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LEE HELTON JACKSON dit SPIKE (1957- )

Du communautarisme à l'ouverture sociopolitique

On peut affirmer que Malcolm X (1992) est un film d'approfondissement thématique et non de rupture : les divers éléments présents dans les premiers travaux du cinéaste s'y retrouvent dialectisés. Dès la fin des années 1960, Hollywood veut adapter à l'écran l'autobiographie de Malcolm X, parue en 1966. Spike Lee bataille des années afin d'hériter du projet. Dès l'ouverture de cette superproduction, sur un gros plan du drapeau américain, on connaît les buts de l'auteur : Malcolm X deviendra une grande personnalité américaine, comme Kennedy. C'est le premier biopic consacré à une personnalité afro-américaine et réalisée par un cinéaste de couleur. Denzel Washington tient le rôle de Malcolm X.

Le film obéit à deux impératifs : montrer le sort désastreux des Afro-Américains dans les années 1950 et 1960, et faire de ce personnage, des années 1940 jusqu'à son assassinat en 1965, une figure emblématique de la scène politique américaine. Malcolm Little devient Malcolm X, car il a une identité à conquérir. Il adhère au groupe nationaliste radical Nation of Islam qui utilise cette religion pour contrer les valeurs de l'Amérique blanche et chrétienne. Malcolm X n'est pas vraiment un film politique, plutôt une œuvre mythologique où le héros suit, comme toute autre figure sainte, un martyrologe qui le conduit à la prise de conscience. C'est néanmoins un grand film, même s'il n'illustre pas totalement la pensée du leader. Spike Lee ne retient que le combat contre le racisme du jeune militant, sans prendre en compte la convergence de sa pensée, au début des années 1960, avec celle des idéologues tiers-mondistes ni son soutien aux pays en voie de décolonisation.

Le succès de Malcolm X installe Spike Lee au premier rang des cinéastes américains. La suite de sa carrière est beaucoup plus dispersée. Il revient régulièrement à des sujets à coloration communautariste – Get on the Bus (1996), The Very Black Show, The Original Kings of Comedy (2000, documentaire sur des chansonniers afro-américains), Miracleà Santa Anna (2008, sur le sort d’un bataillon noir envoyé en 1944 en Toscane pour libérer la région) – mais s'intéresse aussi à New York et à ses mythologies urbaines.

Dans Summer of Sam, il scrute le quotidien d'un groupe d'Italo-Américains décimés par un serial killer. En 2002, il réalise un de ses meilleurs films, La 25e Heure, dont le personnage central est un petit trafiquant de drogue blanc. Le film, inscrit charnellement dans le New York blessé de l'après-11 septembre 2001, décrit les vingt-quatre dernières heures de liberté d'un garçon délicat, très angoissé à l'idée de passer sept ans en prison. Les thèmes propres au cinéaste sont au rendez-vous dans ces deux films : peinture d'un petit groupe, omniprésence de la ville, tensions relationnelles entre protagonistes. Summer of Sam montre également l’intérêt que Lee porte au cinéma de « genre », intérêt qu’il confirmera en tournant un film policier (Inside Man, 2006), un thriller (Oldboy, 2013, remake du film sud-coréen au titre homonyme de Park Chan-wook), un film d’épouvante (DaSweet Blood of Jesus, 2014, actualisation d’un célèbre film fantastique afro-américain de 1973, Ganja & Hess, de Bill Gunn).

Fan de basket et de sport en général, Lee réalise He Got Game (1998), parabole autour des rapports père-fils : un homme emprisonné pour le meurtre de sa femme doit convaincre son rejeton d'intégrer l'équipe de basket de l'université d'État pour voir sa peine atténuée. Denzel Washington, vedette de ce film, interprète aussi le rôle du policier têtu d'Inside Man. Avec le documentaire Mike Tyson : Undisputed Truth (2013), le cinéaste laisse le boxeur déchu et contesté[...]

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Pour citer cet article

Raphaël BASSAN. LEE HELTON JACKSON dit SPIKE (1957- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 6 876 mots
    • 3 médias
    Artiste et fer de lance de la période, Spike Lee est un auteur complet qui crée un univers personnel, dès son premier long-métrage Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, qui porte les aspirations de sa communauté tout en synthétisant son potentiel expressif mis au service d’une volonté créatrice...
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...Miller'sCrossing, 1990 ; Barton Fink, 1991 ; The Big Lebowski, 1998 ; O Brother, 2000), Michael Mann, né en 1943 (Heat, 1995 ; Collateral, 2004), Spike Lee, né en 1957 (Malcolm X, 1992), Quentin Tarantino, né en 1963 (ReservoirDogs, 1992 ; Pulp Fiction, 1994 ; Jackie Brown, 1997), et David...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma

    • Écrit par Geneviève FABRE, Liliane KERJAN, Joël MAGNY
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    ...Leacock, Frederic Wiseman) ou militant (Emile De Antonio, Barbara Kopple), ne s'est pas vraiment concrétisé, sinon par l'émergence d'un cinéma noir dont Spike Lee est le représentant le plus original et le plus connu en Europe (Do the Right Thing, 1989 ; Malcolm X, 1992 ; Girl 6, 1996 ; The Very Black...
  • RAP, musique

    • Écrit par Olivier CACHIN
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    ...l’origine de Jazzmatazz, on trouve le morceau de Gang Starr « Jazz Thing » (composé en collaboration avec Branford Marsalis), inclus en 1990 par Spike Lee sur la bande originale de son film Mo’ Better Blues. Plusieurs autres volumes de Jazzmatazz suivront le premier, sorti en 1993. Des artistes...

Voir aussi