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ORNEMENT, musique

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La systématisation

C'est en France, dans la seconde moitié du xviie siècle, que prit naissance une esthétique ornementale particulière en accord avec le courant de la préciosité. Un système d'ornements appelés désormais agréments (allemand : Manieren ou Verzierungen ; anglais : graces) se répand rapidement dans tous les pays d'Europe. Les agréments étaient déjà nombreux chez les luthistes de l'école française tels Ennemond Gaultier (1575-1651) et son cousin Denis Gaultier (1597 ou 1603-1672), François Dufaut (avant 1604-avant 1672) ou René Mesangeau (mort en 1638) ; ils achevèrent de se développer chez les clavecinistes (Jacques Champion de Chambonnières, Louis Couperin, Jean Henry d'Anglebert, etc.). À cette époque, il est d'usage de faire précéder les recueils de pièces pour luth ou pour clavecin d'une « table d'ornements » indiquant, selon le goût du compositeur, les réalisations correspondant aux signes employés dans les œuvres.

Les agréments n'ont généralement qu'une courte étendue mélodique ; ils s'appliquent à une ou plusieurs notes d'une mélodie ; leur forme est fixée, mais l'interprétation en est très variable ; elle dépend en particulier de l'habileté et de la sensibilité de l'exécutant. C'est la raison pour laquelle une table d'ornements comme celle qui figure dans le Premier Livre de pièces de clavecin de François Couperin (1713) n'est jamais qu'un repère, une suggestion qui ne prétend en aucun cas reproduire exactement l'effet rendu par un ornement donné. Encore une fois, réussir un ornement défie toute explication rationnelle qui se voudrait totalement réductrice ; en conséquence, il n'y a qu'une analogie entre le graphisme de la notation et l'exécution dans la réalité sonore. C'est précisément cet aspect fuyant de l'interprétation des ornements qui a fait dire au luthiste Jean-Baptiste Besard (1567 env.-après 1616) : « Imitez ceux qui les font bien et n'en abusez pas. » L'apogée de l'ornementation chiffrée correspond à la production musicale de François Couperin (1668-1733), c'est-à-dire au premier tiers du xviiie siècle.

Voici les ornements qui apparaissent le plus fréquemment à cette époque :

L'anticipation - crédits : Encyclopædia Universalis France

L'anticipation

– Le trille (ou cadence, tremblement ; allemand : Triller ; anglais : shake) est sans doute l'agrément le plus fondamental. Il était d'ailleurs utilisé bien avant le xviie siècle, et présente une forte analogie avec certains ornements en usage au xvie siècle comme le trémolo. Le trille est une répétition de la note écrite en alternance avec la note immédiatement supérieure, l'attaque se faisant toujours sur cette dernière. Il se divise en trois moments : une préparation (l'« appuy » ou appoggiature par la note supérieure), puis la série des battements, enfin, l'anticipation de la note suivante (liaison). Le premier et le dernier moments étant variables, il en résulte une grande variété d'interprétations.

– Le mordant (ou pincé, pincement, martèlement, flattement ; allemand : Mordant ; anglais : beat, mordent ; italien : mordente) est une inflexion entre la note écrite et la note inférieure.

– L' accent (allemand : Nachschlag ; anglais : springer) est une extension de la note écrite sur la note immédiatement supérieure.

– Le port de voix (allemand : Accent und Mordant ; anglais : shaked beat) est un bref battement se produisant entre la note écrite et la note immédiatement inférieure sur laquelle se fait l'attaque ; il est très employé dans la musique de clavecin et dans le chant.

L'appoggiature simple ou longue - crédits : Encyclopædia Universalis France

L'appoggiature simple ou longue

– L' appoggiature (appuy ou chute ; allemand : Accent fallend ; anglais : back-fall ; italien : appoggiatura) est une petite note (inférieure ou supérieure à la note écrite) qui dure généralement la moitié[...]

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Écrit par

  • : directeur de la revue Musique ancienne, luthier d'art (copies de luths et clavecins anciens)
  • : ancien critique à Sud-Ouest et à Contact Variété, professeur d'improvisation et d'histoire de la musique

Classification

Pour citer cet article

Joël DUGOT et Antoine GARRIGUES. ORNEMENT, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/06/2019

Médias

Francesco Landini : colorature pour clavier - crédits : Encyclopædia Universalis France

Francesco Landini : colorature pour clavier

Diego Ortiz : cadences conclusives - crédits : Encyclopædia Universalis France

Diego Ortiz : cadences conclusives

Adrian Le Roy : pavane pour le luth - crédits : Encyclopædia Universalis France

Adrian Le Roy : pavane pour le luth

Autres références

  • BANCHIERI ADRIANO (1568-1634)

    • Écrit par
    • 435 mots

    Compositeur et théoricien de la musique italien né le 3 septembre 1568 à Bologne, dans les États pontificaux, mort en 1634 à Bologne, Adriano Banchieri est, après Orazio Vecchi, le deuxième plus grand compositeur de comédies madrigalesques, suites de madrigaux sans intrigue véritable qui suggèrent...

  • FIGURALISME

    • Écrit par
    • 1 324 mots
    Les figuralismes ou madrigalismes se développent et ornent des mélodies évoquant certains mots ou idées importants du texte. On symbolise par exemple la fuite par une section en imitation serrée, sur des rythmes rapides ; le murmure de l'eau est généralement figuré par la répétition de deux ou trois...
  • IMPROVISATION MUSICALE

    • Écrit par , et
    • 5 113 mots
    • 3 médias
    ...élémentaires, le musicien restituait le chant, en variant selon son goût et sa virtuosité (jubilus du plain-chant). Dans la musique savante classique, un bon interprète ajoute des ornements, arpège des accords, réalise la basse chiffrée, répète des notes intermédiaires ou des accords entiers, tout en...
  • INTERPRÉTATION MUSICALE

    • Écrit par et
    • 7 438 mots
    • 8 médias
    ..., où il improvisait largement au cours de l'exécution. De même, les mouvements lents des concertos pour piano de Mozart donnaient lieu à une ornementation improvisée pour compenser une sonorité que l'instrument ne pouvait soutenir durablement. Jean-Philippe Rameau donnait toute liberté...
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