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MAETERLINCK MAURICE (1862-1949)

Traces visibles et traces invisibles

Les tréteaux du théâtre symboliste sont morts pour avoir été dressés trop tôt. Qui reconnaît encore aujourd'hui l'immense mérite des Aveugles (1890) de Maeterlinck ou des Flaireurs de Van Lerbergue ? Ils attendaient « Godot », mais l'attendaient avec une générosité qui n'a plus cours. Notre époque inquiète ne se reconnaît plus que dans le passage le plus étroit et porte jusque dans son style et dans ses idées le reflet d'une sécheresse d'âme qui n'est elle-même qu'un masque posé sur la peur. Il reste le poète, dont on s'éloigne toujours à tort. Lui est intact. Les Serres chaudes et les Douze Chansons répondent par avance, avec une justesse vérifiable, à une attente et à une angoisse éternelles. Ainsi, c'est toujours dans la vérité la plus humble et la plus resserrée qu'un homme peut espérer laisser les meilleures traces. Ces traces maeterlinckiennes sont d'une actualité surprenante. Et d'abord, parce qu'elles sont sans âge. Au seuil de ces temps embryonnaires, elles apportent la preuve irrécusable du passage d'un ange – fût-il l'ange gris de l'absence – parmi les hommes.

Ainsi, loin d'avoir fini sa course, cet homme du xixe siècle égaré au centre du xxe continue-t-il d'influencer secrètement les poètes et les dramaturges. Simplement ces influences se font-elles plus diffuses à mesure que l'âme se masque. Mais les masques les mieux conçus finissent par tomber d'eux-mêmes. Le temps n'est plus très éloigné où l'on pourra suivre l'influence de Maeterlinck à travers l'histoire littéraire de ces dernières périodes. Déjà, elle apparaît en clair dans les efforts que la poésie fait aujourd'hui pour échapper au balbutiement. C'est que Maurice Maeterlinck est lié par son œuvre, par l'inquiétude qui la traverse à la manière d'un clair-obscur et jusque dans son silence même à la démarche des poètes de ce temps. Il passe en nous aux meilleures heures, comme les bateaux à vapeur d'autrefois passaient en silence au milieu des jardins de Gand.

— Gérard PRÉVOT

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Pour citer cet article

Gérard PRÉVOT. MAETERLINCK MAURICE (1862-1949) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Maurice Maeterlinck - crédits : Culture Club/ Getty Images

Maurice Maeterlinck

Autres références

  • INTÉRIEUR (M. Maeterlinck)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 974 mots
    • 1 média

    Après avoir fait connaître de nombreux auteurs contemporains, de Marguerite Duras à Edward Bond, Harold Pinter ou Peter Handke, Claude Régy trouve en 1985, à travers sa rencontre avec Maurice Maeterlinck (1862-1949), matière à nourrir et développer sa recherche théâtrale. Elle se nourrit surtout...

  • SERRES CHAUDES, Maurice Maeterlinck - Fiche de lecture

    • Écrit par Claude-Henry du BORD
    • 1 074 mots
    • 1 média

    Bien qu'il soit difficile de cerner avec exactitude la notion de symbolisme, on peut essayer d'en dégager quelques traits : la fuite hors de ce monde par le repli sur soi, l'esthétisme de l'étrange et le culte des images et des analogies. On peut aussi avancer des noms, citer Mallarmé,...

  • LE THÉÂTRE D'OMBRES DE MAETERLINCK (mises en scène)

    • Écrit par David LESCOT
    • 1 332 mots

    L'œuvre de Maurice Maeterlinck connaît un intérêt de la part de metteurs en scène de théâtre et d'opéra aux options esthétiques pourtant différentes. Ses pièces ont ainsi fait l'objet de deux spectacles montés simultanément à Paris en février 1997, La Mort de Tintagiles,...

  • GENRES DRAMATIQUES

    • Écrit par Elsa MARPEAU
    • 1 606 mots
    Le drame comme genre se poursuit et se transforme à nouveau à la fin du xixe siècle, dans l'œuvre des symbolistes. Récusant toute imitation réaliste, le dramaturge belge Maurice Maeterlinck prétend notamment peindre les correspondances entre charnel et spirituel. Pelléas et Mélisande (1892)...
  • DUKAS PAUL (1865-1935)

    • Écrit par Marc VIGNAL
    • 670 mots

    Paul Dukas relève de cette rare catégorie de compositeurs qui « ne se résignèrent qu'au chef-d'œuvre » : bien qu'ayant vécu soixante-dix ans, il se limita à sept œuvres principales et à cinq partitions plus réduites, dont Prélude élégiaque sur le nom de Haydn...

  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 7 220 mots
    • 5 médias
    ...(en poésie avec Émile Verhaeren et dans le roman avec Georges Rodenbach) sera manifestée avec éclat par le prix Nobel de littérature décerné à Maurice Maeterlinck, en 1911. Dans l’entre-deux-guerres, les avant-gardes belges s’affirment, et particulièrement le surréalisme, dont le groupe le plus...
  • GAND

    • Écrit par Hans VAN WERVEKE, Christian VANDERMOTTEN
    • 3 385 mots
    • 3 médias
    ...comme Franz Hellens (1881-1972) et Jean Ray (1887-1964), dont bien des textes témoignent, certes très diversement, d’une même quête du fantastique. Si Maurice Maeterlinck, prix Nobel de littérature en 1911, avait déclaré que la Belgique serait latine ou ne serait pas, Franz Hellens, auteur de l’expression...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi