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SERRES CHAUDES, Maurice Maeterlinck Fiche de lecture

<em>Une lecture</em>, T. van Rysselberghe - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Une lecture, T. van Rysselberghe

Bien qu'il soit difficile de cerner avec exactitude la notion de symbolisme, on peut essayer d'en dégager quelques traits : la fuite hors de ce monde par le repli sur soi, l'esthétisme de l'étrange et le culte des images et des analogies. On peut aussi avancer des noms, citer Mallarmé, Verlaine, ou Théodore de Banville pour la France, mais aussi Maurice Maeterlinck (1862-1949) Georges Rodenbach, Max Elskamp et Émile Verhaeren pour la Belgique. Le mouvement se précise grâce au manifeste que publie Jean Moréas en 1886, où il prône « un désordre savamment ordonné ; la rime illucesente et martelée [ou] aux fluidités absconses ». Au sein d'une production profuse, certaines œuvres majeures se distinguent, véritables concentrés de l'esprit fin de siècle, résumés de tendances qui marqueront les poètes de la prochaine génération, d'Apollinaire aux surréalistes.

Une pensée du symbole

Serres chaudes de Maurice Maeterlinck est une œuvre emblématique, parue en 1889 chez Vanier, l'éditeur parisien de Verlaine. Son auteur est un jeune Belge de vingt-sept ans, né à Gand où, devenu avocat, il plaide moins qu'il ne se consacre à la littérature et à l'élevage des abeilles. Si l'œuvre ne trouve d'abord qu'une vingtaine de lecteurs, elle ne tarde pas à faire figure de nouveau manifeste, grâce surtout à l'évocation d'un monde clos où l'esprit de la décadence flotte comme une oraison dans un cloître détruit. Maeterlinck est alors un esthète bourgeois, passionné d'occultisme, fasciné par le romantique Novalis et le mystique Ruysbroeck l'Admirable, par les mystères de la vie profonde, par l'inconnaissable et par les contradictions qui agitent un moi enfoui. La même année, il publie une pièce de théâtre, La Princesse Maleine, saluée par Octave Mirbeau comme « supérieure en beauté à ce qu'il y a de plus beau dans Shakespeare ». Maeterlinck, durant son séjour à Paris en 1886, rencontre quelques écrivains non conformistes, dont Saint-Pol-Roux et surtout, Villiers de L'Isle-Adam. Si le jeune poète affirme « tout devoir à Villiers ; à ses conversations plus qu'à ses écrits », il n'en célèbre pas moins « le cerveau » de Mallarmé, « la sincérité enfantine » de Verlaine, les « purs poètes » que sont Henri de Régnier et Vielé-Griffin... Mais il aime aussi Kant, Schopenhauer « qui arrive à vous consoler de la mort », Shakespeare, avant tout, Edgard Allan Poe, Whitman, Baudelaire, Laforgue... De cette masse d'influences, il sait dégager l'esprit à travers une synthèse proprement vouée au symbole : « Il en existe deux espèces : le symbole a priori ou de propos délibéré qui part de l'abstraction et tâche de revêtir d'humanité ces abstractions ; et un symbole plutôt inconscient qui aurait lieu à l'insu du poète et irait, presque toujours, bien au-delà de sa pensée, c'est le symbole qui naît de toute création de la pensée géniale de l'humanité. »

Les trente-trois poèmes de Serres chaudes contiennent en quelque sorte le germe de toute l'œuvre à venir, de pièces de théâtre comme Pelléas et Mélisande (1892) ou Intérieur (1894) aux recueils d'essais comme Le Trésor des humbles (1896). D'après Maeterlinck, le titre s'est « imposé naturellement, car Gand est une ville d'horticulture, et les serres froides, tempérées et chaudes, y abondent ». Pourtant, l'auteur avait pensé à d'autres titres : « Les Symboliques », puis « Les Tentations ». La grande nouveauté de ton, imprégné de langueur et de mal de vivre, tient surtout à l'expression de l'ineffable que traduit par exemple le fréquent emploi du bleu, couleur fétiche de Maeterlinck : « l'ennui bleu », « les fouets bleus de mes luxures », les gestes, les linges, les rêves sont bleus, tant et si bien que le mot finit par perdre sa[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à Études, poète et traducteur

Classification

Pour citer cet article

Claude-Henry du BORD. SERRES CHAUDES, Maurice Maeterlinck - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Une lecture</em>, T. van Rysselberghe - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Une lecture, T. van Rysselberghe

Autres références

  • MAETERLINCK MAURICE (1862-1949)

    • Écrit par Gérard PRÉVOT
    • 1 191 mots
    • 1 média
    ...ces études de droit qui semblent bien avoir été pour cette génération de poètes un paravent à l'abri duquel l'aigle de la poésie grandissait en silence. Dès 1889, Maeterlinck publie ces Serres chaudesqui ne trouvent au départ que vingt lecteurs, mais dont Apollinaire saluera plus tard le modernisme, et...

Voir aussi