SOUFISME ou ṢŪFISME
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Vers un soufisme intégré au sunnisme
La fin tragique d'Al-Ḥallādj mettait un point final à la mystique de la rupture. Les survivants du mouvement, échappés aux persécutions consécutives à l'exécution, aussi bien que les autres soufis, soit qu'ils demeurent en Irak, soit qu'ils se répandent en diverses contrées (surtout en Iran), n'auront de cesse qu'ils n'obtiennent pour le soufisme un statut de mouvement reconnu et intégré à l'orthodoxie sunnite, tout en gardant certaines spécificités. Ils ne pourront le faire qu'en modifiant quelque peu le passé de leur mouvement, et en se cantonnant dans une discrétion qui consiste notamment à ne tenir de propos d'une haute spiritualité qu'à ceux qui sont préparés à les entendre, en respectant, donc, les hiérarchies sociales et culturelles.
Ce sera la règle des deux siècles suivants. Repartant sur ces bases nouvelles, le soufisme fera fortune, notamment en Iran, où il s'implante au début du ive/xe siècle, en se combinant avec ou en supplantant les mouvements locaux (« Karrāmiyya », E.I., 2). Adopté par la dynastie turque des Seldjoukides, qui domine alors l'Est islamique, il se répand à sa suite, dans l'ensemble du Proche-Orient, avant de gagner peu à peu le monde islamique dans son entier. C'est à partir de ce moment que, de courant singulier qu'il était, le soufisme devient synonyme de mystique en général. La reconnaissance officielle dont il jouit désormais, tout au moins dans l'islam sunnite, a été facilitée par l'action conjuguée de plusieurs facteurs, et d'abord par une lente évolution des mentalités, à travers, notamment, une croyance diffuse mais largement répandue en la présence de saints parmi les hommes (Abdāl, singulier Badal ; Awliyā', singulier Walī ; voir ces termes in Massignon, Passion, index).
Depuis que l'ère de la prophétie est close (avec Mahomet, sceau des prophètes, selon la doctrine du sunnisme classique), ces personnages sont censés jouer un rôle d'intercession, détenir et transmettre la baraka (bénédiction divine) et être capables d'accomplir des miracles (karā [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 7 pages
Écrit par :
- Jacqueline CHABBI : professeur des Universités, université de Paris-VIII
Classification
Autres références
« SOUFISME ou SUFISME » est également traité dans :
AFGHANISTAN
Dans le chapitre « L'émergence des talibans » : […] En août 1994, un nouvel acteur apparaît soudainement, les talibans . Ceux-ci s'emparent de la ville de Kandahar en novembre et rétablissent l'ordre dans tout le Sud afghan, ouvrant les routes, éliminant les petits chefs de guerre devenus bandits de grand chemin et imposant partout la charia . Leur image de moines guerriers, intègres et intégristes, est faite. Les talibans exigent la reddition et l […] Lire la suite
BISṬĀMĪ ABŪ YAZĪD ṬAYFŪR IBN ‘ĪSĀ IBN SURŪSHĀN AL- (mort en 857 ou 874)
Mystique musulman qui vit à Bisṭām (Khurāsān) et y meurt. Son enseignement est oral ; on recueille ses maximes, transmises par son neveu et disciple ; on les commente et on en tire même une véritable légende dorée. Al-Bisṭāmī (connu aussi sous le nom de Abū Yazīd) a le sens aigu de la grandeur de Dieu. Il voit la réalité humaine comme un obstacle qu'il faut détruire par le fanā' (« annihilation » […] Lire la suite
CAFÉS LITTÉRAIRES
Dans le chapitre « Les origines » : […] Nul ne sait quand le café a été découvert. Un théologien voyageur du xvii e siècle, Antonio Fausto Nairone, grand connaisseur du Proche-Orient, relate qu'un moine aurait vu ses chèvres s'agiter bizarrement après avoir brouté les feuilles et les graines d'un arbuste. Il prépare une décoction rudimentaire et invente le kawa . Un siècle plus tard, Richard Bradley raconte la même histoire en la rend […] Lire la suite
CHIISME ou SHΑISME
Dans le chapitre « Khomeynī et la politisation du shī‘isme » : […] Au cours de la période 1962-1964, l'āyatollāh Khomeynī , reconnu par certains comme marja‘-e taqlid, prend la tête d'une série de manifestations d'opposition, jusqu'à une véritable émeute en juin 1963. C'est l'époque où le Shāh, pressé par l'administration Kennedy, met en place un train de réformes imposées : d'abord, il fait supprimer la mention du Coran dans les serments des élus aux assemblées […] Lire la suite
CONFRÉRIES MUSULMANES
L' Islam ne reconnaît en principe aucun ordre religieux, aucun clergé, aucune hiérarchie spirituelle. Pourtant le mysticisme musulman ou çoufisme (ou soufisme), d'abord individualiste, devait peu à peu, sous l'influence du monachisme oriental, et surtout à partir du xii e siècle, s'organiser en associations admettant l'autorité d'un maître spirituel, pratiquant une discipline et utilisant un ritu […] Lire la suite
CORAN (AL-QURĀN)
Dans le chapitre « L'exégèse allégorique et les autres courants » : […] Les juristes théologiens, qui lisent le Coran en philologues et en juristes, ont tenté d'imposer l'idée que la lecture spiritualiste des mystiques représente une nouveauté qui est étrangère au Coran ; or le commentaire de Muqātil, dont il a été question plus haut, montre que celui-ci lisait le Coran selon une triple méthode, littérale, historique et allégorique. On trouve déjà chez lui les prémic […] Lire la suite
DHIKR
Transcrit également zikr , le dhikr désigne en arabe la remémoration, puis la mention arabe du souvenir, spécialement la prière rituelle ou litanie que récitent les mystiques musulmans (soufis) dans le dessein de rendre gloire à Dieu et d'atteindre la perfection spirituelle ; le mot désigne enfin la technique de cette remémoration. Fondé sur les prescriptions coraniques : « Remémore-toi ( udhkur ) […] Lire la suite
DJALĀL AL-DĪN RŪMĪ ou GALAL AL-DIN RUMI (1207-1273)
Poète persan né à Balkh, dans le Khorasan, mort à Konya, où son père, Bahā al-Dīn Walad, théologien éminent, avait été invité par le sultan seldjoukide à diriger une madrasa. Après avoir passé plusieurs années d'études à Alep et à Damas, où il rencontra sans doute Ibn al-‘Arabī, Djalāl al-Dīn s'installe à Konya, où il enseigne la jurisprudence et la loi canonique, succédant ainsi à son père et ent […] Lire la suite
DJĀMĪ (1414-1492)
La famille de Djāmī (Mawlānā Djāmī) est originaire de Dasht, village de la région d'Iṣfahān ; son père quitta Djām pour regagner sa région natale, en compagnie de son fils encore enfant. Djāmī étudiera la littérature et la théologie et adhérera bientôt à la secte sūfi des naqshbandi. Il effectue le pèlerinage à La Mekke, se rend à Damas et à Tabrīz avant de se fixer à Hārat. Sa vie à la cour ne s […] Lire la suite
DJĪLĀNĪ ou JĪLĀNĪ ‘ABD AL-QĀDIR (mort en 1166)
Docteur ḥanbalite et soufi d'origine persane, ‘Abd al-Qādir al-Djīlānī vécut à Bagdad. Il parvint à concilier l'orthodoxie avec le mysticisme. Il dirigea à Bagdad une école de la secte ḥanbalite et un ribāt (couvent) ; il réunit autour de lui un grand nombre de disciples qui répandirent par la suite ses idées. Pour Djīlānī, le savoir théologique et le raisonnement dogmatique n'ont pas de force sa […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Jacqueline CHABBI, « SOUFISME ou ṢŪFISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 02 février 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/soufisme-sufisme/