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MASSIGNON LOUIS (1883-1962)

Compréhension de l'histoire et science de la compassion

Remontant de Ḥallādj à Abraham dans la méditation du prophète mekkois, Massignon reconnaît non seulement des invariants dans la destinée de l'islam, mais une compréhension totale de l' histoire, fixée sur un certain nombre d'« archétypes » (au sens jungien) et vécue par une succession obscure de grands intercesseurs, victimes volontaires de transferts de la douleur et adeptes passionnés de la compassion à l'universel (reprenant l'idée de « substitution » de Huysmans). Dans une convocation apparemment hétérogène et souvent déroutante pour certains de ces témoins, puisqu'elle associe Marie et Fāṭima, Jeanne d'Arc et Marie-Antoinette, Massignon propose du cours de l'histoire un tracé intérieur qui, loin d'enlever tout intérêt politique à ce même cours communément analysé, lui reconnaît au contraire sa portée la plus haute. On voit alors s'y insérer les « grandes amitiés », et les événements contemporains rejoindre des personnages lointains devenus d'autant plus proches qu'ils étaient inconnus ou paraissaient mythiques. C'est le cas non seulement pour Abraham mais pour Gilgamesh, au témoignage de H. Mason, traducteur en anglais de La Passion d'al-Ḥallāj. C'est le cas en Islam pour un Salman Fārīsī, prenant, dans l'entourage du Prophète et dans la succession ininterrompue des témoins, au sein d'un Islam ouvert à l'étranger et promoteur de la justice sociale, une importance qui ne doit pas manquer encore de confondre l'historien habitué à mesurer événements et personnages comme le publicain son numéraire.

Il est bien certain en tout cas que cette vision intériorisante de l'histoire universelle, suivie à la trace dans les âmes « compatientes », explique la prédilection de Massignon à retourner périodiquement sur les lieux où l'histoire de la compassion à l'universel s'est incrustée dans la pierre ou les stigmates (Jérusalem, Qarāfa du Caire, Sept Dormants d'Éphèse et de Bretagne, Domrémy et le Temple, Dülmen et La Salette, bois sacré d'Isé, Mehrauli, etc.).

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Pour citer cet article

Youakim MOUBARAC. MASSIGNON LOUIS (1883-1962) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉCRITS MÉMORABLES (L. Massignon)

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 977 mots

    Louis Massignon (1883-1962), savant et écrivain, chrétien et islamologue, enseignant et homme politique, est une figure célèbre et atypique de l'orientalisme français du xxe siècle.

    Son œuvre abondante, trop souvent réduite à sa thèse magistrale consacrée à La Passion d'al-̣Hallāj...

  • ḤALLĀDJ AL (858 env.-922)

    • Écrit par Georges C. ANAWATI
    • 1 985 mots

    Attachante figure, à la vérité, que celle d'al-Ḥallādj, mystique musulman mort sur un gibet, à Bagdad, pour avoir chanté l'amour de Dieu en des termes que l'islam officiel jugea blasphématoires. Depuis que Massignon lui consacra, en 1922, son livre monumental, sa personne se profile, à...

  • HERMÉTISME

    • Écrit par Sylvain MATTON
    • 4 971 mots
    • 1 média
    ...aux awliyā en général pendant le cycle de la walāyat succédant au cycle de la prophétie législatrice ». En revanche, ainsi que l'a noté Louis Massignon, la thèse hermétique selon laquelle l'essence divine peut, grâce aux prières, être contrainte à s'« infondre » dans une idole ou un saint,...
  • LYRISME

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Jean-Pierre DIÉNY, Jean-Michel MAULPOIX, Vincent MONTEIL, René SIEFFERT
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    ...dû couler ses oppositions de timbres vocaliques (a/â, e/i, o/u) dans le moule sémitique des différences de « quantité » ou de « longueur ». Louis Massignon faisait, en 1950, à propos de Shushtarî, le « Verlaine andalou » enterré à Damiette en 1269, cette observation capitale : « Au lieu que,...
  • ORIENTALISME, art et littérature

    • Écrit par Daniel-Henri PAGEAUX, Christine PELTRE
    • 10 996 mots
    • 8 médias
    En 1922, l'année même où Barrès rédige son Enquête aux pays du Levant, un orientaliste, Louis Massignon, publie sa thèse sur le mystique persan Al-Hallaj. Il fait taire le rêve pour méditer sur des traditions philosophiques séculaires. Avec cette œuvre monumentale et avec cet homme, la page...

Voir aussi