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PHYLOGÉNOMIQUE

La phylogénomique, définie à la fin des années 1990, vise à établir les filiations entre les différents groupes d'êtres vivants en s'appuyant sur les caractéristiques de leur patrimoine héréditaire respectif. Elle constitue ainsi la version la plus récente d'une démarche scientifique initiée dès la fin du xviiie siècle.

Les naturalistes sont passés progressivement de la classification des êtres vivants à la recherche des relations de filiation entre les groupes, proposant des schémas temporels de l'évolution des espèces. L'interprétation de la classification en termes d'évolution épissée aux données de la paléontologie a donné naissance à une nouvelle discipline, la phylogénie. L'arbre phylogénique qu'Ernst Haeckel (1834-1919) proposa en 1866 est une représentation qui a marqué notre culture biologique et, d'une certaine manière, a déterminé notre façon de penser l'évolution des espèces : un seul tronc, des branches et des feuilles. Depuis lors, l'intention n'a pas changé. Toutefois, les critères utilisés pour la construction de ces phylogénies ne sont plus seulement d'ordre morphologique, comme chez Haeckel, mais ils font désormais intervenir les programmes génétiques des organismes. Aujourd'hui, on ne parle plus d'arbre mais plutôt d'arborescence buissonnante.

De la phylogénie à la phylogénétique moléculaire

Jusque dans les années 1950, les débats sur la construction des arbres phylogéniques ont porté sur les caractères physiques des organismes, dont la présence ou l'absence était suffisamment informative, ainsi que sur les méthodes utilisées pour la construction de la phylogénie. La démarche s'appuyait essentiellement sur les homologies entre organes déduites de l'anatomie et de l'embryologie comparées. Puis, avec l'Allemand Willi Hennig (1913-1976), une nouvelle manière de traiter les caractères s'est rapidement imposée. Appelée cladistique, cette méthode établit les relations de parenté entre les divers groupes par tri entre les caractères dits primitifs et les caractères dits dérivés, et sur l'estimation du nombre minimal d'événements permettant de passer d'un groupe – ou clade – à un autre (principe de parcimonie). La cladistique permet ainsi d'obtenir une phylogénie d'un type nouveau – que l'on préfère souvent appeler phylogénétique pour la distinguer de la précédente –, laquelle est venue modifier en certains points la classification traditionnelle.

Vers 1970, un nouveau type de caractères utilisables pour construire des phylogénies prend le relais des caractères morphologiques : ce sont les séquences des protéines et des gènes. Rappelons que les caractères physiques sont dus à l'expression des gènes qui composent l'information génétique de tout organisme (les virus à ARN n'échappant pas à la règle). Les gènes sont des fragments d'ADN écrits dans un alphabet à quatre lettres (A pour adénine, T pour thymine, C pour cytosine et G pour guanine). Ces lettres sont alignées en séquences qui dictent la structure des molécules pour lesquelles elles codent et qui, elles, participent à la construction des caractères. Le pari de ce type de phylogénie (ou phylogénétique), dite alors moléculaire, est d'utiliser comme caractères dans une analyse cladistique les différences entre les séquences de gènes issus d'organismes différents mais codant pour la même molécule (gènes dits homologues). Les chercheurs se sont d'abord contentés d'utiliser un petit nombre de types de gènes (certains ARN ribosomiques et certains gènes mitochondriaux), au prix d'un difficile travail de codage et de pondération des signaux informatifs issus de l'alignement des séquences. Les résultats, aussi intéressants soient-ils, comportent de nombreuses incertitudes et sont surtout[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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