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PIÉTISME

Mouvement à forte composante émotionnelle, le piétisme peut être considéré comme une réaction contre les tendances « mondaines » que manifesta le protestantisme à partir du xviie siècle (Ernst Troeltsch) et contre le fait que les découvertes religieuses opérées par les réformateurs ne faisaient plus l'objet que d'un acquiescement de nature principalement intellectuelle. Karl Barth, notamment, a mis l'accent sur ce second aspect du piétisme ; la découverte de Luther avait été celle de la certitude personnelle du salut, fondée sur un élément « objectif » : Jésus-Christ, tel que l'avait prêché l'Église des premiers siècles ; l'orthodoxie luthérienne ayant, dans une certaine mesure, donné la préférence au fondement objectif, le piétisme a voulu, face à un tel rétrécissement, retrouver l'élément personnel.

Cette appellation de piétisme a commencé par désigner de façon ironique les disciples de P. J. Spener ; elle a qualifié ensuite dans son ensemble un courant, état d'esprit plutôt que corps de doctrines fortement constituées, qui a marqué toute la pensée protestante et profondément influé sur les mouvements de réveil des xviiie (le méthodisme) et xixe siècles.

Le fondateur Philipp Jakob Spener

En 1648-1649, les traités de Westphalie permettent d'assouplir fortement le principe du cujus regio, ejus religio. Désormais, plusieurs territoires vont faire l'apprentissage d'un certain pluralisme confessionnel. Mais cela ne peut faire oublier les durs stigmates de la guerre de Trente Ans : les combats, les épidémies, la sous-alimentation, les migrations, etc., ont fait perdre à l'Allemagne le tiers de sa population. On comprend que la piété et la théologie du protestantisme germanique en aient été affectées. Un certain relativisme confessionnel s'est développé, mais aussi un désir de pénitence et un souci d'intérioriser la religion lié à l'expérience de la souffrance. Les aspirations religieuses vont notamment s'exprimer par la mise en avant de la Passion du Christ et par le piétisme. Le fondateur du piétisme fut le luthérien Philipp Jakob Spener, né en 1635 à Ribeauvillé, en Alsace, d'une famille bourgeoise pieuse. Marqué dès sa jeunesse par les idées du pasteur J. Arndt, qui insistait sur l'expérience personnelle, il rencontra à Genève J. de Labadie. Nommé premier pasteur de Francfort-sur-le-Main, il réunit chez lui, à partir de 1670, certains de ses fidèles pour lire la Bible, prier et discuter du sermon dominical. On appela ces cercles des collegia pietatis. Leurs participants furent de plus en plus nombreux, et l'appartement du pasteur s'avéra bientôt trop étroit. Par la suite, d'autres groupes semblables se formèrent et certains de leurs membres furent accusés par les représentants de l'orthodoxie luthérienne d'orgueil spirituel, de fanatisme et de séparatisme ecclésiastique.

Spener rédigea en 1675 son écrit le plus célèbre, Pia Desideria, qui donnait un fondement théologique aux activités des collegia pietatis. Dénonçant en termes sévères les manques du clergé luthérien, l'immixtion du pouvoir civil dans les affaires ecclésiastiques, la frivolité des classes dirigeantes et l'indifférence religieuse des masses, il proposait plusieurs remèdes : une réforme des études théologiques dans le sens d'un christianisme expérimental nourri par des ouvrages comme l'Imitation de Jésus-Christ ou la Théologie germanique  ; une réforme de la prédication, qui ne s'appuierait plus sur la scolastique, mais viserait à la catéchèse et à l'édification ; une réforme des mœurs (modération du boire, du manger, de l'habillement, rejet du théâtre, de la danse, des jeux de cartes, etc.) ; la création, dans les paroisses, de conventicules analogues aux collegia pietatis[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.

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