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PICCOLI MICHEL (1925-2020)

Michel Piccoli - crédits : Laurence Sudre/ Bridgeman Images

Michel Piccoli

« Admirable Michel Piccoli. » Ce compliment serait plutôt banal s’il ne figurait dans une critique des Cahiers du cinéma d’avril 1958, quelques mois avant les premiers feux de la nouvelle vague, à propos d’un film « attachant » Rafles sur la ville, d’un cinéaste chevronné, Pierre Chenal. Et cette critique était signée de Jean-Luc Godard. Elle distinguait donc un jeune acteur qui n'avait pourtant rien d'un débutant. Michel Piccoli considéra plus tard que ce film (et cet éloge) fut à l'origine de sa « fulgurante » carrière cinématographique. En tout cas, il se sentira parfaitement à l'aise dans les deux courants qui se confronteront à partir de ces années 1960. D'un côté, Godard (Le Mépris, 1963 ; Passion, 1981), Chabrol (La Décade prodigieuse, 1971 ; Les Noces rouges, 1972...), Demy (Les Demoiselles de Rochefort, 1966 ; Une chambre en ville, 1982), Varda (Salut les Cubains, 1963 ; Les Créatures, 1965), Rivette (La Belle Noiseuse, 1991 ; Ne touchez pas la hache, 2007), Resnais (La guerre est finie, 1965), Doillon (La Fille prodigue, 1980), Bellocchio (Le Saut dans le vide, 1979, qui lui vaudra le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes, 1980), Bonitzer (Rien sur Robert, 1999), Moretti (HabemusPapam, 2011), entre autres, trouveront en lui un appui solide pour des expériences parfois risquées. De l'autre, il assurera la continuité avec la tradition des meilleurs acteurs des années 1930 et 1940 sous la direction de René Clément (Le Jour et l'heure, 1962), Costa-Gavras (Compartiment tueurs, 1965), Yves Boisset (L'Attentat, 1972), Michel Deville (Benjamin ou les mémoires d'un puceau, 1967 ; Le Paltoquet, 1986...), Francis Girod (Le Trio infernal, 1974), Jacques Rouffio (La Passante du Sans-Souci, 1982), Pierre Granier-Deferre (Une étrange affaire, 1981)... Il participera tout autant à des films inclassables comme Les Ruses du diable (Paul Vecchiali, 1965), Grandeur nature (Luis Berlanga, 1974), Themroc (Claude Faraldo, 1973), La Diagonale du fou (Richard Dembo, 1983), Mauvais Sang (Leos Carax, 1986), Les Toits de Paris (Hiner Saleem, 2007), sans oublier le théâtre – auquel il revient à de nombreuses reprises – et une activité de réalisateur originale et déroutante.

De la « série F » à Dom Juan

Né à Paris le 27 décembre 1925, Michel Piccoli est le fils d'un couple de musiciens-interprètes : son père est violoniste, sa mère pianiste. Timide et plutôt introverti, il passe ses premières années en pension. C'est un spectacle de fin d'année, d'après un conte d'Andersen, qui décide de sa vocation de comédien en 1935. À dix-huit ans, il prend des cours, d'abord chez Bauer-Thérond, puis chez René Simon. Ses premières prestations théâtrales, avec les compagnies Renaud-Barrault et Grenier-Hussenot ou au TNP (dans Phèdre), ne sont pas des succès... Il gardera néanmoins le goût du théâtre, auquel il reviendra à partir des années 1980, notamment dans des œuvres de Tchekhov (La Cerisaie), Koltès (Combat de nègre et de chiens, 1983 ; Retour au désert, 1988), Marivaux (La Fausse suivante, 1985), Shakespeare (Le Conte d’hiver, 1988 ; Le Roi Lear, 2006), Marguerite Duras (La Maladie de la mort, 2007), Thomas Bernhard (Minetti, 2009), sous la direction de metteurs en scène tels que Peter Brook, Patrice Chéreau, Luc Bondy et André Engel.

Il débute au cinéma en 1945 dans Sortilèges, de Christian-Jaque. Ses positions politiques de gauche nettement affirmées ne sont pas étrangères à certains de ses premiers rôles. C’est le cas du Point du jour (1949), de Louis Daquin, seul film réellement néoréaliste français, de Sans laisser d'adresse, de Jean-Paul Le Chanois (1951), ou, quelques années plus tard, de Climats (1962), de l'homme de télévision Stellio Lorenzi. Trois réalisateurs qui ne cachent pas leur appartenance au Parti communiste.[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. PICCOLI MICHEL (1925-2020) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Michel Piccoli - crédits : Laurence Sudre/ Bridgeman Images

Michel Piccoli

Autres références

  • BLUWAL MARCEL (1925-2021)

    • Écrit par Isabelle DANEL
    • 699 mots
    • 1 média

    Comme Stellio Lorenzi, Claude Barma et Claude Loursais, Marcel Bluwal fut l’un des pionniers de la télévision française. On lui doit notamment des dramatiques en direct qui firent date, des feuilletons mémorables et de grandes adaptations de textes du répertoire.

    Fils unique d’Henri et Eda Bluwal,...

  • JE RENTRE À LA MAISON (M. de Oliveira)

    • Écrit par Michel ESTÈVE
    • 992 mots

    À l'instar d'une ouverture d'opéra qui condense les thèmes de l'œuvre à venir, la première séquence de Je rentre à la maison transcrit sobrement l'inspiration profonde du film : à partir d'interférences entre le théâtre et la vie, il s'agit de brosser le portrait en mouvement...

  • LES CHOSES DE LA VIE, film de Claude Sautet

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 856 mots

    Connu auparavant comme réalisateur de polars (Classe tous risques, 1960), Claude Sautet ne voulut pas se spécialiser dans les films d'action, et adapta en 1970 un roman de Paul Guimard, Les Choses de la vie (1967). Bien que le sujet principal puisse paraître d'une rare tristesse – il s'agit...

  • LA MALADIE DE LA MORT (M. Duras)

    • Écrit par Frédéric MAURIN
    • 1 322 mots

    Créée à la Schaubühne de Berlin en 1991, dans une traduction de Peter Handke, la mise en scène de La Maladie de la mort par Robert Wilson a dû attendre sa reprise au Théâtre Vidy-Lausanne, en 1996, pour être jouée dans le texte original de Marguerite Duras. Cette seconde version du spectacle,...

Voir aussi