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KHĀRIDJISME

Les doctrines politiques

Le reproche adressé à ‘Alī était d'avoir accepté l'arbitrage. Si la désignation régulière d'un calife et l'hommage qu'il reçoit ne sont que la manifestation extérieure du choix de Dieu, celui qui est investi d'une telle charge n'a pas le droit de la laisser remettre en question en la soumettant à des arbitres humains (ce qui d'ailleurs rappelait trop les coutumes des tribus antéislamiques). Il perd, ce faisant, sa qualité de calife parce qu'il ne respecte pas l'ordre divin. La formule des khāridjites était : « L'arbitrage n'appartient qu'à Dieu. » Devant le Livre de Dieu, tous les hommes sont égaux, même l'imām (ou calife), contre qui on doit se révolter jusqu'à le mettre à mort s'il contrevient aux commandements de Dieu et à la sunna du Prophète. Ainsi les khāridjites s'élevaient-ils contre les privilèges mondains de l'aristocratie qurayshite, qui allaient s'accentuer encore avec Mu‘āwiya et les califes umayyades. La secte a répandu par les armes et la terreur ses idées égalitaires et « démocratiques ». Le calife peut être pris en dehors de Quraysh : tout croyant pieux qui pratique la justice et ne fait de tort à personne, fût-il un esclave noir, peut-être porté à cette charge ; il la conserve aussi longtemps qu'il reste fidèle. Mais il n'est pas nécessaire, contrairement à ce qu'affirme la doctrine sunnite, que la communauté ait un calife : elle n'en désigne un que si elle le juge utile et si elle trouve l'homme qui convient. C'est la communauté tout entière qui doit élire le calife par un choix parfaitement libre.

Le rigorisme moral et religieux qui se dégage de ces principes, et qui devait régenter la société et la vie politique, explique pourquoi on a appelé les khāridjites les « puritains de l'Islam ». Néanmoins leurs motivations n'étaient pas aussi pures qu'ils l'affirmaient : il semble qu'ils se soient d'abord recrutés parmi les croyants qui, n'étant ni Qurayshites ni alliés au Prophète, se voyaient exclus du califat, et même écartés de tout pouvoir, pour peu que le calife succombât à l'esprit de caste ('aṣabiyya).

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Roger ARNALDEZ. KHĀRIDJISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...ceux-ci. Les Berbères s'opposèrent à cette domination étrangère, et recoururent notamment à la protestation religieuse. Ils se jetèrent d'abord dans le kharijisme, hérésie musulmane à tendance puritaine et égalitariste qui prétendait faire désigner par le peuple le chef de la Communauté islamique. Les...
  • ‘ALĪ IBN ABĪ ṬĀLIB (600 env.-661)

    • Écrit par Georges BOHAS
    • 664 mots

    Cousin de Muḥammad, et l'un des premiers convertis à l'islam. En 623 (ou 624), ‘Alī épouse Fāṭima, fille du Prophète et de sa première épouse, Khadīdja. À la mort du Prophète, en 632, il ne lui succède pas à la tête de la communauté : ce n'est qu'en 656 qu'il sera élu calife. La légende et...

  • CORAN (AL-QURĀN)

    • Écrit par Régis BLACHÈRE, Claude GILLIOT
    • 13 315 mots
    • 1 média
    ...décrit sous le nom de maǧāz semblent couvrir toute violation du caractère spéculaire du langage. Si déjà ses contemporains critiquaient cet exégète kharijite, c'est à cause du danger d'« erreur » qui ne peut être totalement éliminé d'une telle opération de décodage de la langue coranique. Pourtant,...
  • IBADITES ou IBĀDIYYA

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 341 mots

    Importante branche des khawāridj ou kharidjites, la secte des ibādiyya, ou ibadites, existe toujours dans le sultanat d'Oman et en Afrique du Nord (à Ojerba en Tunisie, dans le M'zab en Algérie et dans le djebel Nefusa en Libye). La tradition veut que cette branche se soit séparée des...

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Voir aussi