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PERRET AUGUSTE (1874-1954)

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Une esthétique du béton armé

Avec le garage de la rue Ponthieu (1906), Perret accuse l'expression du béton apparent par un dessin classique de l'ossature. Le Théâtre des Champs-Élysées (1911-1913) donnera au matériau ses lettres de noblesse. Comme l'explique Perret, toutes les dispositions de cet édifice sont déduites de sa carcasse en béton armé. Cette structure offre aux artistes chargés de la décorer (Antoine Bourdelle, Maurice Denis, Édouard Vuillard) un cadre rigoureux. Après 1913, l'entreprise Perret accumule les expériences avec le béton armé : docks de Casablanca (Maroc, 1916, détruits), ateliers Esders (Paris, 1919, détruits), usines Voirin et Marinoni à Montataire (Oise, 1919-1921), ateliers de décor (47, rue Olivier-Métra, Paris, 1921). C'est la maîtrise acquise dans ces constructions industrielles qui permettra la création de ce chef-d'œuvre de radicalité qu'est Notre-Dame du Raincy (Seine-Saint-Denis). Construite en treize mois, cette église se réduit à la structure même : une nef de 53 mètres de longueur, voûtée vers le chœur, bordée de deux allées plus étroites et reposant sur des colonnes très fines. Les claustras en béton et en blocs de verre coloré réinterprètent le vitrail gothique, ce qui vaudra à l'édifice, le surnom de « Sainte-Chapelle du béton armé ». D'autres églises suivront : Sainte-Thérèse de Montmagny, Val-d'Oise (1925-1926), Sainte-Jeanne d'Arc (1925, non réalisée), Saint-Joseph du Havre (1949-1956). Durant les années 1920, Perret construit plusieurs habitations : maison Cassandre (Versailles, 1924), atelier Chana Orloff (Paris, 1926), atelier Georges Braque (Paris, 1927), maison Mela-Muter (Paris, 1928), maison Dora Gordin (Boulogne-Billancourt, 1929). Contrairement à d'autres architectes modernes, il ne cherche pas à renouveler l'espace de la maison. Il adopte une attitude de retenue, proche de l'austérité. L'immeuble de la rue Raynouard (Paris, 1928-1930) confirme cette réserve.

Parmi les œuvres importantes des années 1920, il faut citer le palais de Bois (Paris, 1922, détruit), la tour d'orientation de Grenoble (1925), le théâtre de l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris (1925, détruit), avec sa scène tripartite et sa trame carrée, et, toujours à Paris, la salle de concert de l'École normale de musique (rue Cardinet, 1928-1929), qui témoigne, sur une parcelle de 9,50 mètres par 27 mètres, d'une incroyable ingéniosité. Plaçant la salle dans la largeur, Perret étire les gradins face à une scène inscrite dans un cylindre. Les parois sont revêtues de contreplaqué. L'acoustique est parfaite. « Il nous avait dit, écrit Alfred Cortot, le commanditaire, je vous ferai une salle qui sonnera comme un violon. Il a dit vrai. Mais il se trouve, ce qui dépasse nos espérances, que ce violon est un stradivarius. » Les colonnes, dorées à la feuille de bronze, élèvent les défauts du béton brut au statut d'ornement.

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Écrit par

  • : architecte, professeur à l'École nationale supérieure d'architecture de Nancy, chercheur au Laboratoire d'histoire de l'architecture contemporaine

Classification

Pour citer cet article

Joseph ABRAM. PERRET AUGUSTE (1874-1954) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • AUGUSTE PERRET (exposition)

    • Écrit par
    • 1 072 mots

    Inaugurée au musée André-Malraux du Havre en septembre 2002, puis transportée à la Galleria d'Arte moderna de Turin au printemps 2003, l'exposition Perret, la poétique du béton a été présentée au début de l'année 2004 au palais de la Porte Dorée à Paris (qui accueille...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Notions essentielles

    • Écrit par
    • 4 952 mots
    ...un moyen d'expression, la recherche de la stabilité vise alors l'équilibre harmonieux des pleins et des vides, des supports et des parties supportées, comme dans l'œuvre d'un Auguste Perret qui tente de réconcilier le sens du rythme de l'architecture classique avec la technologie du béton...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture, sciences et techniques

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    • 6 médias
    ...question de la morale constructive prend un nouveau relief. En France, cette morale trouve l'un de ses défenseurs les plus convaincus en la personne d' Auguste Perret. Par l'accent qu'il met sur l'ossature, le grand pionnier de la construction en béton armé apparaît comme l'héritier de la tradition rationaliste....
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte

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    ...1 800 en 1940. Ayant milité en faveur de la réglementation de la profession et de la création de l'ordre, il alla de soi que le président de la S.A.D.G., Auguste Perret, fût le premier président de l'ordre. De nombreux syndicats d'architectes s'étaient constitués pour défendre les architectes diplômés d'une...
  • ARCHITECTURE CONTEMPORAINE - Une architecture plurielle

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    L'exemple du Havre confirme le lien entre l'état d'un patrimoine et la sensibilisation du public aux valeurs dont il est porteur. Dans le vaste centre reconstruit par l'équipe Perret, seule l'église Saint-Joseph est aujourd'hui classée. L'ensemble urbain, qui figurait déjà en 1963 sur la liste soumise...
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