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MYTHOLOGIES Premiers panthéons

Irréductibles l'une à l'autre, les mythologies des deux plus anciennes civilisations de l'Antiquité, la mésopotamienne et l'égyptienne, peuvent être pourtant sinon comparées, à tout le moins rapprochées à plusieurs titres. Elles apparaissent toutes deux sur les bords de grands fleuves dont les rythmes ou les caprices fournissent la trame de nombre de leur récits ; ce sont des mythologies de gens de la Terre, de peuples paysans et non marins. Restées pratiquement sans influence l'une sur l'autre, elles ont inspiré en revanche une fascination chez ceux-là mêmes qui ont combattu leurs empires : Hittites, Araméens, Hébreux, Phéniciens... et Grecs enfin. C'est ainsi que, relevée à maints endroits dans le corpus des textes bibliques ou dans le mythe grec, la présence de certains de leurs motifs, des plus archaïques (déluge, naissance virginale, héros sauvé des eaux...) aux plus récents (vie après la mort, démonologie, jugement de l'âme individuelle, culte unifié sous un dieu unique, roi-prêtre...), n'a jamais cessé d'intriguer. Enfin, renforçant leur étrangeté, ces mythologies se sont conservées et transmises en usant de langues et de systèmes d'écriture certes complètement différents l'un de l'autre, mais néanmoins réunis dans leur commun éloignement par rapport au socle linguistique indo-européen et au système alphabétique du monde gréco-romain, lequel nous est resté au moins pour cela connu et familier depuis toujours.

Le monde mésopotamien

Le modèle, magnifié et idéalisé, du pouvoir royal est fondamental dans la représentation mésopotamienne du surnaturel. Il impliquait la mise en place d'un monde divin anthropomorphe et polythéiste : c'est-à-dire distribué en une société de personnages en tout (apparence, sexualité, besoins, comportement) comparables aux hommes, mais différents par une puissance et une intelligence surhumaines – ainsi que par une vie exemptée des misères physiques et de la mort – et dont tous les représentants étaient essentiellement, tels les souverains d'ici-bas et leur état-major, ordonnés à exercer l'autorité et porteurs de pouvoirs.

Cette définition du divin, nous l'induisons, seulement, des documents religieux sans nombre. L'incapacité où nous sommes d'analyser en radicaux intelligibles le nom du « dieu », en sumérien (dingir) ou en akkadien (ilu), nous en dérobe le sens originel. Seul l'idéogramme qui le représente dans l'écriture cunéiforme – le signe de « l'étoile », utilisé surtout pour désigner tout ce qui était « en haut » – nous suggère, du moins, une telle « supériorité » essentielle.

Le panthéon, la hiérarchie des dieux et les « démons »

Les Sumériens paraissent avoir donné plus volontiers pour objet à cette autorité divine les phénomènes de la nature et de la culture, comme si chacun d'eux, pour rendre raison de son existence et de son fonctionnement, avait requis la présence d'un agent surnaturel. Ils avaient ainsi une divinité pour présider à la partie supérieure de la sphère de l'univers, le ciel (An) ; une autre pour la partie inférieure, l'« enfer » (Ki) ; une autre pour l'entre-deux (Enlil : « Seigneur-Air ») ; pour le soleil (Utu), la lune (Nanna), la pluie et les météores (Iškur), et ainsi de suite ; une pour la pousse des céréales (Ašnan), le croît du menu bétail (Lahar), la préparation de la bière (Siris), etc. – ce qui composait déjà une troupe assez considérable. Les « Akkadiens » l'ont en grande partie adoptée, parfois en en syncrétisant certains membres à ceux de leur propre personnel divin, lequel semble avoir été beaucoup plus réduit : Utu est devenu Šamaš ; Nanna, Sîn...

Les dieux se trouvaient également dotés d'un pouvoir politique : dans chaque agglomération[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études (assyriologie) à l'École pratique des hautes études (IVe section), Sorbonne
  • : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
  • : docteur de troisième cycle, chargé de recherche au C.N.R.S, professeur à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • : directeur de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Jean BOTTERO, Encyclopædia Universalis, Yvan KOENIG et Dimitri MEEKS. MYTHOLOGIES - Premiers panthéons [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par et
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    • 2 médias
    Dans la Chine antique, toute ville seigneuriale avait deux fondateurs : l'ancêtre du seigneur et le « saint patron » du prévôt des marchands, qui avaient défriché ensemble le domaine, à l'imitation du laboureur divin, de l'inventeur de l'agriculture, Shennong. Or ce démiurge...
  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

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    ...dans des approches qui, en articulant désormais la forme et la fonction des objets, traitent des processus de leur fabrication et de leur mise en scène. Sur la base de ses observations des façades peintes des maisons cérémonielles en Nouvelle-Guinée, Anthony Forge déconstruit l’idée selon laquelle l’art...
  • ASSYRO-BABYLONIENNE RELIGION

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    Les Assyro-Babyloniens rencontrent leurs dieux à la limite de leurs possibilités d'action sur les éléments naturels : divinités astrales : Anu et Antu (divinités du ciel), Shamash et Sîn (dieu solaire et lunaire), Ishtar (déesse vénusienne) ; dieux de l'atmosphère : Enlil...
  • ASTROLOGIE

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    Est-ce que les mythologies se sont constituées à partir des planètes ? Elles sont certainement antérieures à leur découverte, tout comme on nomme les nouveaux astres en puisant dans un panthéon inépuisable de dieux et de déesses, voire de figures littéraires. On n'a pas inventé le dieu Mars parce qu'il...
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