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TARANTINO QUENTIN (1963- )

« Kill Bill », une danse de mort

Pourtant, le souci de perfection, et la part contraignante du statut de réalisateur vedette, ont freiné cette avancée. Adapté d'un roman d'Elmore Leonard, Jackie Brown (1997) a confirmé la virtuosité du metteur en scène Tarantino sans créer un effet de surprise aussi saisissant que Pulp Fiction. Sans doute parce que, débarrassé de certaines afféteries, le cinéaste semble prendre la voie d'un nouveau classicisme et porte un intérêt plus « adulte » à ses personnages. Hommage à la blaxploitation (qui, dans les années 1970, avait donné une dimension inédite au héros noir dans le cinéma américain) Jackie Brown est aussi un superbe portrait de femme. Les ingrédients du polar (trafic, double jeu et course aux dollars) n'en paraissent cependant que plus décoratifs. Quentin Tarantino donne une nouvelle variation sur le cinéma de genre avec Kill Bill 1 et 2 (2003 et 2004), qui se découpent en chapitres construits autour d'une unité dramatique et visuelle, fonctionnant comme autant de petits films à part entière.

Pour que cette richesse d'inspiration se déploie, une condition est posée : la pauvreté du scénario, parfois seulement apparente, parfois bien réelle. Une jeune femme (interprétée par Uma Thurman) établit la liste de cinq personnes qu'elle est déterminée à tuer, et accomplit son projet jusqu'au bout, – jusqu'à Bill, le dernier sur sa liste. Tout en respectant cette logique aussi implacable que minimale, les deux films construisent une narration qui déjoue la linéarité grâce à des flash-back habilement utilisés comme éléments de réponses à une série de questions laissées en suspens.

Comme les autres œuvres de Tarantino, Kill Bill est aussi une cinémathèque qui se cache derrière la façade d'une salle de cinéma de quartier. Le premier opus, qui s'inspire des films de sabre japonais, met plus généralement en exergue le sens de la chorégraphie, qu'on retrouve dans Kill Bill 2 avec les emprunts aux films de kung-fu. Mais c'est surtout le forme du duel, venue du western italien, qui domine cette deuxième partie, plus classique et majestueuse, où s'illustre un cinéma du cadre, souvent du plan fixe, et de la parole, ravivant ce plaisir du dialogue qui est la marque de Tarantino. Cet Américain ouvert sur les cinémas du monde se place ici sous le signe de la transmission, en maintenant un difficile équilibre entre film de genre et film d'auteur.

Quentin Tarantino revisite avec talent et distance les genres qui ont fait le cinéma. Après le film noir (ReservoirDogs), le film de blaxploitation (Jackie Brown), le film de sabre et de kung-fu (Kill Bill) ou le film de guerre (InglouriousBasterds), c’est au tour du western spaghetti, situé dans le sud esclavagiste des États-Unis, d’inspirer Django Unchained (2012). Réalisé avec Leonardo Di Caprio et Brad Pitt dans les principaux rôles, Once upona time…in Hollywood (2019) revient, en la fantasmant largement, sur une période charnière des studios américains, à la fin des années 1960.

— Frédéric STRAUSS

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Pour citer cet article

Frédéric STRAUSS. TARANTINO QUENTIN (1963- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Pulp Fiction, Q. Tarantino - crédits : The Kobal Collection/ Aurimages

Pulp Fiction, Q. Tarantino

Autres références

  • INGLOURIOUS BASTERDS (Q. Tarantino)

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 1 041 mots

    Avec Inglourious Basterds (2009), Quentin Tarantino se confronte à l'Histoire par le biais de l'histoire du cinéma et réciproquement, en jouant à la fois de la reconstitution de la France occupée pendant la Seconde Guerre mondiale et de la représentation que le septième art (hollywoodien comme français)...

  • JACKIE BROWN (Q. Tarantino)

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 1 130 mots

    Depuis son premier film, Reservoir Dogs (1992), davantage encore depuis Pulp Fiction, palme d'or du festival de Cannes en 1994, Quentin Tarantino est le plus « médiatique » des cinéastes américains, et le plus cinéphile. Plus que de cinéphilie, il faut d'ailleurs parler ici d'une culture des images...

  • KILL BILL (Q. Tarantino)

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 965 mots

    S'agit-il de deux films, ou d'un seul film divisé en deux parties, respectivement intitulées Kill Bill 1 et Kill Bill 2 ? Tout est envisageable, car Quentin Tarantino ne se limite même pas à cette alternative : il a également conçu une sorte de « Kill Bill 3 », destiné à une exploitation...

  • PULP FICTION, film de Quentin Tarantino

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 908 mots
    • 1 média

    À l'instar des jeunes-turcs de la Nouvelle Vague française, l'Américain Quentin Tarantino a vu mûrir sa vocation de cinéaste à l'occasion d'une pratique de fan – plus précisément en tant que loueur de cassettes vidéo. Mais, contrairement aux premiers, Tarantino a fait plus...

  • AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 6 876 mots
    • 3 médias
    ...diffusés dans tout le territoire ainsi qu’à l’étranger et connaissent un succès appréciable parmi la population émigrée des grandes capitales. L’évolution de la censure permet à des stars « black » comme Pamela Grier d’accéder au statut de sex-symbol. Quentin Tarantino s’en souviendra en confiant...
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ... The Big Lebowski, 1998 ; O Brother, 2000), Michael Mann, né en 1943 (Heat, 1995 ; Collateral, 2004), Spike Lee, né en 1957 (Malcolm X, 1992), Quentin Tarantino, né en 1963 (ReservoirDogs, 1992 ; Pulp Fiction, 1994 ; Jackie Brown, 1997), et David Lynch, né en 1946 (Sailor et Lula, 1990 ;...
  • COMÉDIE AMÉRICAINE, cinéma

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 5 126 mots
    • 18 médias
    Quentin Tarantino doit-il être rangé dans le genre de la comédie ou dans celui du thriller ? Le second apparemment : il connaît à fond la substance, l'écriture, les personnages, l'atmosphère des films noirs. Mais sa façon de filmer, souvent lente, les réactions de ses personnages, le style en perpétuel...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma

    • Écrit par Geneviève FABRE, Liliane KERJAN, Joël MAGNY
    • 9 328 mots
    • 11 médias
    Quentin Tarantino s'est imposé avec des films devenus rapidement des « œuvres cultes » auprès d'une jeunesse aussi bien américaine qu'internationale. En 1991, Reservoir Dogs frappe d'abord par une rare violence. Elle n'est guère plus forte que celle de Basic Instinct...

Voir aussi