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KHĀRIDJISME

Les khāridjites (en arabe khawāridj) sont les adeptes d'une secte musulmane qui remonte aux origines de l' islam et qui a joué un grand rôle d'opposition sous les califes umayyades de Damas ; leur zèle s'est manifesté, sous des formes déjà moins violentes, pendant l'époque ‘abbāside, surtout en Afrique du Nord. Ils furent progressivement réduits et maîtrisés, et ils ne forment plus aujourd'hui que des communautés disséminées au milieu des pays sunnites, mais jalouses de leur originalité. Néanmoins, tout au long de l'histoire du monde musulman, le khāridjisme n'a cessé de jouer un rôle : il a survécu, en dehors de son existence de secte, sous la forme d'une mentalité et d'un idéal. C'est souvent en se réclamant de lui que des populations se sont révoltées contre un pouvoir officiel qui les opprimait ; ce fut le cas au Maghreb, où le nationalisme berbère trouva un appui dans le khāridjisme. Plus encore, ce même esprit anima des mouvements qui n'étaient pas explicitement khāridjites ; tel est le cas des manifestations du mahdisme d'Afrique blanche et noire (en particulier du Soudan). Ce rapprochement se justifie alors surtout du point de vue de l'idéal et des méthodes de l'action. D'ailleurs le khāridjisme est essentiellement une doctrine d'action, du moins à l'origine.

Les origines

La naissance du khāridjisme remonte aux conflits d'ambitions qui éclatèrent dans la communauté musulmane dès la mort du Prophète. Le gendre de celui-ci, ‘Alī, avait été écarté, et, de ce fait, la thèse d'une succession fondée sur les liens du sang avait été rejetée. Les différentes improvisations qui présidèrent au choix des quatre premiers califes permirent de dégager le principe d'une désignation de type électif dont les modalités ont beaucoup varié dans la pratique quant au nombre et à la qualité des « électeurs » ; ceux-ci finirent par se réduire au seul calife régnant qui choisissait son successeur. Mais le nouveau Commandeur des croyants devait recevoir l'hommage (bay‘a) plus ou moins fictif de la communauté musulmane, limitée bien vite aux habitants de la capitale califienne. Un autre principe de sélection avait été admis comme essentiel : le calife devait appartenir à la tribu de Quraysh, celle de Muḥammad.

‘Alī fut le quatrième calife désigné selon ce système. Les circonstances étaient difficiles ; ses nombreux ennemis l'accusaient d'avoir pris part au complot qui avait abouti à l'assassinat de son prédécesseur ‘Uthmān, dont un parent, un Umayyade, le riche et puissant gouverneur de Syrie Mu‘āwiya, se dressa pour réclamer vengeance. La révolte éclata. Après la bataille de Siffīn, un groupe de musulmans qui avait suivi ‘Alī commença a critiquer une guerre qui opposait les croyants entre eux. Habilement, Mu‘āwiya fit admettre le principe d'un arbitrage qu'il sut organiser, en profitant des oppositions apparues dans le camp adverse (celles des « premiers » khāridjites), de façon à s'assurer l'avantage.

C'est alors que ces pré-khāridjites, mécontents du résultat de l'arbitrage, refusèrent de se rallier à Mu‘āwiya qui les avait manœuvrés, tout en continuant à critiquer ‘Alī et à le rendre responsable de ce qui s'était passé. La secte proprement dite des khawāridj est née de cette double attitude dirigée à la fois contre les deux partenaires. On a donné de ce nom diverses interprétations. Comme le verbe kharadja signifie « sortir », on a vu dans les khawārij des combattants qui « sortirent » des rangs de l'armée de ‘Alī, ou encore qui sortirent de Kūfa pour se retirer à Nahrawān où éclata la rébellion. Mais comme kharadja ‘ala veut dire « se révolter contre », les khāridjites pourraient bien être tout simplement « les[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Roger ARNALDEZ. KHĀRIDJISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...ceux-ci. Les Berbères s'opposèrent à cette domination étrangère, et recoururent notamment à la protestation religieuse. Ils se jetèrent d'abord dans le kharijisme, hérésie musulmane à tendance puritaine et égalitariste qui prétendait faire désigner par le peuple le chef de la Communauté islamique. Les...
  • ‘ALĪ IBN ABĪ ṬĀLIB (600 env.-661)

    • Écrit par Georges BOHAS
    • 664 mots

    Cousin de Muḥammad, et l'un des premiers convertis à l'islam. En 623 (ou 624), ‘Alī épouse Fāṭima, fille du Prophète et de sa première épouse, Khadīdja. À la mort du Prophète, en 632, il ne lui succède pas à la tête de la communauté : ce n'est qu'en 656 qu'il sera élu calife. La légende et...

  • CORAN (AL-QURĀN)

    • Écrit par Régis BLACHÈRE, Claude GILLIOT
    • 13 315 mots
    • 1 média
    ...décrit sous le nom de maǧāz semblent couvrir toute violation du caractère spéculaire du langage. Si déjà ses contemporains critiquaient cet exégète kharijite, c'est à cause du danger d'« erreur » qui ne peut être totalement éliminé d'une telle opération de décodage de la langue coranique. Pourtant,...
  • IBADITES ou IBĀDIYYA

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 341 mots

    Importante branche des khawāridj ou kharidjites, la secte des ibādiyya, ou ibadites, existe toujours dans le sultanat d'Oman et en Afrique du Nord (à Ojerba en Tunisie, dans le M'zab en Algérie et dans le djebel Nefusa en Libye). La tradition veut que cette branche se soit séparée des...

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Voir aussi