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RACISME

Opinions, attitudes et conduites

Présupposés du racisme

Pour affirmer les supériorités raciales, il faut supposer l'existence de races humaines ; le raciste sous-entend ou pose clairement qu'il existe des races pures, que celles-ci sont supérieures aux autres, enfin que cette supériorité autorise une hégémonie politique et historique. Or ces trois points soulèvent des objections considérables.

D'abord, la quasi-totalité des groupes humains actuels sont le produit de métissages, de sorte qu'il est pratiquement impossible de caractériser des « races pures ». Il est déjà très difficile de classer les groupes humains selon des critères biologiques toujours imprécis. Enfin, la constante évolution de l'espèce humaine et le caractère toujours provisoire des groupes humains rendent illusoire toute définition de la race fondée sur des données ethniques stables.

Bref, l'application du concept de pureté biologique aux groupes humains est inadéquate. Ce concept est un terme d'élevage, où la race, prétendument pure, est d'ailleurs obtenue par des métissages contrôlés. Quand on l'applique à l'homme, on confond souvent groupe biologique et groupe linguistique ou national ; ainsi en est-il de la notion d'homme aryen, dont se sont servis Gobineau et ses disciples nazis. Il n'est pas impossible enfin que cette notion contienne implicitement la référence à un phantasme de la pureté.

De toute manière, en supposant qu'une telle pureté existe, pourquoi relier pureté biologique et supériorité et en quoi consisterait cette dernière ? Si, par hypothèse encore, des supériorités biologiques existent, en liaison avec des traits ethniques, il n'est nullement démontré qu'elles conditionnent des supériorités psychologiques ou culturelles, sur lesquelles insiste le racisme.

En outre, en admettant que soient réelles de telles supériorités, provisoirement ou définitivement, liées ou non à une éventuelle pureté, pourquoi légitimeraient-elles une hégémonie politique ?

Il est clair qu'on n'est pas en présence d'une conséquence scientifiquement établie mais d'un choix politique, d'un vœu ou d'une volonté d'établir une telle hégémonie, fallacieusement appuyée sur des arguments biologiques ou culturels.

Enfin, une dernière et insurmontable confusion se décèle dans le racisme : l'inadéquation entre groupes ethniques, groupes culturels, peuples et nations rend en tout cas illégitime un comportement politique qui se baserait sur des caractères ethniques ou culturels.

En conclusion, le racisme n'est pas une théorie scientifique, mais une pseudo-théorie, un ensemble d'opinions, sans articulations logiques certaines avec des données biologiques plus ou moins précises.

Les essais de légitimation

On comprend maintenant pourquoi une définition du racisme est si difficile. D'abord, le principe du racisme – la notion de race, appliquée aux humains – est un concept indéterminé ou plus exactement une notion à laquelle il est pratiquement impossible de découvrir un objet défini. Ensuite, l'argumentation issue de cette notion douteuse est elle-même douteuse et, de plus, peu cohérente dans son développement.

Cependant, le rapprochement entre la fragilité des bases scientifiques du racisme et l'ampleur des conclusions qui en sont tirées n'est pas sans intérêt. La passion des racistes, la ténacité et l'extension du phénomène, comparées aux confusions, aux glissements de sens et aux contradictions auxquels elles donnent lieu, prouveraient, s'il en était besoin, que le racisme trouve son assise non dans la logique mais dans l'affectivité et l'intérêt. Il faut ici renverser la perspective : l'accusation renvoie à l'accusateur plus qu'à l'accusé ; le racisme, loin d'être une science ou une théorie scientifique qui dicterait une [...]

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Écrit par

  • : professeur de sociologie à l'université de Paris-X

Classification

Pour citer cet article

Albert MEMMI. RACISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Mentalités et pratiques coloniales - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mentalités et pratiques coloniales

Les « quatre races d'hommes » - crédits : Editions Belin, 1877

Les « quatre races d'hommes »

Racisme nazi - crédits : Henry Guttmann/ Hulton Archive/ Getty Images

Racisme nazi

Autres références

  • LA COULEUR ET LE SANG, DOCTRINES RACISTES À LA FRANÇAISE (P.-A. Taguieff)

    • Écrit par René MONZAT
    • 1 366 mots

    L'étude comparée des itinéraires de Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), de Gustave Le Bon (1841-1931) et de Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) permet à Pierre-André Taguieff, dans un opuscule intitulé La Couleur et le sang paru en 1998 aux éditions Mille et Une Nuits dans la collection...

  • AFRIQUE AUSTRALE

    • Écrit par Jeanne VIVET
    • 6 100 mots
    • 5 médias
    ...en profusion des ressources minières et notamment aurifères. Plusieurs d’entre eux ont aussi en commun d’avoir connu des régimes ségrégationnistes et racistes. La séparation raciale trouve d'ailleurs son origine dans l’organisation spatiale des mines qui ont donné naissance à la création de quartiers...
  • AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 6 876 mots
    • 3 médias
    C’est pour répondre à Naissance d’une nation (Birth of a Nation, 1915), évocation de la guerre de Sécession et de ses lendemains, où David Wark Griffith justifie la création du Ku Klux Klan, que le premier mouvement de cinéma indépendant noir voit le jour. Auparavant, dès 1910, William Jones...
  • ANDERSON BENEDICT (1936-2015)

    • Écrit par Universalis
    • 1 202 mots

    L’historien et politologue irlandais Benedict Anderson tient une place importante dans l’historiographie anglo-saxonne pour ses travaux sur les origines du nationalisme.

    Benedict Richard O’Gorman Anderson est né le 26 août 1936 à Kunming, dans le sud de la Chine, où son père occupe un poste au Bureau...

  • ANNEXES - DE L'ŒUVRE D'ART (J.-C. Lebensztejn) - Fiche de lecture

    • Écrit par Gilles A. TIBERGHIEN
    • 972 mots

    Les éditionsLa Part de l'Œil, ont eu l'heureuse idée de publier, en 1999, dans la collection « Théorie », un recueil de textes de Jean-Claude Lebensztejn. Ces Annexes caractérisent bien la manière de Lebensztejn, car même ses grands livres – L'Art de la tache (éditions...

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Voir aussi