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PSYCHOLOGIE ÉVOLUTIONNISTE

Synthèse et critiques

La psychologie évolutionniste se présente comme un modèle explicatif puissant, nous renvoyant à la fin du Paléolithique où se serait formé le cerveau dont aurait hérité l’ Homme moderne, et dont il subirait les contraintes et exprimerait les potentialités dans la diversité et la complexité de ses adaptations au milieu culturel contemporain. Le modèle incorpore les thèses centrées sur l’importance de l’innéité, assorties des conceptions modulaires de l’esprit et des théories computationnelles mises à l’honneur, les premières par J. Fodor, les secondes par D. Marr et P. Johnson-Laird, à l’époque où Tooby et Cosmides en donnèrent les premières formulations.

En mettant l’accent sur l’articulation entre évolution de l’organe cérébral, telle qu’aboutie une douzaine de milliers d’années en arrière, et efficacité fonctionnelle de ce vieux cerveau dans notre environnement enrichi par l’histoire culturelle, la psychologie évolutive apporte incontestablement une contribution féconde à la quête d’une explication unifiée entre évolution biologique et évolution culturelle. Ce programme ambitieux n’est cependant pas à l’abri des critiques. Ainsi, la référence à l’état de l’Homme à la fin du Pléistocène élude les réalisations remarquables de l’espèce humaine au cours de la longue période du Paléolithique – outils de pierre de plus en plus raffinés, art rupestre, rites funéraires, etc.

Les neurosciences contemporaines ne pouvaient manquer de s’interroger sur l’extraordinaire adaptabilité du cerveau humain aux innombrables produits de l’évolution culturelle. Parmi les travaux des spécialistes du domaine, ceux de Stanislas Dehaene et son équipe ont apporté des réponses éclairantes appuyées sur les techniques d’ imagerie cérébrale (IRMf) (Dehaene et Cohen, 2007). Ces auteurs partagent avec les fondateurs de la psychologie évolutionniste la mise à l’écart du modèle standard des sciences sociales, attribuant au cerveau humain une capacité générale d’apprentissage permettant l’adaptation aux traits culturels les plus divers. Ils ont porté leurs recherches sur les conduites de lecture, liées à l’invention de l’ écriture, innovation très récente à l’échelle de l’évolution de l’espèce humaine. Sans surprise, la lecture met en jeu des zones cérébrales intervenant dans le langage parlé. Mais elle implique aussi une région – dans le cortex occipito-temporal gauche – concernée électivement par les mots écrits. Ces circuits dédiés à la lecture ne sont pas liés à une langue ou groupe de langues particulier, mais semblent présenter un caractère universel à travers des systèmes d’écriture différents (les langues sémitiques comparées aux langues indo-européennes, par exemple). On assiste donc à un recyclage culturel de circuits nerveux vers de nouvelles fonctions et au développement de circuits associés. Des travaux sur les comportements mathématiques ont conduit à la confirmation de ces processus d’adaptation cérébrale à la complexification de l’environnement culturel. Ils s’inscrivent, d’une certaine manière, dans le prolongement des thèses de la psychologie évolutionniste, mais singulièrement étayées par les ressources de la neurobiologie actuelle.

— Marc RICHELLE

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Liège, membre de l'Académie royale de Belgique

Classification

Pour citer cet article

Marc RICHELLE. PSYCHOLOGIE ÉVOLUTIONNISTE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BIOLOGISME

    • Écrit par Sébastien LEMERLE, Carole REYNAUD-PALIGOT
    • 2 772 mots
    ...comportements humains de traits hérités de l’histoire naturelle de l’espèce (J. Barkow, L. Cosmides et J. Tooby, The AdaptedMind, 1992). À mi-chemin de la psychologie évolutionniste et de la mémétique, l’anthropologie cognitive de Dan Sperber s’articule autour d’un modèle épidémiologique de la diffusion...
  • DARWINISME

    • Écrit par Dominique GUILLO, Thierry HOQUET
    • 5 497 mots
    Un deuxième courant, esquissé à la fin des années 1980 notamment par John Tooby et Leda Cosmides, est nommé « psychologie évolutionniste ». Les psychologues évolutionnistes considèrent également que les gènes jouent un rôle très important dans le comportement social humain et dans la formation des règles...
  • EXPLICATIONS PROXIMALES ET ULTIMES DES COMPORTEMENTS

    • Écrit par Patrick BONIN
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    Traditionnellement, les recherches en psychologie cognitive portent sur le « comment » des comportements : comment apprenons-nous ? comment parlons-nous ? La psychologie évolutionniste propose non seulement des explications – dites proximales – à ces questions mais, aussi et surtout, elle...

  • PSYCHOPATHOLOGIE ÉVOLUTIONNISTE

    • Écrit par Marc RICHELLE
    • 362 mots

    On rattache volontiers à la psychologie évolutionniste, axée sur l’anthropologie préhistorique, une psychopathologie évolutionniste. Cette dernière est cependant antérieure à la première et s’enracine dans l’éthologie plutôt que dans l’histoire biologique de l’espèce humaine. Son propos est d’identifier,...

Voir aussi