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PUBLICITÉ ET ART

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Le surréalisme comme élément perturbateur dans la peinture et la publicité

À l'intérieur de la logique évolutionniste qui contraignit la critique et le public cultivé à comprendre – ou tout au moins à s'expliquer – les grandes secousses de l'art moderne (au prix, il est vrai, de quelques oublis, ceux de l'Art nouveau et de la sécession, par exemple), le surréalisme avec Chirico, Max Ernst, Dalí et surtout Magritte allait jeter le trouble et donner à la publicité des armes ambiguës. En effet, de la destruction des formes à l'absence de forme, tout semblait obéir à une évolution dont le terme semblait devoir être l'abstraction. Les comparaisons commodes avec la musique ne manquaient d'ailleurs pas, qui confortaient certains dans la certitude de suivre « la bonne voie » : Debussy = Monet, Schönberg = Kandinsky, Mondrian = Webern. Tout fonctionnait parfaitement bien, lorsque Magritte survint. Peintre sans esthétique, peintre qui n'en était pas un, philosophe plutôt et même linguiste, qui créait des décalages entre les objets et leur désignation, entre les objets et leur représentation... Comment expliquer que ce questionnement glacé, sans aucune concession à la plastique, ait pu connaître une aussi extraordinaire fortune dans la publicité et l'illustration ? Aucun autre artiste n'a été utilisé avec moins de scrupule. Ses ciels, ses nuages, ses colombes, ses pluies d'hommes coiffés d'un chapeau melon, ses visages cachés derrière une pomme, ses fauteuils en marbre, ses grelots... ont été soit repris tels quels, soit plagiés. Magritte a créé avec les moyens de l'imitation et de la ressemblance des personnages dotés d'un très haut degré d'étrangeté. Il a mis à la disposition des publicitaires et des éditeurs un répertoire d'objets et de situations passe-partout. Situation d'autant plus paradoxale que lui-même a fait de la publicité « pour vivre... ». Mais son travail publicitaire ressemblait nettement moins à du Magritte que celui de ses imitateurs. Comment expliquer que ses compositions énigmatiques puissent être exploitées pour promouvoir les produits les plus divers ? Comment se fait-il que ce qui témoigne d'un effort de dépossession sans précédent puisse inciter à l'appropriation ? Magritte a peint le réel comme une illusion ; il a séparé les choses de leur nom afin de dégager leur caractère insolite. Grâce au verbe, le publicitaire dote le produit d'une valeur dont on sait qu'elle est plus illusoire que réelle et lui confère une continuité qui est sans commune mesure avec sa durée. L'œuvre du surréaliste belge change de sens quand elle est utilisée par la publicité : l'illusion devient une façon de survaloriser l'objet, ce dernier se trouvant directement lié à un univers imaginaire devenu synonyme de plaisir.

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Pour citer cet article

Marc THIVOLET. PUBLICITÉ ET ART [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Sarah Bernhardt, affiche de Mucha - crédits : MPI/ Getty Images

Sarah Bernhardt, affiche de Mucha

Autres références

  • AFFICHE

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    • 6 817 mots
    • 12 médias
    ...Sarah Bernhardt (Médée, 1898), créant également pour elle des costumes de scène et des bijoux, œuvre ainsi, dans le même temps, à l'imagerie publicitaire des biscuits Lefèvre-Utile ou du papier à cigarettes Job. Fernand Louis Gottlob, Manuel Orazi, Maurice Réalier-Dumas, autres figures de l'Art...
  • ANTONIO ANTONIO LOPEZ dit (mort en 1986)

    • Écrit par
    • 812 mots

    Américain né d'une famille d'immigrés espagnols, Antonio passe son enfance à Puerto Rico et à New York où, fasciné par le luxe des grands magasins, séduit par les publicités de la ville, il trouve sa voie dans l'illustration publicitaire et dans le dessin de mode. Car le...

  • BAYER HERBERT (1900-1985)

    • Écrit par et
    • 1 672 mots
    ...Bayer, bien que les principes qu'ils mettent en œuvre aient déjà été énoncés (mais non pleinement appliqués) par Moholy-Nagy. La transformation du mot en slogan (par des variations de taille dans les caractères, l'utilisation de la couleur rouge, de lignes grasses ou de couleur pour souligner, de caractères...
  • BOURDIN GUY (1928-1991)

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    Unanimement reconnu comme l'un des plus grands photographes du demi-siècle et comme le plus brillant inventeur d'images de mode et de publicité, Guy Bourdin reste une personnalité à la biographie mystérieuse. De même qu'il a toujours refusé les rétrospectives, les expositions, les monographies ou les...

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