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MARIAGE

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Ambiguïté de l’institution

C'est avec la certitude qu'on ne saurait échapper aux multiples réseaux de la subjectivité – fantasmatiques et idéologiques – qu'on peut se risquer à une critique de l'institution. Critique qui ne doit pas s'entendre en un sens seulement négatif, mais qui doit procéder à une évaluation des possibilités de changement d'une institution inadaptée à son monde. Pour ce faire, les mots d'ordre libertaires, pour exaltants qu'ils puissent être, doivent céder le pas à une analyse précise, non du mariage, mais de ses conditions mêmes d'application dans le monde réel. C'est moins l'individu lui-même qui doit être libéré du mariage que le mariage lui-même qui peut se libérer.

Une fonction structurale

La moindre confrontation avec le réel quotidien rend nécessaire un nouveau type de discours sur le mariage : aucun discours rationnel et argumenté ne pourrait se tenir aujourd'hui, qui ignorerait, d'une part, les données de l'ethnologie et de la psychanalyse, d'autre part, les modifications réelles des conditions objectives du mariage : travail plus fréquent des femmes, difficultés de l'emploi du temps, fréquence croissante du nombre des divorces, etc. Ainsi, l'ethnologie nous apprend que le mariage a pour fonction l'échange : Lévi-Strauss en fait la clé de voûte de son système et de toute une orientation de recherche, en montrant que le mariage assure en même temps l'expansion du langage et de l'exogamie ; le mariage est l'institution qui fonde la culture, il est l'acte culturel par excellence. De ce fait, l'affectivité qui, dans la conception courante, sous-tend l'institution, devient relative à celle-ci, et déterminée en seconde instance. De même, la psychanalyse permet de mettre en évidence la structuration véritable du couple : non pas deux éléments, mais trois, à savoir la fonction paternelle, ayant force de loi, la mère, ressource des imaginaires, et l'enfant. Le triangle œdipien dont chaque individu fait partie effectue de la même façon que l'ethnologie la « mise en système » du mariage, et relativise un phénomène vécu par ailleurs comme absolu dans une mythologie d'inspiration romantique. Mais ces deux types d'analyse sont tout à fait compatibles avec des discours de type idéaliste : chrétien ou judaïsant, par exemple. Il suffit de ressaisir la relativité du phénomène dans une pérennité orientée, qui peut s'appeler histoire, plus volontiers encore eschatologie ; les « sciences humaines » ne sont pas encore capables de se dégager des différents contextes idéologiques ; elles n'ont pas atteint le degré d'autonomie nécessaire, et toute évaluation du mariage qui ne s'appuierait que sur les sciences humaines doit se souvenir de la mésaventure de la psychanalyse freudienne aux États-Unis : Freud croyait bien y apporter la « peste », mais elle fut neutralisée par une vaccine idéologique puissante, et devint un système d'assistance psychologique généralisé. Le risque est grand de confondre science et technique, système rigoureux d'investigation et de déduction, et recettes empiriques d'adaptation à une société donnée.

Les leurres

La période contemporaine, fertile en analyses parascientifiques et en manipulations de la psychanalyse, de la psychologie et des techniques relationnelles, est aussi féconde en réajustements du mariage à ses fonctions idéologiques et sociales de conservation. La difficulté n'est pas contournable ; le mariage sert à la reproduction et à la conservation. Engels écrit que le mariage a pour fonction « la production de la reproduction dans la vie immédiate » ; cette production est double : « D'une part la production de moyens d'existence, des objets servant à la nourriture, à l'habillement, au logement et des outils[...]

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Pour citer cet article

Catherine CLÉMENT, Encyclopædia Universalis, Catherine LABRUSSE-RIOU et Marie-Odile MÉTRAL-STIKER. MARIAGE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Médias

Mariage : empêchements fondés sur la parenté ou l'alliance - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mariage : empêchements fondés sur la parenté ou l'alliance

Le Contrat de mariage, G. Traversi - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Contrat de mariage, G. Traversi

Autres références

  • ACTION RATIONNELLE

    • Écrit par
    • 2 646 mots
    • 1 média
    ...années 1970, à des objets habituellement réservés aux sociologues : le mariage, la déviance, l'éducation, etc. G. Becker développe par exemple une théorie du mariage qui, faisant fi des considérations sociales habituelles, propose d'assimiler le couple à une entreprise. Le mariage peut...
  • CANTIQUE DES CANTIQUES

    • Écrit par
    • 1 834 mots
    Au cours de son existence prélittéraire, le Cantique aurait donc été lié à de grands moments de l'institution domestique, le mariage, dont il faut se rappeler que l'importance et la force tenaient, à cette époque, non pas aux rites religieux, mais à la valeur accordée à l'institution elle-même....
  • CÉLIBAT RELIGIEUX

    • Écrit par et
    • 7 034 mots
    Des dimensions essentielles de l'existence humaine sont en cause dans tout ce qui concerne le mariage, l' affectivité et la sexualité. Les recherches entreprises depuis un siècle par les différentes sciences de l'homme ont révélé combien relatives pouvaient être en ces matières les institutions...
  • COUPLE

    • Écrit par
    • 5 084 mots

    Dans le Code civil français de 1804, le mariage était la seule forme de couple reconnue. Cela exprimait, à l'époque, une conviction politique, que la famille fondée sur le mariage était la meilleure garante du bon ordre social. En conséquence, tant les conditions de formation du mariage que le statut...

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