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SÉRIALITÉ, musique

La sérialité (en d'autres termes, la pensée sérielle), née en France à la fin des années 1940 et dont René Leibowitz et Olivier Messiaen furent les artisans – le premier de manière volontaire, le second par accident –, a marqué de son empreinte réductrice le terme de série.

Or Arnold Schönberg, qui est considéré, avec Josef Matthias Hauer, comme le père de cette « invention », n'a jamais prôné cette technique comme un langage dans l'absolu, comme une fin en soi. Car, si l'acte de composer sériellement se définit dans et par la préformation du matériau, il n'en reste pas moins que Schönberg n'eut de cesse de violer les techniques sérielles qu'il avait édictées et d'écrire ainsi comme si elles n'avaient point d'exigence théorique (exception faite d'un nombre restreint de pages à caractère dogmatique, comme son Quintette à vent, opus 26, 1923-1924).

Au travers de la célèbre école de Darmstadt, ses suiveurs ont en revanche édicté que « la règle sérielle imaginée possédait un sens sui generis » (Theodor W. Adorno). Ils l'ont fétichisée en formules « magiques » d'agencements non seulement des intervalles mais de tous les paramètres sonores (sérialisme intégral, encore appelé sérialisme généralisée).

L'avertissement d'Anton von Webern était pourtant clair : lui qui avait mis pleinement en œuvre les techniques dodécaphonique et sérielle raréfia jusqu'à l'ascétisme son univers sonore, le silence étant devenu, toujours selon Adorno, le « résidu de sa maîtrise ».

L'histoire a cependant fait la part belle à ceux qui n'avaient pas d'oreilles pour entendre, au-delà de l'aspect purement technique, la véritable leçon musicale des trois Viennois. Et les mathématiques, appelées à la rescousse, de figer en une théorie déifiée ce qui ne fut jamais plus qu'un outil supplémentaire dans l'esprit de son génial concepteur, qui considéra toujours que l'essence du phénomène musical englobe la série mais ne lui est pas réductible.

L'important, de fait, n'est pas le système sériel, qui, lorsque l'on ne considère que son premier terme, devient systématique et fait ainsi peu de cas du second terme qu'il réduit dès lors à un simple vecteur de puissance, mais bien ce que la sérialité contient de possibilités diverses et originales de s'envisager elle-même et d'envisager, avec elle, l'écriture musicale.

Entre l'enseignement de René Leibowitz et celui de Max Deutsch, tous deux élèves de Schönberg, la faille était déjà béante. Le premier, adorant le nombre 12, rendait la musique sérielle stérile car engoncée dans une technique aussi roide qu'empesée. Le second, plus proche de l'éthique de son maître, demeurait insouciant de la « nécessité historique » (polémique mot d'ordre boulézien des années dures de l'avant-garde des années 1960) mais ne transigeait pas quant à la « nécessité musicale et intérieure » du compositeur face son art. Son enseignement s'ouvrait ainsi à la sérialité tout en se rendant attentif aux voies créatrices potentielles induites par la sensibilité propre de chacun de ses élèves-apprentis en composition.

Une liste – non exhaustive – des disciples des trois Viennois et de Max Deutsch prouve à l'envi la richesse des ressources de la sérialité envisagée dans l'optique schönbergienne : Stefan Wolpe, Nikos Skalkottas, Theodor W. Adorno, Karl Amadeus Hartmann, Hanns Eisler, Ross Lee Finney, Friedrich Cerha, Luciano Berio, Ahmed Essyad, Gérard Condé, Sylvano Bussotti, Claudy Malherbe... Liste à laquelle on peut ajouter les différentes manières d'envisager la sérialité signées Miloslav Kabeláč, Luigi Dallapiccola, Igor Stravinski, Ernst Krenek, Jean Barraqué, Bernd Alois Zimmermann[...]

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

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Pour citer cet article

Alain FÉRON. SÉRIALITÉ, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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