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MASSIGNON LOUIS (1883-1962)

La voie mystique

En dehors du Coran et dans l'ordre du commencement, c'est dans le témoignage des mystiques, et plus spécialement d' al-Ḥallādj, que Massignon aura puisé le plus abondamment à la source sémitique par son orifice arabe. L'importance de son œuvre consacrée au grand mystique « intercis » à Bagdad, en 922, est généralement reconnue comme monographie exhaustive obéissant de manière exemplaire à toutes les normes de l'investigation scientifique. On mesure moins les problèmes qu'elle pose tant aux musulmans qu'aux chrétiens à partir d'une intériorisation scientifique du témoignage en question.

Du point de vue chrétien, les pères Maréchal et de Grandmaison et Jacques Maritain ont contribué à acclimater cette œuvre dans le christianisme contemporain. De la comparaison entre mystique musulmane et mystique chrétienne s'est dégagé d'une manière positive le problème de la grâce mystique hors du christianisme. Mais il ne semble pas que les conséquences en aient été tirées tant pour la théologie des religions non chrétiennes que pour le cas plus particulier de l 'islam, situé dans l'histoire religieuse de l'humanité. À la question qui sera posée ultérieurement par le cardinal Journet : « Qui est membre de l'Église ? » c'est certes à partir du message sacré du Coran et du caractère de son Prophète qu'il faut répondre en ce qui concerne l'islam ; mais c'est encore et surtout à partir de l'émergence de vocations mystiques authentiques qui prétendent (comme d'ailleurs l'a montré le Lexique technique de la mystique musulmane, thèse secondaire de Massignon) dériver en droite ligne du Coran et dépasser les limites assignées par l'exemple du Prophète à l'abord du Dieu vivant, sans sortir de l'orthodoxie coranique.

C'est dire du même coup le problème posé de cette manière aux musulmans. Si la distinction désormais classique entre monisme testimonial et monisme existentiel semble devoir accréditer le premier dans l'orthodoxie sunnite, il n'en reste pas moins que, tant dans les faits que dans la formulation théologique de son expérience religieuse, l'islam est encore loin d'avoir intégré le message et la vie d'un Ḥallādj. Cela n'est d'ailleurs pas étonnant, s'il est vrai que ce message authentifié par le martyre doit en quelque manière porter la foi et la piété de l'islam dans un dépassement analogue à celui du judaïsme par le message et la croix de Jésus de Nazareth.

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Pour citer cet article

Youakim MOUBARAC. MASSIGNON LOUIS (1883-1962) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉCRITS MÉMORABLES (L. Massignon)

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 977 mots

    Louis Massignon (1883-1962), savant et écrivain, chrétien et islamologue, enseignant et homme politique, est une figure célèbre et atypique de l'orientalisme français du xxe siècle.

    Son œuvre abondante, trop souvent réduite à sa thèse magistrale consacrée à La Passion d'al-̣Hallāj...

  • ḤALLĀDJ AL (858 env.-922)

    • Écrit par Georges C. ANAWATI
    • 1 985 mots

    Attachante figure, à la vérité, que celle d'al-Ḥallādj, mystique musulman mort sur un gibet, à Bagdad, pour avoir chanté l'amour de Dieu en des termes que l'islam officiel jugea blasphématoires. Depuis que Massignon lui consacra, en 1922, son livre monumental, sa personne se profile, à...

  • HERMÉTISME

    • Écrit par Sylvain MATTON
    • 4 971 mots
    • 1 média
    ...aux awliyā en général pendant le cycle de la walāyat succédant au cycle de la prophétie législatrice ». En revanche, ainsi que l'a noté Louis Massignon, la thèse hermétique selon laquelle l'essence divine peut, grâce aux prières, être contrainte à s'« infondre » dans une idole ou un saint,...
  • LYRISME

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Jean-Pierre DIÉNY, Jean-Michel MAULPOIX, Vincent MONTEIL, René SIEFFERT
    • 10 725 mots
    • 2 médias
    ...dû couler ses oppositions de timbres vocaliques (a/â, e/i, o/u) dans le moule sémitique des différences de « quantité » ou de « longueur ». Louis Massignon faisait, en 1950, à propos de Shushtarî, le « Verlaine andalou » enterré à Damiette en 1269, cette observation capitale : « Au lieu que,...
  • ORIENTALISME, art et littérature

    • Écrit par Daniel-Henri PAGEAUX, Christine PELTRE
    • 10 996 mots
    • 8 médias
    En 1922, l'année même où Barrès rédige son Enquête aux pays du Levant, un orientaliste, Louis Massignon, publie sa thèse sur le mystique persan Al-Hallaj. Il fait taire le rêve pour méditer sur des traditions philosophiques séculaires. Avec cette œuvre monumentale et avec cet homme, la page...

Voir aussi