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L'ESSENCE DU CHRISTIANISME, Ludwig Feuerbach Fiche de lecture

Plus connue, notamment à cause des critiques que lui adresse Marx dans ses Thèses sur Feuerbach (1845), que véritablement lue, L'Essence du christianisme marque un jalon important, tant théologiquement que philosophiquement, dans l'élaboration d'une anthropologie qui voit le jour au xixe siècle dans la postérité de Hegel. Contrairement aux réductions de Dieu et de la religion opérées par certains représentants des Lumières, Ludwig Feuerbach (1804-1872) cherche à comprendre le sens du phénomène religieux. L'athéisme est un humanisme. Plus exactement, le véritable humanisme se fonde sur la réappropriation de ce que l'homme avait imaginairement projeté en Dieu. La philosophie est une théologie déguisée. L'absolu n'est rien d'autre que l'homme, et ce dernier ne pourra trouver son salut que s'il consent à faire de lui-même l'idéal qu'il cherche.

L'essence de la religion

« La conscience de Dieu est la conscience de soi de l'homme, la connaissance de Dieu est la connaissance de soi de l'homme. À partir de son Dieu tu connais l'homme, et inversement à partir de l'homme, son Dieu : les deux ne font qu'un. » Telle est « l'essence de la religion en général ». Ce postulat va guider les recherches de Feuerbach qui radicalise dans un sens humaniste les thèses de Hegel au point de faire de l'Absolu l'humanité elle-même (ce qui lui vaudra les sévères remontrances de Max Stirner dans L'Unique et sa propriété, en 1845). Connaissance, volonté, amour constituent les prédicats de l'homme, que, incapable de les réaliser par lui-même, il va projeter hors de lui dans un être supérieur qu'il appelle Dieu. Ce processus, qui consiste à expulser sa propre essence irréalisable dans le monde fini, constitue au sens propre l'aliénation. Celle-ci n'est pas seulement imputable au christianisme ou à la religion en général, mais aussi à la spéculation – terme sous lequel Feuerbach englobe aussi bien Jakob Boehme, Schelling que Hegel. C'est bien entendu ce dernier qui est tout particulièrement visé : Feuerbach lui reproche d'opérer une identification abusive entre philosophie et théologie. La spéculation hégélienne « n'est que le développement conséquent, l'accomplissement d'une vérité religieuse. » C'est donc le sol même de la philosophie dans son versant spéculatif qui doit être modifié. C'est du niveau sensible le plus matériel qu'il faut partir, et l'aliénation apparaîtra alors non comme enrichissement mais comme appauvrissement.

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Pour citer cet article

Francis WYBRANDS. L'ESSENCE DU CHRISTIANISME, Ludwig Feuerbach - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    C'est sur cet arrière-plan qu'il faut disposer les deux grands apports de Feuerbach et du jeune Marx. Dans l'Essence du christianisme, Feuerbach ramène la distinction entre ce qui est divin et ce qui est humain à la distinction entre l'essence de l'humanité et l'individu ; les déterminations...

Voir aussi