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COMÉDIE AMÉRICAINE, cinéma

La « comédie américaine » ne prend son véritable essor qu'au début des années 1930 en se distinguant du burlesque par l'apport des dialogues (Howard Hawks, entre autres), qui deviennent essentiels sans pour autant négliger le comique de situation. Si la pantomime est chère à la tradition anglaise, le rôle du music-hall anglais puis américain s'avère capital. Il s'agit d'un spectacle hétéroclite, composé d'une succession de numéros qui n'ont que peu à voir avec notre conception française du spectacle de variétés. Quant à la « comédie musicale », malgré la présence des mêmes réalisateurs et des mêmes stars, elle est d'abord prétexte à introduire des chants et des danses, à la façon de l'opérette française, avant que la synthèse de l'intrigue et du spectacle ne devienne la norme, ce dont témoigne parfaitement un film tel que Singin' in the Rain (Chantons sous la pluie, 1952) de Stanley Donen et Gene Kelly. Comédie américaine et comédie musicale correspondent parfaitement à une Amérique sûre de son bon droit, jusqu'à l'orée des années 1960, date à laquelle elles subiront une profonde mutation.

La comédie, divertissement ou genre social ?

S'opposant aux genres épiques – western, film d'aventures ou film de guerre –, qui exaltent l'esprit de conquête américain, la comédie se meut plus volontiers sur le terrain du quotidien, proposant une critique parfois acerbe des mœurs et des valeurs américaines. À côté du burlesque se développe, dès la fin des années 1910, une comédie de mœurs, vite devenue comédie mondaine dont les principaux artisans sont des réalisateurs tels que Harry Beaumont, James Cruze, Donald Crisp et surtout Cecil B. De Mille, qui signe Male and Female (L'Admirable Crichton, 1919), Why Change Your Wife ? (L'Échange, 1920) ou The Affairs of Anatol (Le cœur nous trompe, 1921). La subtilité du mélodrame mondain de Chaplin, A Woman of Paris (L'Opinion publique, 1923), exerce également une grande influence sur les comédies de Monta Bell (The King on Main Street, 1925), Malcolm St. Clair (The Grand Duchess and the Waiter, 1926) et Harry d'Abbadie d'Arrast (Dry Martini, 1928) – tous deux ont travaillé sur L'Opinion publique , et surtout sur Ernst Lubitsch. Chaplin utilisait l'allusion, le non-dit, le dialogue à double sens, faisant largement appel à l'imagination et à l'intelligence du spectateur, surtout dans un domaine où la censure veillait sur les bonnes mœurs. Le film ne remporta qu'un maigre succès auprès du public, mais eut un fort impact chez les créateurs.

Mais c'est le réalisateur d'origine allemande Ernst Lubitsch qui invente la sophisticated comedy. La « sophistication » concerne moins ici le sujet que le milieu social, le décor et surtout le raffinement stylistique qui joue avec maestria des vertus de l'ellipse, de la litote et du double langage. Dès The Marriage Circle (Comédiennes), Three Women, Forbidden Paradise, en 1924, ou Lady Windermere's Fan (L'Éventail de lady Windermere, 1925), Lubitsch met en relation un contenu trivial, à thématique sexuelle, avec un comportement civilisé à l'extrême. Les allusions sexuelles sont clairement saisissables, avant que le corps du délit ne soit directement désigné. Les apparences de la morale sont ainsi sauves. Le parlant ne fait que renforcer ces dédoublements et détournements de sens : Trouble in Paradise (Haute Pègre, 1932), Design for Living (Sérénade à trois, 1933), Bluebeard's Eighth Wife (La Huitième Femme de Barbe-Bleue, 1938), The Shop Around the Corner (Rendez-vous, 1940)... Mais les frontières demeurent parfois floues : ainsi lorsque Lubitsch recourt au comique loufoque qui fit son succès en Allemagne à ses débuts (Ninotchka, 1939).

La comédie loufoque

Dans trop de ces[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. COMÉDIE AMÉRICAINE, cinéma [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Indiscrétions</it>, de George Cukor - crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Inc./ Collection privée

Indiscrétions, de George Cukor

Indiscrétions, G. Cukor - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Indiscrétions, G. Cukor

Monsieur Smith au Sénat , F. Capra - crédits : Hulton Archive/ Moviepix/ Getty Images

Monsieur Smith au Sénat , F. Capra

Autres références

  • ABBOTT BUD (1895-1974)

    • Écrit par Gérard LEGRAND
    • 552 mots

    Acteur américain, né à Ashbury Park près d'Atlantic City, Bud Abbott a eu une carrière mouvementée qui l'a mené du cirque au music-hall et du music-hall à l'écran, où il fit longtemps tandem avec Lou Costello (1906-1959). Leurs noms sont inséparables d'un certain type de comédie populaire....

  • ALLEN WOODY (1935- )

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 2 535 mots
    • 2 médias
    ...synthèse la plus harmonieuse de ces multiples directions. Bon an, mal an, le Woody Allen nouveau arrivait désormais. Attendu et parfois sans surprise, comme cet hommage un peu bâclé à la comédie américaine classique qu'est Maudite Aphrodite (Mighty Aphrodite, 1995), ou le divertissement qui...
  • ANDREWS JULIE (1935- )

    • Écrit par Universalis
    • 801 mots

    Actrice anglaise, grande vedette des comédies musicales, née le 1er octobre 1935 à Walton on Thames, dans le Surrey.

    À 10 ans, Julia Elizabeth Wells, dite Julie Andrews, commence à accompagner à la voix son beau-père chanteur (dont elle a pris le patronyme) et sa mère pianiste. Pourvue d'une voix...

  • ARTHUR JEAN, GLADYS GEORGIANNA GREENE dite (1905-1991)

    • Écrit par André-Charles COHEN
    • 548 mots

    Si l'avènement du cinéma parlant mit inexorablement fin à la carrière de nombreux comédiens, il favorisa par contre la trajectoire de Jean Arthur, née à New York en 1905, dotée d'une voix au registre voisin de celui que possédait Judy Holliday dans les années 1950.

    Très en avance...

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Voir aussi