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PIÉTISME

L'influence du piétisme

Le piétisme peut être considéré comme une protestation face aux Églises établies et aux orthodoxies installées. Il fut également une possibilité nouvelle (ou renouvelée) de penser l'ensemble de la vie en référence à la foi chrétienne et d'espérer l'établissement d'une Église, voire d'une société, exprimant pleinement le « dessein de Dieu » pour l'humanité. Le piétisme a renouvelé un certain nombre d'aspects religieux et sociaux du protestantisme. On a signalé son rôle dans la fondation d'établissements de charité, l'envoi de missionnaires ou la création d'une école de dogmatique biblique, historique et critique, rendant plus étroit le lien entre la Bible et la théologie.

Le piétisme a poursuivi le projet de la Réforme : donner la Bible au peuple. Ses adeptes ont souvent rédigé des legs comportant un souci éducatif : de l'argent était attribué pour des achats de livres, des bourses scolaires, le développement des écoles. Le monde de l'échoppe, le milieu artisanal, la bourgeoisie moyenne furent spécialement touchés. L'aspect éducatif et entreprenant du piétisme l'a conduit, dans certains cas, à être un facteur de modernisation : les fondateurs de l'industrialisation de la Ruhr seront des protestants marqués par le piétisme. Son influence intellectuelle ne doit pas être sous-estimée. Certaines de ses branches se sont liées avec l'Aufklärung, qui n'a jamais revêtu en Allemagne la tonalité anticléricale et areligieuse des Lumières françaises (Kant était issu d'un milieu piétiste).

Le piétisme a également favorisé un certain irénisme. Il a tenté de rapprocher les diverses branches de la Réforme, il a manifesté de l'intérêt pour les Églises orthodoxes et peu d'hostilité envers l'Église catholique romaine. À contre-courant du temps, il préconisa une entière liberté de culte pour les juifs et leur réhabilitation temporelle. Des recherches récentes ont insisté sur l'apport du piétisme dans la vie socio-religieuse de l'Amérique anglaise. Mêlé à la tradition puritaine, il a pris une part active à la formation de l'ethos américain.

Le terme de « piétisme » est cependant parfois utilisé avec une connotation négative. En effet, certains estiment néfaste l'influence du piétisme sur le protestantisme, qu'il a rendu souvent enclin à l'introspection et à une forte intériorisation de la religion. En insistant sur la sanctification, il a conduit les croyants qu'il a influencés à se demander s'ils appartenaient au petit nombre des « élus ». Mais sans doute – pour pouvoir le juger – faut-il replacer le piétisme dans le climat de la société de chrétienté.

— Jean BAUBÉROT

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Écrit par

  • : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Jean BAUBÉROT. PIÉTISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADVENTISME

    • Écrit par Jean SÉGUY
    • 1 093 mots

    Le terme « adventisme » vient du latin adventus, venue. Il désigne une doctrine centrée sur l'attente du retour du Christ à la fin des temps. En lui-même, le vocable adventisme pourrait s'appliquer à tous les mouvements du genre eschatologique de l'histoire du christianisme....

  • CHRÉTIENNE SCIENCE

    • Écrit par Jean SÉGUY
    • 1 048 mots
    • 2 médias
    ...». Mais cette fonction intégratrice ne rend pas compte des significations variées du mouvement à son origine. D'une part, il participe, au départ, du piétisme prophétique, Mary Baker-Eddy étant un des « vaisseaux » porteurs de vérité pour les derniers âges du monde ; d'autre part, il s'apparente aux...
  • COCCEIUS ou COCCEJUS JOHANNES (1603-1669)

    • Écrit par Bernard ROUSSEL
    • 463 mots

    Théologien allemand qui développa les éléments d'une « théologie de l'Alliance ». Né à Brême, Johannes Koch ou Kochen, plus connu sous son nom latinisé de Coccejus, acquit au cours de ses études une connaissance remarquable des langues bibliques. Professeur de philologie dans sa ville natale, puis...

  • DANEMARK

    • Écrit par Marc AUCHET, Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN, Jean Maurice BIZIÈRE, Régis BOYER, Georges CHABOT, Universalis, Lucien MUSSET, Claude NORDMANN
    • 19 519 mots
    • 14 médias
    Au xviiie siècle, sur la lancée du siècle précédent, le développement intellectuel se poursuivit à l'université de Copenhague, à l'Académie de Sorø, dans les écoles, les bibliothèques, les établissements scientifiques, où fut sensible l'influence du piétisme. Le despotisme...
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Voir aussi