Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LISSITZKY ELIEZER dit EL (1890-1941)

Le constructivisme international

Au cours de l'année 1921, alors qu'il enseigne la peinture monumentale et l'architecture aux Vkhoutemas (Ateliers supérieurs d'art et de technique de l'État) de Moscou, l'artiste se rapproche des partisans de la « culture matérielle » tel Vladimir Tatline, qui lui inspire un photomontage représentant l'artiste-ingénieur, Tatline travaillant à son monument (1921-1922, collection Estorick, Londres). Lorsqu'il s'installe à Berlin à la fin de l'année, Lissitzky fonde avec le poète Ilya Ehrenbourg la revue trilingue Viechtch-Gegenstand-Objet, afin de promouvoir une valeur artistique nouvelle : celle de l'« objet », entendu comme une production qui rend obsolète la classification des beaux-arts. En 1922, il participe à l'organisation de la première exposition d'art russe à la galerie Van Diemen de Berlin, puis au congrès constructiviste de Weimar, qui vise à la fédération d'un « constructivisme international » mettant en question la notion individualiste de l'auteur unique. Dans cet esprit, il signe un photogramme, Heliokonstruktion 125 Volt (1923) en collaboration avec Vilmos Huszár, du groupe De Stijl. Lissitzky s'oppose pourtant au machinisme pur : dans le numéro « Nasci » de la revue Merz (le no 8-9, avril-juin 1924) réalisé avec Kurt Schwitters, il soutient une vision organiciste de la forme comme « cristallisation » d'un processus en devenir. Cette position reste liée au suprématisme, qui accorde à la forme une vie autonome. La conception, avec Hans Arp, du livre Die Kunstismen-Les Ismes de l'Art-The Isms of Art (Munich-Leipzig, 1925) est elle-même un hommage au maître : l'histoire synthétique des avant-gardes y est présentée de 1924 à 1914, selon une dynamique antichronologique chère à Malévitch. Avec ses projets scénographiques et ses aménagements d'expositions, enfin, Lissitzky entreprend de reconstruire l'espace perceptif du spectateur. Dans le portfolio Victoire sur le soleil, édité à Hanovre en 1923, il conçoit une mise en scène « électromécanique » de l'opéra cubo-futuriste de 1913 (créé par Malévitch) : sur une plate-forme accessible de toutes parts, une structure de rails métalliques accueille des figurines actionnées, comme le son et la lumière, par un artiste-ingénieur visible du public. Les salles aménagées à l'Exposition internationale de Dresde (1926) et au Musée provincial de Hanovre (1927), pour accueillir l'art abstrait « constructif », présentent des panneaux coulissants et des cimaises couvertes de lattes verticales bichromes qui créent un « dynamisme optique engendré par le déplacement du spectateur » : la surface accueillant les œuvres est alors comme dé-neutralisée, elle permet au visiteur d'agir sur l'accrochage et rend sensible l'unité de l'espace-temps.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, responsable de programmation au musée du Louvre

Classification

Pour citer cet article

Marcella LISTA. LISSITZKY ELIEZER dit EL (1890-1941) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Frappe les Blancs avec le coin rouge</em>, El Lissitzky - crédits : De Agostini Picture Library/ Bridgeman Images

Frappe les Blancs avec le coin rouge, El Lissitzky

Autres références

  • CHAGALL, LISSITZKY, MALÉVITCH. L'AVANT-GARDE RUSSE À VITEBSK 1918-1922 (exposition)

    • Écrit par Elitza DULGUEROVA
    • 1 210 mots
    • 1 média

    Près de quarante ans après l’emblématique Paris-Moscou 1900-1930 (1979), l’exposition Chagall, Lissitzky, Malévitch : l’avant-garde russe à Vitebsk, 1918-1922 (Paris, Musée national d’art moderne – Centre Georges-Pompidou, 18 mars - 16 juillet 2018) adopte un angle d’approche inédit...

  • ABSTRAITS DE HANOVRE

    • Écrit par Isabelle EWIG
    • 2 598 mots
    • 1 média
    ...sur le constructivisme, sans oublier l'intérêt porté aux arts non occidentaux ainsi qu'aux nouvelles technologies (photographie et film). De 1922 à 1924, El Lissitzky disposa au sein même de la Kestner-Gesellschaft d'un atelier et ancra par sa présence un peu plus encore le constructivisme...
  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    Avec Battez les blancs avec le coin rouge (1919),El Lissitzky livre un manifeste visuel qui ouvre la voie aux expérimentations des artistes constructivistes, portés en avant par la révolution d'Octobre. Ceux-ci proclament la mise au service du peuple des recherches artistiques. L'affiche est un formidable...
  • CHEFS-D'ŒUVRE PHOTOGRAPHIQUES DU MOMA. LA COLLECTION THOMAS WALTHER (exposition)

    • Écrit par Armelle CANITROT
    • 1 109 mots
    • 1 média
    ...Ewald Hoinkis piège son reflet et celui de son tripode dans une ampoule électrique (vers 1930). Pour son Autoportrait (le constructeur) [1924], le Russe El Lissitzky élabore une surimpression sophistiquée œil-paume-compas-typographie, véritable manifeste de la mission qu’il assigne au photographe. ...
  • CONSTRUCTIVISME

    • Écrit par Andréi NAKOV
    • 3 373 mots
    • 2 médias
    ...réalise sa première grande construction à Moscou, le Centrosoyouz (1930). En 1921, l'exode des artistes russes commence : Kandinsky, Gabo, Pevsner, El Lissitzky et Malevitch trouvent en Allemagne un terrain propice à leurs idées. Les expositions berlinoises de 1922, 1923 et 1927 font connaître aux artistes...
  • Afficher les 12 références

Voir aussi