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RODENBACH GEORGES (1855-1898)

Belge, Georges Rodenbach est l'un des membres les plus originaux d'un mouvement symboliste qui a su garder son autonomie par rapport à l'école française. Venu à Paris en 1876, il reste cependant le poète de Bruges où il est né. Dans les recueils de vers Jeunesse blanche (1886), Le Règne du silence (1891), Les Voies encloses (1896) apparaît la nostalgie de sa province. Absente, elle devient le reflet du monde : les béguinages et les canaux de la Venise du Nord vont servir de relais entre un symbolisme étayé sur des sensations visuelles et une rêverie qui reste au contact de la réalité. On découvre là le secret d'une poétique des correspondances que Rodenbach a poussée plus loin que la plupart des symbolistes : à partir d'un objet, d'un paysage (ici Bruges), le poète peut évoquer ses impressions sensibles, en général impressions visuelles et auditives mêlées, et ainsi se pose l'existence d'un sujet, le je du poète. Dans ce système d'oscillations, dans ce jeu des correspondances, le monde intérieur et la réalité vont se fondre en une sorte de rêverie mystique où l'on ne saura plus distinguer l'émoi du poète et celui de l'objet. Alors qu'en général ce procédé restait discret, sa mise en évidence et son exploitation systématique, ainsi que la rigueur de la prosodie de Rodenbach, contribuent parfois à rendre ses vers un peu affectés. Cependant, l'évocation de la Flandre mystérieuse, des petits bourgs endormis du Nord reste encore très séduisante aujourd'hui. Le fantastique qui se dégage de toute la poésie de Rodenbach serait peut-être plus original, si précisément le recours incessant à des procédés de technique poétique ne le rattachait pas toujours à la vie intérieure du poète. Mais il s'agit là de la question de la sincérité que pose toute la poésie symboliste. Rodenbach écrivit encore quelques romans, Bruges la Morte (1892), Le Carillonneur (1895), sur les mêmes thèmes, en demi-teintes, du silence et de l'obscurité.

— Antoine COMPAGNON

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis

Classification

Pour citer cet article

Antoine COMPAGNON. RODENBACH GEORGES (1855-1898) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BELGIQUE - Lettres françaises

    • Écrit par Marc QUAGHEBEUR, Robert VIVIER
    • 17 494 mots
    • 5 médias
    ...représenté principalement par le groupe et la revue La Jeune Belgique. Les manuels belges ne tarissent pas sur cette glorieuse épiphanie, et surtout sur Georges Rodenbach (1855-1898) et Albert Giraud (1860-1929). On connaît la grâce élégiaque du premier. Son roman Bruges-la-Morte fut célèbre, et l'on...
  • KORNGOLD ERICH WOLFGANG (1897-1957)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 2 827 mots
    • 1 média
    ...Stadt est d'un certain « Paul Schott » – un pseudonyme qui dissimule en fait Julius et Erich Wolfgang Korngold –, d'après le roman Bruges la Morte (1892) du poète symboliste belge Georges Rodenbach. L'action se situe à Bruges, ville morte qui n'apparaît d'ailleurs pas comme une ville...
  • SYMBOLISME - Littérature

    • Écrit par Pierre CITTI
    • 11 859 mots
    • 4 médias
    Le chemin de Georges Rodenbach (1855-1898) est plus étroit : cet ex-« hydropathe », dans La Jeunesse blanche (1886), Le Règne du silence (1891), s'attache à un aspect capital de l'imagination symboliste, le désir d'intégrer le silence (pause, représentation et thème) dans la poésie. Son roman ...

Voir aussi