RÉGY CLAUDE (1922-2019)

Claude Régy
Eric Feferberg/ AFP
Claude Régy
Au fil de son œuvre, Claude Régy a mis en place une esthétique théâtrale minimaliste et un étirement…
Eric Feferberg/ AFP
Claude Régy est né à Nîmes le 1er mai 1923. De son éducation dans une famille bourgeoise protestante des Cévennes, il dit avoir rejeté le puritanisme mais gardé un attachement au Texte, à la Bible, constamment citée. Ce spiritualisme sans dogme, ce mysticisme sans religion, annonce l'une des orientations de sa démarche théâtrale.
Interrompant Sciences-Po et ses études en droit, Claude Régy rejoint la capitale et fréquente les cours d'art dramatique de Charles Dullin, Tania Balachova et Michel Vitold. Il devient l'assistant de ce dernier, puis d'André Barsacq et de Michel Fagadau, avant d'entreprendre ses propres mises en scène. Assez vite, la création contemporaine l'accapare, et cette prédilection ne se démentira pas. Il porte à la scène les œuvres de Marguerite Duras (Les Viaducs de la Seine-et-Oise, 1960 ; Eden cinéma, 1977 ; Le Navire-night, 1978), de Nathalie Sarraute (Isma, 1972 ; C'est beau, 1975 ; Elle est là, 1979). Régy ne cesse de poursuivre un dialogue avec les auteurs vivants. L'Amante anglaise, de Duras, l'accompagne de loin en loin : la pièce, interprétée par Madeleine Renaud, est montée en 1968, 1982 et 1989.
L'intérêt que Claude Régy porte au renouveau de l'écriture théâtrale ne se limite pas, tant s'en faut, aux auteurs français. Au milieu des années 1960, il contribue à faire connaître une nouvelle génération d'auteurs anglo-saxons : Harold Pinter (L'Amant, La Collection, 1965 ; Le Retour, 1967), James Saunders (La prochaine fois je vous le chanterai, 1966), John Osborne (Témoignage irrecevable, 1966), ou encore Tom Stoppard, Arnold Wesker. À Paris, au Théâtre-Antoine, aux Mathurins, avec des comédiens (Delphine Seyrig, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Pierre Brasseur, Emmanuelle Riva, Michel Bouquet) servant à merveille des dialogues souvent brillants, les spectacles rencontrent un succès certain. Directeur d'acteurs minutieux, mais se méfiant de l'efficacité, Régy ne persévérera pas dans cette voie.
C'est davantage vers des auteurs allemands comme Peter Handke (La Chevauchée sur le lac de Constance, 1973 ; Les gens déraisonnables sont en voie de disparition, 1978 ; Par les villages, 1983) ou Botho Strauss (La Trilogie du revoir, 1980 ; Grand et petit, 1982) qu'il se tourne à partir des années 1970. Au contact de ces textes difficiles s'épure et s'affirme sa manière théâtrale, où ses nombreux détracteurs voient un maniérisme à l'envers, une lenteur, un étirement du temps (plus de trois heures sans entracte pour La Trilogie du revoir), un hiératisme rebutants.
C'est que les catégories du théâtre traditionnel sont ici sérieusement battues en brèche. L'intrigue dramatique n'intéresse pas Régy, et il s'acharne surtout à détourner ses comédiens du principe d'incarnation, reliquat selon lui d'un naturalisme, d'un psychologisme diffus polluant la pratique théâtrale. Ainsi les acteurs de La Chevauchée sur le lac de Constance, davantage voix que personnages, tentent-ils vainement de saisir, au prix d'une longue conversation, la réalité de leur être, ignorant qu'ils sont morts. Les ouvriers de Par les villages ne s'expriment pas à l'aide de quelque idiome de classe, mais sont dotés d'une parole poétique.
Selon Claude Régy, le comédien doit être comme traversé par le texte, et laisser celui-ci irradier. Son passage au Conservatoire national d'art dramatique, au début des années 1980, ainsi que les fréquents stages pour lesquels on le sollicite, s'inscrivent dans la logique de cette exigence. Quant au metteur en scène, il doit savoir disparaître afin de ne pas figer le sens : « J'essaie de laisser des trous, des failles ; d'approfondir les choses à l'infini, ce qui est la seule façon de ne pas les finir, de les laisser ouvertes. » Le rythme ralenti[...]
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Écrit par
- David LESCOT : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre
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Pour citer cet article
David LESCOT, « RÉGY CLAUDE (1922-2019) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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