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CASTELLION SÉBASTIEN (1515-1563)

Il existe à la racine du protestantisme une revendication de liberté qui doit sa radicalité et ses limites à l'essor du libre-échange et à la première modernité du capitalisme. Sébastien Castellion appartient à l'aile radicale en ce qu'il privilégie les options individuelles et fait de la liberté de conscience la condition sine qua non de l'humanisme. La tradition vaudoise s'était perpétuée dans le Bugey, où il est né, à Saint-Martin-du-Fresne. Elle n'est pas étrangère à sa décision de passer à la Réforme tandis qu'il achève ses études à Lyon, où il fréquente les humanistes et s'essaie à la poésie. La lecture de l'Institution chrétienne de Calvin et la persécution, dont il est le spectateur indigné, achèvent de le convaincre. En 1540, il part pour Strasbourg et rencontre Calvin, qu'il rejoint en 1542 à Genève, où il devient principal du collège.

Manuel d'instruction morale, ses Dialogues sacrés latin-français, qu'il publie un an plus tard, mêlent à la préoccupation pédagogique un esprit dominé par la haine des tyrans et des persécuteurs. « Il n'y a rien, écrit-il, qui résiste plus obstinément à la vérité que les grands de ce monde. » C'était prêcher la tolérance dans l'antre du monstre. Il ne se passe guère de temps que Castellion ne supporte avec un malaise croissant l'autorité de plus en plus absolue de Calvin. Mettant en garde contre l'absolutisme du nouveau tyran, il démissionne du collège et est mis en demeure de quitter Genève. Il se lie d'amitié avec Bernardino Ochino, commence à traduire la Bible et connaît plusieurs années de misère jusqu'en 1553, où il devient maître ès arts puis lecteur de grec à l'université de Bâle.

Le 27 octobre 1553, Calvin fait exécuter Michel Servet. Peu après paraît à Bâle, sous le nom de Martin Bellie, une brochure intitulée De haereticis an sint persequendi ? (1554). On y trouve des extraits de Luther, de Sébastien Franck, d'Érasme et de Martin Bellie, alias Castellion. C'est un plaidoyer pour la liberté de conscience et la tolérance. L'auteur y souhaite « qu'un chacun retourne à soi-même, et soit soigneux de corriger sa vie, et non de condamner les autres ». La réaction mobilise Bèze, qui s'en prend à Castellion et à sa « charité diabolique et non chrétienne », tandis que Calvin lance : « Castellion est un monstre qui a autant de venin qu'il a d'audace. » Il y a tout lieu d'attribuer à Castellion un texte resté manuscrit et publié tardivement en Hollande, Contra libellum Calvini, où l'on peut lire : « Jean Calvin jouit aujourd'hui d'une très grande autorité, et je la lui souhaiterais plus grande encore si je le voyais animé de sentiments plus doux. » Les ruses polémiques de Calvin y sont mises à nu et l'exécution de Servet fustigée comme un assassinat.

Pendant son séjour à Bâle, Castellion, attaqué de toutes parts pour avoir pris parti contre la prédestination et, plus encore, pour son sens de la liberté, fréquente ce Jan van Brugge qui n'est autre que David Joris. Quand, peu après sa mort (1556), il apparaît que ce notable est un hérétique également honni par les catholiques et les protestants, Castellion refuse de se joindre au concert de blâmes et de reniements. Il reste par ailleurs en bons termes avec Blesdijck, le gendre de David Joris, qui semble n'avoir été qu'involontairement à l'origine de la dénonciation.

En 1562, son écrit intitulé Conseil à la France désolée soulève une réprobation unanime et entraîne des poursuites contre des membres de sa famille qui l'ont fait circuler à Genève. C'est un appel pathétique à la tolérance et une exhortation à mettre fin aux luttes religieuses et aux persécutions. Castellion meurt le 29 décembre 1563. Ayant préféré aux raisons[...]

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Raoul VANEIGEM. CASTELLION SÉBASTIEN (1515-1563) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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