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CURIE LES

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Dans l'histoire de la radioactivité, depuis sa découverte et pendant les soixante années qui suivirent, le nom des Curie s'inscrit au premier plan. Les plus éminents représentants de cette famille de savants français ont été Pierre Curie (1859-1906), sa femme Marie Curie née Sklodowska (1867-1934), leur fille Irène (1897-1956) devenue en 1926 la femme de Frédéric Joliot (1900-1958).

Marie et Pierre Curie - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Marie et Pierre Curie

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Pierre et Marie Curie partagèrent le prix Nobel de physique en 1903 avec Henri Becquerel, et Pierre Curie fut nommé professeur à la Sorbonne. Marie Curie obtint, en 1911, le prix Nobel de chimie.

Parmi les savants contemporains, c'est probablement elle qui a été, de son vivant, la personnalité la plus célèbre dans toutes les classes sociales de tous les pays du monde. Elle reçut une vingtaine de distinctions honorifiques du plus haut niveau et fut nommée membre de nombreuses académies étrangères, docteur honoris causa des plus grandes universités, citoyen d'honneur de plusieurs villes.

Marie Curie (1867-1934) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Marie Curie (1867-1934)

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En 1921, aux États-Unis, un groupe de femmes réunit les fonds nécessaires à l'achat d'un gramme de radium et invita Marie Curie pour le lui remettre. Marie Curie, accompagnée de ses deux filles, reçut un accueil triomphal du gouvernement, des grandes sociétés scientifiques et des universités américaines.

La découverte de la radioactivité a apporté d'immenses moyens d'étude de la constitution de l'atome et du noyau atomique. Elle a trouvé des applications en chimie, en biologie et en thérapeutique. La curiethérapie est venue compléter les moyens de lutte contre le cancer déjà mis en œuvre : chirurgie et rayons X. En 1921, la Fondation Curie fut créée pour adjoindre des services thérapeutiques à l'Institut du radium. Irène Curie travaillait depuis longtemps dans le laboratoire de sa mère quand elle épousa, en 1926, Frédéric Joliot.

Dans le laboratoire de Marie Curie, et peu de temps avant sa mort, en 1934, Irène et Frédéric Joliot-Curie découvrirent la radioactivité artificielle dont les développements et les applications seront sans bornes.

Les époux Joliot-Curie - crédits : Fox Photos/ Getty Images

Les époux Joliot-Curie

Irène et Frédéric Joliot-Curie reçurent, en 1935, le prix Nobel de chimie, et c'est au moment où leurs laboratoires de l'Institut du radium et du Collège de France, puis ceux du Commissariat à l'énergie atomique, avaient pris une extension considérable qu'une mort prématurée est venue mettre un terme à leur œuvre.

Découverte de la radioactivité

Marie Curie a donné le nom de radioactivité à la propriété que possèdent certains éléments de se transformer spontanément en émettant de l'énergie. Ce phénomène avait été découvert, en 1896, par Henri Becquerel avec l'uranium. En 1898, Pierre et Marie Curie réussirent à extraire de minerais d'uranium deux éléments beaucoup plus actifs que celui-ci : le polonium et le radium.

Travaux préliminaires

Henri Becquerel avait observé que certains minerais contenant de l'uranium avaient la propriété d'émettre un rayonnement doué de caractères communs avec les rayons X, qui venaient d'être découverts par Rœntgen. Il s'était limité à prouver que les rayons uraniques n'étaient pas la conséquence d'une excitation due à une cause extérieure et à mettre en évidence quelques-unes de leurs propriétés : noircissement des plaques photographiques, décharge d'un électroscope (ionisation de l'air).

À cette époque, Pierre Curie avait déjà acquis une haute réputation par ses travaux sur la physique des cristaux et le magnétisme. Son nom reste attaché au point de Curie, température à laquelle les corps ferromagnétiques deviennent paramagnétiques. Il avait épousé, en 1895, Marie Sklodowska, qui, après avoir commencé ses études en Pologne, les avait poursuivies, depuis 1891, à la Sorbonne. Elle avait entrepris des recherches de chimie et devait bientôt avoir à choisir un sujet pour sa thèse de doctorat ès sciences. Elle aborda alors l'étude des rayons uraniques.

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Les travaux antérieurs de Pierre Curie ne sont pas étrangers à ce choix. Il a, en effet, découvert la piézo-électricité en 1880, et en a imaginé l'application à la mesure de très faibles quantités d'électricité. Avec son frère Jacques, il a mis au point le matériel nécessaire à cette mesure et à son application aux courants d'ionisation (qui peuvent traverser les gaz soumis à un flux de rayons X ou de rayons uraniques) : l'électromètre à quadrants et la chambre d'ionisation. Il a pressenti, en effet, que le rayonnement nouveau doit être analysé et mesuré avec précision si l'on veut identifier le phénomène qui lui donne naissance.

C'est armée de ce matériel remarquable, qui sera utilisé tel quel pendant cinquante ans, que Marie Curie entreprend ses recherches. Grâce à lui, elle progressera très rapidement dans cette voie. Il lui suffit en effet d'une année pour passer du phénomène brut – observation de rayons émis par l'uranium et par le thorium – à la séparation du premier élément radioactif, le polonium, en juillet 1898, suivie de celle du radium à la fin de la même année.

La découverte du polonium et du radium

La méthode est très simple dans son principe : essayer d'abord de déceler un rayonnement à partir de nombreux minerais. Seuls les minerais d'uranium et de thorium possèdent la propriété d'émettre spontanément des rayons. Mais des résidus de pechblende, d'où l'uranium a été extrait industriellement, sont plus actifs que le minerai d'uranium. Il faut donc entreprendre de séparer chimiquement différents constituants du minerai et rechercher, dans les fractions obtenues, celle qui est la plus radioactive. Il faut ensuite reprendre cette fraction et la traiter à nouveau.

Il s'avère bientôt que le travail sera épuisant, car les constituants les plus actifs n'existent, dans les minerais, qu'en quantités infimes, que seul leur rayonnement permet de suivre. De plus, les moyens chimiques atteignent vite leurs limites et il faut bientôt recourir aux précipitations fractionnées pour faire de nouveaux progrès.

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Cette méthode a été d'un emploi général dans tous les travaux qui ont conduit à l'identification de radioéléments, associée parfois à l'électrolyse ou à la vaporisation.

À cette époque, l'identification d'un élément nouveau (de nombreux éléments rares avaient été découverts au cours du siècle) exigeait d'abord l'observation de raies nouvelles dans les spectres optiques. Mais ces spectres sont très complexes, et la répartition des raies n'y est pas, à première vue, systématique. Ce n'est que beaucoup plus tard que les raies optiques ont été classées et que les spectres de rayons X, dont l'aspect est plus simple, ont permis une identification facile des éléments où ils ont pris naissance. L'apparition de raies nouvelles signalait donc la présence d'un élément inconnu, sans apporter aucun renseignement sur ses caractéristiques.

Les chimistes s'attachaient alors à purifier l'élément découvert, ou un de ses composés, et s'efforçaient de déterminer sa masse atomique. Cela nécessitait la préparation d'une quantité pondérable de matière pure, et c'est cette préoccupation qui a conduit Pierre et Marie Curie, au prix d'un travail exécuté dans des conditions misérables, à préparer une quantité suffisante de chlorure de radium. Une tonne de résidus de pechblende, offerte par le gouvernement autrichien, permit à Marie Curie de préparer quelques décigrammes de radium. Demarçay réussit à en faire le spectre d'étincelle, et Marie Curie attribua au radium, en 1902, une masse atomique de 225 à une unité près. La valeur définitivement admise est 226. Un inconfortable hangar de l'École de physique et chimie de Paris a été le cadre, devenu légendaire, de cette recherche.

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L'émission du rayonnement radioactif présentait un aspect mystérieux par la contradiction qu'il apportait au principe de Carnot. De l'énergie apparaissait dont l'origine était inconnue, d'où la première hypothèse formulée, celle de la transformation dans l'uranium d'un rayonnement non décelable provenant de l'espace. Cette hypothèse fut vite abandonnée et remplacée par celle, qui fut géniale, mais que le monde scientifique n'accepta pas tout de suite, d'une propriété nouvelle des atomes radioactifs.

Toute la carrière de Pierre Curie s'était déroulée jusque-là dans des travaux de haute précision ; aux principes fondamentaux de la physique, celui de Carnot en particulier, il en avait ajouté de nouveaux, concernant la symétrie. Il était donc essentiel, pour lui, d'éliminer toutes les causes extérieures qui auraient pu apporter au radioélément l'énergie qu'il émettait sous forme de rayonnement et de chaleur avant d'oser affirmer que cette énergie provenait de l'atome radioactif.

Toutes ces preuves étant enfin réunies, Marie Curie soutint sa thèse de doctorat en 1903, et l'Académie suédoise des sciences attribua le prix Nobel de physique conjointement à Henri Becquerel et à Pierre et Marie Curie ; une chaire à la Sorbonne fut créée pour Pierre Curie en 1903 ; après sa mort accidentelle, en 1906, sa femme lui succéda. Pierre Curie avait été élu à l'Académie des sciences en 1905. Marie Curie n'y fut pas admise : une majorité s'était opposée à l'élection d'une femme et lui préféra, en 1911, Édouard Branly. Peu après, Marie Curie reçut le prix Nobel de chimie, et c'est près de cinquante ans plus tard que son élève, Marguerite Perey, fut la première femme élue à l'Académie des sciences (en qualité de membre correspondant).

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Écrit par

  • : docteur ès sciences, lauréat de l'Institut, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.

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Marie et Pierre Curie - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Marie et Pierre Curie

Marie Curie (1867-1934) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Marie Curie (1867-1934)

Les époux Joliot-Curie - crédits : Fox Photos/ Getty Images

Les époux Joliot-Curie

Autres références

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