POÉTIQUE, Aristote Fiche de lecture
Postérité de la « katharsis »
Le poète accomplit un travail d'exemplification des passions, qui en rend le spectacle plaisant, alors qu'elles sont pénibles à vivre. Cette transformation, comparée par Aristote à l'action d'un remède (katharsis), a parfois été interprétée dans un sens moral. L'intention du texte n'est pas si claire, même si elle est clairement normative : il s'agit d'établir le but de la poésie, d'exposer les moyens d'y parvenir – soit de formuler un art (tekhnè) poétique.
Le xvie siècle italien fournit les premières éditions valables du grec (Pazzi, 1536), les premières traductions latines et vernaculaires, enfin les premiers grands commentaires, ceux de Robortello (1548), Vettori (1560), Castelvetro (1570), Buonamici (1597)... Jules-César Scaliger intègre, dans sa propre Poétique, l'enseignement d'Aristote à la culture humaniste européenne, pétrie jusqu'alors de références essentiellement latines (Horace, Virgile) ; certains ajouts aussi importants que la règle des trois unités passeront désormais, en France notamment, pour aristotéliciens. Ainsi s'impose un ensemble de principes plus ou moins intemporels : une littérature se juge-t-elle par rapport à ces principes, doit-elle en forger de nouveaux, ou bien les dédaigner ? La notion de « doctrine classique » tient à l'importance de la théorie dans le jugement sur les œuvres ; elle trouve une de ses expressions majeures dans les Réflexions sur la « Poétique » d'Aristote du père Rapin (1675). La querelle du Cid, en 1637, est une querelle de doctes ; Racine (comme presque un siècle avant lui Le Tasse, dans ses Discorsi dell'arte poetica, 1587) défendra son œuvre, de façon très consciente, par la référence à Aristote ; Lessing, dans sa Dramaturgie de Hambourg (1767-1769) prône un retour au Stagirite pour discréditer le modèle français (incarné par Voltaire), qu'il lui juge infidèle. Assimilée malgré tout au classicisme et vénérée par le néo-classicisme anglais, la Poétique sera peu lue et encore moins appréciée des romantiques. Ce rejet aboutit à la « distanciation » brechtienne, théâtre « épique » qui voudrait en finir avec les leurres de la khatarsis et de l'imitation.
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Écrit par
- François TRÉMOLIÈRES : professeur de littérature française du XVIIe siècle, université Rennes-2
Classification
Média
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