fini par se faire reconnaître, en tant que tendance religieuse à part entière, dans l'ensemble du monde islamique arabe et non arabe, à partir surtout du vie/xiie siècle. Il suscite cependant encore des réactions de rejet, dont les initiateurs ont été, à l'époque moderne, la Turquie kémaliste, le réformisme musulman et, d'une façon quasi permanente, le shī‘isme. C'est actuellement dans les territoires les plus tardivement islamisés, de l'Afrique noire au domaine indo-malais, que le soufisme, prenant appui sur une pratique intense du prosélytisme maraboutique et sur les ordres « confrériques », est le mieux implanté et le plus vivant. Il s'agit souvent d'un soufisme « populaire », fortement marqué par les contextes locaux et n'ayant guère de rapport avec les spéculations des grands penseurs d'époque classique.

Problèmes de terminologie : soufi, marabout, fakir et derviche

Le terme de soufi, entré dans l'usage français, dérive de l'arabe ṣūfī (le ū est à prononcer ou – pluriel, ṣūfiyya), qui signifie le mystique. L'équivalent de soufisme est le nom verbal taṣawwuf. Le mystique du type ṣūfī peut également être dit mutaṣawwif (pluriel, mutaṣawwifa). Cette famille de mots se rattache, selon l'étymologie la plus vraisemblable, au substantif ṣūf, la laine ou la robe de laine, dans l'expression labisa al-ṣūf (il s'est vêtu de laine). Il s'agit, à l'origine, d'une robe de laine blanche, ensuite d'une robe parfois noire ou rayée (L. Massignon, La Passion d'Al-Hallāj I, 143 ; Essai sur le lexique technique de la mystique musulmane, 153).

Le soufisme justifie fréquemment le port de la robe de laine en affirmant qu'elle a été l'habit des prophètes (nabī) d'avant Mahomet et notamment celui de Jésus (Īsā).

Le taṣawwuf serait donc, étymologiquement, le fait de professer et de pratiquer une doctrine mystique dont une des marques extérieures de reconnaissance aurait été le port d'un froc de laine. Cette hypothèse, qui est, linguistiquement, la seule pertinente, a été émise dès le Moyen Âge par les premiers auteurs qui, à partir du ive/xe siècle, ont entrepris de présenter le soufisme comme une tendance religieuse « orthodoxe » se rattachant au sunnisme (sunna). Mais, selon l'habitude médiévale islamique, qui consiste à citer toutes les opinions jugées recevables sur une question, d'autres interprétations ont été proposées par les mêmes auteurs. Elles se caractérisent par la mise en évidence d'une filiation, évidemment pseudo-historique, entre le soufisme d'époque classique et l'âge prophétique islamique, modèle et période de référence par excellence. Le traité de l'Iranien de Transoxiane, Al-Kalābādhī, mort en 384/994, présente les différents aspects de cette question (traduction A. J. Arberry, The Doctrine of the Sufis, 5). Certains orientalistes ont émis l'idée que le mot ṣūfī pourrait avoir été calqué sur le grec σοϕος, le sage. Cela paraît très peu vraisemblable. En effet, la sagesse, au sens ancien du terme, a pour traduction, en arabe, ḥikma. D'autre part, le terme[...]

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Pour citer cet article

Jacqueline CHABBI. SOUFISME ou ṢŪFISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    ...sont issus les talibans, sont « fondamentalistes traditionalistes » : les talibans sont sunnites hanafites et respectent la version la plus orthodoxe du soufisme, tout en rejetant le culte des saints ; ils sont liés en général à l'école des Deobandī (du nom d'une grande madrasa indienne),...
  • BISṬĀMĪ ABŪ YAZĪD ṬAYFŪR IBN ‘ĪSĀ IBN SURŪSHĀN AL- (mort en 857 ou 874)

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 323 mots

    Mystique musulman qui vit à Bisṭām (Khurāsān) et y meurt. Son enseignement est oral ; on recueille ses maximes, transmises par son neveu et disciple ; on les commente et on en tire même une véritable légende dorée.

    Al-Bisṭāmī (connu aussi sous le nom de Abū Yazīd) a le sens aigu de la grandeur...

  • CAFÉS LITTÉRAIRES

    • Écrit par Gérard-Georges LEMAIRE
    • 7 712 mots
    • 3 médias
    Tout ce qui est sûr, c'est que les derviches, des religieux adeptes du soufisme appartenant à un ordre mendiant, l'adoptent et l'utilisent lors de cérémonies religieuses. Galland l'atteste, tout comme D'Ohsson, qui situe l'origine de cette pratique à Moka, dans le ...
  • CHIISME ou SHĪ‘ISME

    • Écrit par Henry CORBIN, Yann RICHARD
    • 9 396 mots
    • 2 médias
    Une grave question demeure, celle des rapports originels entre shī‘isme et soufisme. Les développements qui précèdent permettent peut-être d'y donner déjà une réponse laconique et provisoire. Il y a, certes, des ṭarīqāt ou congrégations soufies shī‘ites, et l'arbre généalogique de...
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Voir aussi