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CULTE

Une consigne de Calvin, directement inspirée de saint Paul, suggère ce que peut être le culte comme éthos, comme comportement global : il faut, dit Calvin, que l'existence entière soit un hommage à la gloire de Dieu. Le culte est dans la vie autant que la vie dans le culte : il l'est même davantage, quand la consigne est donnée par la forme la moins cérémonielle du christianisme, c'est-à-dire par le calvinisme. En simplifiant la liturgie, en la rendant plus sobre, Calvin n'a pas songé qu'il risquait d'appauvrir le culte chrétien. Au contraire, il a voulu atténuer le contraste entre comportement profane et comportement sacré, afin que l'attitude cultuelle s'étendît à toute la conduite, à toutes les démarches du chrétien.

Abolissant la religion comme activité spécialisée, il faisait retour à la plus ancienne et à la plus prégnante des mentalités religieuses : c'est l'existence elle-même, et non l'un ou l'autre de ses moments, qui vit le drame du salut et qui est d'essence cultuelle, pénétrée de l'esprit de service. Il faut définir le culte comme office (comme tâche, ou comme ministère), c'est-à-dire comme fonction. Mais cet office ne se réduit pas aux offices, c'est-à-dire aux cérémonies, ni ce ministère aux ministères, c'est-à-dire à l'administration des rites ou des sacrements. C'est l'Église comme édifice et surtout la division entre clercs et laïcs qui ramènent le culte à la simple activité rituelle. Mais l'adoration en esprit et en vérité dont parle Jean (iv, 23) paraît beaucoup plus extensive.

Cependant l'éthos cultuel du chrétien, même revenu à ses origines, ne récupère sans doute pas la richesse de la source archaïque. Pour le « primitif », l'éthos cultuel avait un sens plein : tous ses actes s'inscrivaient dans une sphère surnaturelle ; rien n'était profane, pas même l'utile, le quotidien. Au contraire, pour le moderne, la vie entière peut s'imprégner de religion, mais seulement par le biais d'une moralité d'intention. Dans le premier cas, l'éthos cultuel était foncièrement symbolique et mystique. Dans le second, il n'est qu'éthique.

Si l'on prenait la notion d'éthos au sens de Max Scheler, il faudrait rapprocher culte et culture, et montrer que la religion vécue renvoie toujours à des formes typiques qui varient suivant les peuples et les époques (dans ce sens il y a un éthos, c'est-à-dire un style objectif d'appréhension des valeurs religieuses, qui diffère de l'Inde à la Grèce, des Romains aux Germains, des païens aux juifs et même des juifs aux chrétiens).

De toute façon, l'éthos cultuel se caractérise par les notes suivantes, si du moins il reste fidèle à ses sources : a) l'existence n'est jamais un simple donné ; elle est vécue comme valeur morale et religieuse ; b) l'existence n'est pas un fait, mais un comportement, une pratique réglée et orientée ; c) l'existence n'est pas un ensemble de réflexes ou de conduites mécaniques : les gestes de l'homme sont tenus pour signifiants, et le sens ultime de toutes les significations est d'instituer un rapport vécu au numineux, aux puissances, aux dieux, à Dieu ; d) l'existence n'est pas une dispersion de démarches, même signifiantes, même finalisées par une intention religieuse : elle tend à concentrer son effort de piété, sa ferveur, dans des lieux et des moments privilégiés, d'où les cérémonies et les fêtes, le culte proprement dit, avec ses objets, ses ministres, ses emplacements, ses prescriptions, ses formules ; e) l'existence n'est pas divisée entre le profane et le sacré, même dans les sociétés où cette distinction existe (ce qui n'est pas le cas de toutes les sociétés) ; elle puise son énergie dans[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. CULTE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASSYRO-BABYLONIENNE RELIGION

    • Écrit par René LARGEMENT
    • 4 270 mots
    • 5 médias
    La vie quotidienne des dieux était ordonnée à l'image de celle des rois ; on offrait à la divinité quatre repas par jour : le grand et le petit repas du matin, le grand et le petit repas du soir ; chacun d'eux se composait de boissons fermentées, de pains, de fruits et de viande ; ils n'étaient pas purement...
  • AUTELS

    • Écrit par Louis LÉVY
    • 3 692 mots
    • 1 média

    L'offrande d'un présent est destinée à obtenir la faveur de celui auquel on l'adresse, l'échange de dons manifeste l'amitié, et le partage du repas a longtemps signifié l'intimité.

    Les relations des hommes avec la divinité se ressentent de ces schèmes. On a d'abord...

  • BOUDDHISME (Histoire) - Le Buddha

    • Écrit par André BAREAU
    • 4 309 mots
    • 2 médias
    ...du passé et que la légende aura considérablement magnifié sa personne, cette vénération se justifiera davantage encore et deviendra même un véritable culte : dès la fin du ive siècle avant J.-C., semble-t-il, les disciples élèveront leur maître au rang suprême, au-dessus des dieux et des hommes....
  • DULIE & HYPERDULIE

    • Écrit par Henri-Jacques STIKER
    • 281 mots

    La pratique populaire chrétienne consistant à rendre un culte aux saints, avec les excès ou les mépris qu'elle peut entraîner, a amené les théologiens et l'Église officielle à prendre position à ce sujet. On a admis qu'une forme de culte était légitime vis-à-vis des saints, mais en précisant qu'il...

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Voir aussi