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SAINT-ESPRIT

L'Esprit saint dans la théologie patristique

L'Esprit saint, dans le christianisme primitif, est conçu moins dans le sens du pneuma de la philosophie grecque que dans le sens qu'il prend dans l'Ancien Testament. Le pneuma grec est toujours considéré comme un souffle matériel. Lorsque Jean, par contre, dit que Dieu est Esprit et que le culte doit être rendu en esprit et en vérité (iv, 24), il suggère une conception toute immatérielle du mot « esprit ». C'est selon cette ligne d'une spiritualisation croissante que se développera l'image chrétienne de Dieu. Ce mouvement a sans doute influencé la spiritualisation progressive du concept général de pneuma jusqu'à la fin de l'Antiquité.

À la suite de Paul(I Thess., v, 23), qui superposait au corps et à l'âme un pneuma d'origine transcendante permettant à l'homme de vivre une vie nouvelle, Irénée et Tertullien présentent l'Esprit comme un élément divin, principe de salut, donné à l'homme et s'ajoutant en quelque sorte au corps et à l'âme. Si l'Esprit conserve les fonctions caractéristiques reconnues par le Nouveau Testament, on lui reconnaît également, peut-être sous l'influence du pneuma stoïcien, un rôle cosmique d'unification et de cohésion (Irénée, Clément). Il faut toutefois distinguer entre cette fonction cosmique de l'Esprit transcendant et l'esprit du monde matériel typiquement stoïcien qui pénètre toutes choses et unifie les différents êtres du monde en un tout (Tatien, Athénagore, Théophile d'Antioche). Chez les Pères apologistes, les fonctions de l'Esprit sont souvent assez imprécises ; parfois, elles sont confondues avec celles du Verbe (Justin, Théophile d'Antioche). Mais on lui attribue l'inspiration des prophètes (Athénagore, Justin), et, sous l'influence de formules baptismales trinitaires, on lui reconnaît une place à l'intérieur d'une triade d'entités divines. La préexistence du Fils et de l'Esprit en Dieu est clairement affirmée par Irénée. L'Esprit est, selon lui, l'agent de la sanctification de l'homme, et c'est lui qui fait vivre l'homme de la vie de Dieu. Durant toute cette période, on peut dire que ce qui est en cause c'est moins la divinité de l'Esprit qui n'est jamais contestée que son caractère personnel, distinct du Père et du Fils, certains théologiens du iiie siècle allant jusqu'à faire du Fils et de l'Esprit des manifestations du Père afin de sauvegarder l'unité divine (monarchianisme modaliste).

L'évolution de la doctrine du Saint-Esprit est donc très lente. Ce n'est qu'après le concile de Nicée (325) que l'on commence à vouloir le situer par rapport aux créatures et par rapport au Père et au Fils. On est généralement assez d'accord à l'intérieur du parti nicéen pour le mettre au-dessus des créatures et pour le distinguer des deux autres personnes, mais on hésite à le définir positivement comme Dieu et à lui appliquer l'homoousion défini pour le Fils. Les Lettres à Sérapion d'Athanase (359-360 env.) et le Traité sur le Saint-Esprit de Basile de Césarée (375) constituent deux étapes importantes de cette évolution qui culmine dans la définition de la consubstantialité de l'Esprit au concile de Constantinople (381). Athanase et Basile, sans doute par respect pour la coutume, s'abstiennent pourtant d'appeler l'Esprit saint Dieu.

À partir du viiie siècle, l'Église d'Occident introduisit dans le symbole de la foi l'idée que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ( Filioque). Il en résulta pendant des siècles la célèbre querelle entre l'Occident et l'Orient. Pour les Orientaux, le Saint-Esprit ne procède que du Père, la «  procession » supposant l'idée d'une source originelle[...]

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Écrit par

  • : théologien, docteur en théologie, doyen de la faculté de théologie de l'Institut catholique de Paris
  • : docteur de troisième cycle, chargé de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Joseph DORÉ et Richard GOULET. SAINT-ESPRIT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    ...ruah) pour que l'homme soit rempli de vie divine. Cette possession de l'homme par le ευ̃μα commence dès cette vie mortelle par le don du Saint-Esprit(Romains, v, 5), mais n'obtient son plein effet qu'après la mort. Aussi le christianisme conçoit-il l'immortalité dans la restauration intégrale...
  • ANASTASE LE BIBLIOTHÉCAIRE (810 env.-env. 880)

    • Écrit par Universalis
    • 455 mots

    Linguiste distingué et cardinal de Rome né autour de 810, probablement à Rome (Italie), mort vers 880, Anastase le bibliothécaire est un conseiller politique influent des papes du ixe siècle.

    Apparenté à un évêque italien et reconnu pour sa parfaite connaissance du grec, Anastase est nommé cardinal-prêtre...

  • ANNONCIATION

    • Écrit par Universalis
    • 168 mots
    • 1 média

    Solennité des Églises chrétiennes, l’Annonciation commémore, le 25 mars, l’événement relaté par l’Évangile de Luc (chap. i, 26-38), moment où l’archange Gabriel annonce à la Vierge Marie qu’elle concevra un fils de l’ Esprit saint et qu’elle l’appellera Jésus.

  • APÔTRES ACTES DES

    • Écrit par André PAUL
    • 844 mots

    Second tome d'une œuvre unique, attribuée à Luc, dont le premier est le troisième Évangile canonique. Les articulations entre les deux livres sont nombreuses. L'un et l'autre débutent par un prologue à l'adresse d'un même personnage, Théophile : manière hellénistique de composer l'histoire qu'accompagne...

  • Afficher les 27 références

Voir aussi