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MALADIES INFECTIEUSES ÉMERGENTES

Les maladies infectieuses sont causées par des micro-organismes pathogènes (bactéries, virus, parasites et champignons). La description précise des signes cliniques qui distinguent chaque maladie infectieuse, c’est-à-dire sa nosographie, puis l’identification du micro-organisme qui en est responsable ont permis d’établir progressivement un répertoire assez complet de ces affections avant la Seconde Guerre mondiale. L’hygiène, les antibiotiques, les vaccinations les ont fait reculer au cours du xxe siècle, et le paysage des maladies infectieuses avait fini par paraître sous contrôle. Mais, depuis les années 1970, des maladies infectieuses jusque-là inconnues ont fait leur apparition. Sida, Covid-19 et bien d’autres semblent surgir brusquement : ce sont des maladies infectieuses émergentes, appellation qui a heureusement remplacé celle de « maladies nouvelles » au début des années 1990. Elles font désormais régulièrement la une des médias. Parallèlement, des maladies connues auparavant, comme le choléra et la tuberculose, se développent de nouveau, avec souvent des propriétés nouvelles. Toutes ont en commun un caractère de nouveauté.

Mais, surtout, la chaîne d’événements qui permet leur apparition au sein des populations humaines s’ancre invariablement dans la complexité des interactions de l’homme avec son environnement. Compte tenu de leur importance et dans un contexte de risques de dissémination accrus par la mondialisation des échanges, ces maladies infectieuses représentent un véritable défi de santé publique et font l’objet de dispositifs de surveillance aux niveaux nationaux et international afin de repérer une menace le plus en amont possible et de tenter d’y répondre.

Définir les maladies infectieuses émergentes 

Avant l’irruption du sida sur la scène médicale au début des années 1980, le triptyque hygiène-prévention vaccinale-antibiothérapie permettait d’espérer, sinon la fin des « grandes » maladies infectieuses humaines – comme la variole, dont le dernier cas a été diagnostiqué le 26 octobre 1977 –, du moins leur contrôle dans les pays ayant les moyens d’une politique de santé efficace. Certes, bien des maladies restaient endémiques avec des taux de morbidité et de mortalité élevés (le paludisme, les maladies diarrhéiques et la tuberculose notamment). De temps à autre, des microépidémies de maladies exotiques associées à une mortalité effrayante (comme la fièvre de Marburg en 1967 ou encore la fièvre Ebola depuis 1976, toutes deux en Afrique équatoriale) alarmaient l’opinion. Mais le retour à l’état stationnaire sur le front des maladies infectieuses était rapide ; ces poussées restaient locales et les maladies confinées dans la catégorie, rassurante pour l’homme occidental, des « maladies exotiques », auxquelles il risquait peu d’être exposé. La question dominante en santé publique restait la réduction de l’endémicité des maladies connues.

Virus VIH et lymphocyte T4 - crédits : SPL/ AKG-images

Virus VIH et lymphocyte T4

Cette tranquillité apparente est bousculée par la découverte d’une maladie entièrement nouvelle, le sida, caractérisée au plan clinique en juillet 1981 et devenue rapidement pandémique. On ne connaissait rien de tel en médecine humaine, et son agent causal, le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), était inconnu. Avec le sida, la notion d’émergence d’une maladie s’impose en médecine. Le sida et son virus, deviennent alors, sinon un paradigme de maladie émergente chez l’homme, du moins un modèle, formalisé en 2004 par l’épidémiologiste américain Stephen S. Morse dans le cadre de la mise en place des programmes d’avertissement des risques infectieux épidémiques aux échelles nationales et mondiale. Cette même année, l’Office international des épizooties définit les maladies infectieuses émergentes comme « des infections nouvelles, causées par l’évolution ou la modification d’un agent pathogène existant ». Une dimension épidémique est introduite en 2014 dans cette définition.

Celle-ci s’appuie sur l’idée de « nouveauté », notion assez subjective et difficile à introduire dans un discours médical rationnel. D’autant qu’elle n’a en elle-même « rien de nouveau »... L’historien Michael A. Osborne (2000) fait naître la notion de « maladie tropicale » avec la stupéfaction des médecins de l’expédition d’Égypte devant des pathologies insoupçonnées. Toute pathologie n’a-t-elle pas un jour été nouvelle, ne fût-ce que par l’établissement ou l’affinement de sa nosographie ? L’imprécision de la notion impose donc, plus tard, celle de maladie émergente. Force est de constater que le nombre de ces maladies augmente rapidement et le domaine des maladies infectieuses émergentes prend une telle importance que plusieurs journaux scientifiques leur sont désormais entièrement consacrés, comme EmergingInfectiousDiseases ou encore EmergingViruses. Les maladies infectieuses émergentes constituent une spécialité scientifique en soi.

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L’attribution du caractère émergent ou réémergent à une maladie suppose :

– d’avoir défini des associations précises de signes cliniques cernant une entité nosographique (ou couple signes cliniques-agent pathogène) qui n’avait pas été décrite auparavant ;

– d’avoir établi l’épidémiologie de ladite maladie, ses changements de fréquence, sa variation géographique éventuelle et celle de sa dangerosité ;

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– d’avoir identifié l’agent pathogène en cause (virus, microbe, parasite, champignon, voire agent « non conventionnel » comme les prions) et caractérisé la singularité ;

– d’avoir observé une augmentation quantitative significative du nombre de cas en un lieu donné.

Dans la pratique, ces conditions ne sont souvent que partiellement remplies. Par ailleurs, des agents infectieux différents provoquent souvent les mêmes signes cliniques très ordinaires (pneumonies, fièvre, syndrome grippal, troubles articulaires). C’est donc bien la caractérisation de l’agent causal qui atteste vraiment de l’existence d’une maladie « nouvelle ».

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L’extension de la notion d’émergence à des particularités comme l’antibiorésistance ou des variants de pathogénicité accrue ont également profondément complexifié le panorama des maladies émergentes. Enfin, une maladie sera considérée comme « réémergente » si, déjà décrite, elle connaît une augmentation inhabituelle du nombre de cas.

Les maladies émergentes sont ainsi au cœur de l’épidémiologie moderne des infections. La précision accrue des instruments et techniques de laboratoire a joué un rôle important dans ce processus. Ils permettent l’identification d’un agent infectieux en peu de temps, de quelques minutes pour les bandelettes de diagnostic à quelques heures pour un diagnostic moléculaire, même si cet agent pathogène n’est pas encore connu.

Du fait de la rapidité d'extension des risques sanitaires associés aux maladies émergentes, leur épidémiologie exige la transmission en temps réel des informations collectées aux niveaux national, régional et mondial et repose donc sur le développement de moyens informatiques diversifiés, d’observatoires constitués en réseaux. Ces réseaux de vigilance et d’alerte ont montré leur efficacité dans le cas du suivi des grippes humaines et aviaires, et de maladies authentiquement émergentes comme les maladies à coronavirus – SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002, MERS (pour Middle East respiratory syndromecoronavirus) début 2012 et enfin la pandémie de Covid-19, qui a débuté officiellement en Chine en décembre 2019, mais sans doute auparavant. L’information épidémiologique qui circule sur les réseaux d’acquisition et de transmission de données scientifiques et médicales, que nous ne décrirons pas ici, est largement accessible – mais pas toujours totalement, des informations étant parfois retenues par certains États. Il en est de même des caractéristiques moléculaires des agents pathogènes.

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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Médias

Virus VIH et lymphocyte T4 - crédits : SPL/ AKG-images

Virus VIH et lymphocyte T4

Relations de parenté entre virus humains VIH et virus simiens VIS - crédits : Encyclopædia Universalis France

Relations de parenté entre virus humains VIH et virus simiens VIS

Tique en train de se nourrir - crédits : SPL/ AKG-images

Tique en train de se nourrir

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