PULP FICTION, film de Quentin Tarantino
À l'instar des jeunes-turcs de la Nouvelle Vague française, l'Américain Quentin Tarantino a vu mûrir sa vocation de cinéaste à l'occasion d'une pratique de fan – plus précisément en tant que loueur de cassettes vidéo. Mais, contrairement aux premiers, Tarantino a fait plus tard le cinéma qui avait ses faveurs lorsque le métier de réalisateur n'était encore pour lui qu'un rêve. Si Godard n'a jamais réalisé l'équivalent des films d'action populaires américains qu'il affectionnait, Tarantino a tout de suite mis dans ses œuvres son goût pour les séries B violentes à la Roger Corman, le film de sabre, la « blaxploitation », le western spaghetti... et la Nouvelle Vague. Point commun à toutes ces références, leur caractère marginal et « alternatif ». Dans son monde bis, Tarantino joue Robert Aldrich contre Howard Hawks, Mamie Van Doren contre Marilyn Monroe, Ricky Nelson contre Elvis Presley et la twirl guitar contre la surf music. On peut y croiser un clin d'œil au Bande à part de Godard aussi bien qu'un extrait d'un obscur motorcycle movie appelé Nam's Angels, voir les héros manger un « steak Douglas Sirk » ou assassiner des gens dans l'ennui de la routine avant de susurrer des mots tendres au creux de l'oreiller. L'« esprit cool », ce mélange d'ironie, d'hédonisme et de narcissisme (Pountain & Robbins) fait tenir cette mosaïque baroque en passe d'être absorbée par la culture dominante (palme d'or à Cannes pour Pulp Fiction, fortune critique universelle de Tarantino).
Où le récit diffère de l'histoire
Marsellus, tout puissant gangster qu'il est, a des ennuis. Mia, son épouse, s'ennuie, de jeunes blancs-becs lui ont volé sa précieuse mallette et Butch, un boxeur dont il avait truqué le match, lui a désobéi. Que faire pour remédier à tout cela, sinon dépêcher Jules et Vincent, deux hommes de confiance à la gâchette facile ? Vincent parvient à distraire Mia mais se fait tuer par Butch. Jules, au début plus efficace, décide soudain de cesser d'exercer la profession de tueur, après qu'il a attribué à une « intervention divine » la chance qu'il a eue de sortir indemne d'une terrible fusillade. Au moins Marsellus a-t-il récupéré sa mallette, sortie tout droit d'En quatrième vitesse (Kiss me Deadly, 1955) de Robert Aldrich.
L'histoire est composée de six parties : 1. Jules et Vincent chez les blancs-becs. 2. Vincent tue quelqu'un par accident. 3. Un couple braque une cafétéria. 4. Jules calme ce couple. 5. Vincent distrait Mia. 6. Les aventures de Butch. Mais le récit les donne dans le désordre (3-1-5-2-6-4), avec des chevauchements spatio-temporels en 6 et en 4 (la même scène est revue sous un angle différent, une technique que Tarantino systématisera dans Jackie Brown, en 1997). S'y ajoutent un flash-back (Butch enfant) et ce qu'il convient d'appeler un « monde possible non actualisé » (« voici ce qui se passerait si mon épouse rentrait et vous trouvait là »).
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Écrit par
- Laurent JULLIER : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
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