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MELANCHTHON PHILIPP SCHWARZERD dit (1497-1560)

« Précepteur » de la Germanie et inspirateur de l'Église territoriale luthérienne, un des maîtres du protestantisme. Né à Bretten dans le Palatinat, Melanchthon subit l'influence de Reuchlin, avant d'entreprendre des études à Heidelberg et à Tübingen (1510-1514). Puis il travaille quelque temps dans une imprimerie, ce qui le met en contact avec Érasme.

En 1518, il est nommé à la chaire de grec de l'université de Wittenberg. Favorable à un humanisme proche de la Bible, il adhère d'emblée à la Réforme et participe à la dispute de Leipzig. Il devient l'ami de Luther et inaugure avec lui une collaboration étroite qui ne connaîtra guère de nuages. Désormais, il se préoccupe d'allier la Réforme et l'humanisme chrétien, et d'expliciter selon des critères logiques les doctrines fécondes et denses de Luther. En 1519, il entre à la faculté de théologie et publie deux ans plus tard les Loci theologici, qui sont le résultat d'une confrontation entre l'humanisme chrétien et la Réforme.

Les événements de 1521-1522 à Wittenberg suscitent chez lui une crise temporaire, mais surtout une répulsion à l'égard des spiritualistes (ou spirituels) tels Sébastien Franck et Gaspar Schwenckfeld, qui s'opposent à Luther et au luthéranisme, en particulier au sujet de la hiérarchie de l'Église extérieure et sur les voies du salut. Face à la foi individuelle, Melanchthon affirme la discipline morale et, face à la liberté évangélique, le pouvoir étatique. Il souligne désormais l'importance de la tradition patristique et se réfère au droit naturel pour légitimer l'ordre dans l'État et dans l'Église, ainsi que le pouvoir épiscopal des princes, en insistant sur leur droit à manier les deux tables de la Loi.

Le jeune humaniste qui a contesté les structures existantes devient, après 1525, un luthérien conservateur. Il élabore une théologie originale : l'édition des Loci de 1535 se caractérise par son absence de conviction et une présentation systématique des doctrines, en accord avec la philosophie d'Aristote. Melanchthon place à côté de la Réforme la théologie et les symboles patristiques. Son rationalisme tend à établir une correspondance entre l'âme humaine et Dieu. Sa doctrine se présente comme une synthèse entre l'Antiquité et la Réforme.

Melanchthon a tenu une grande place dans l'histoire allemande par sa participation à des diètes et à des colloques, où il s'efforce de maintenir l'unité de la chrétienté et l'unité politique de l'Empire par la suppression des abus romains et des diversités au sein du protestantisme. Il est l'auteur de la Confession d'Augsbourg(1530), qui minimise les différences avec le catholicisme. En Angleterre et à Cologne, il se prononce pour le maintien des formes cultuelles et des institutions ecclésiastiques. Mais son souci d'unité l'amène à faire des concessions importantes au moment de l'Intérim ; cette attitude menace l'unité protestante, qu'il est incapable de maintenir après la mort de Luther en raison de son évolution sur l'article de la Cène ; certains de ses disciples adhèrent, d'ailleurs, à la confession réformée.

Père de la philosophie qui s'y inscrit, Melanchthon est le créateur du système scolaire protestant, à trois titres : par sa présence ou ses conseils écrits, il a inspiré la création des universités et des collèges ; il a formé les enseignants de ces établissements, qui ont régulièrement fait appel à lui pour leur recrutement ; enfin, il a fixé les programmes, dans lesquels s'intègrent des sciences de la nature, et publié de nombreux manuels (Dialectique, Rhétorique, Grammaire, Physique), qui sont demeurés en usage pendant plus de deux siècles. Par ailleurs, il a déployé une activité littéraire[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur d'histoire de l'Alsace à l'université de Strasbourg-II

Classification

Pour citer cet article

Bernard VOGLER. MELANCHTHON PHILIPP SCHWARZERD dit (1497-1560) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • APOLOGIE DE LA CONFESSION D'AUGSBOURG

    • Écrit par Universalis
    • 328 mots

    L'une des confessions luthériennes qui servit à défendre et à élaborer la Confession d'Augsbourg, écrite par Melanchthon en 1531. La première version de l'Apologie fut rédigée à la hâte et présentée le 22 septembre 1530, à la diète d'Augsbourg, à Charles Quint,...

  • CONFESSION D'AUGSBOURG

    • Écrit par Universalis
    • 367 mots

    Confession fondamentale des Églises luthériennes présentée le 25 juin 1530 dans ses versions allemande et latine, au cours de la diète d'Augsbourg, à Charles Quint, par sept princes luthériens et deux villes impériales libres. L'auteur principal en était Melanchthon, qui se servit des...

  • RENAISSANCE

    • Écrit par Eugenio BATTISTI, Jacques CHOMARAT, Jean-Claude MARGOLIN, Jean MEYER
    • 31 095 mots
    • 21 médias
    ...saurait mieux se manifester qu'en se cachant sous l'apparence de l'injustice) doit sans doute quelque chose à la rhétorique italienne ou érasmienne. Avec Melanchthon (1497-1560), « éducateur de l'Allemagne », l'amitié fondée sur un amour commun pour les bonnes lettres et pour la conciliation ne se rompit...
  • INSTITUTION DE LA RELIGION CHRÉTIENNE, Jean Calvin - Fiche de lecture

    • Écrit par Marianne CARBONNIER-BURKARD
    • 957 mots
    • 2 médias
    ...l'un sur les « faux sacrements » (confirmation, pénitence, extrême-onction, ordre, mariage), l'autre sur la « liberté chrétienne », l'Église et l'État. La théologie qui s'y affirme est directement inspirée de Luther et de Melanchthon, comme aussi, sur la cène notamment, des réformateurs des villes, critiquant...

Voir aussi