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ROYCE JOSIAH (1855-1916)

S'inscrivant, avec Francis Herbert Bradley et Bernard Bosanquet dans la ligne de l'« idéalisme » hégélien — étiquette que les intéressés récusent néanmoins —, Josiah Royce reprend, pour l'essentiel de son apport philosophique, le problème que posait le premier de ces trois penseurs anglo-saxons au sujet du rapport de l'individu avec l'absolu. Tandis que, pour Bradley, nous sommes en contact avec la vie indivise de celui-ci, qui est faite de la diversité des phénomènes transmués en modes éternels, Royce, qui devait avoir par là une grande influence sur la pensée américaine, tenta de trouver un fondement rationnel à l'activité intellectuelle, morale et religieuse de l'individu.

Né en Californie, où il fit d'abord des études de géologie, il acheva sa formation philosophique en Allemagne, à Göttingen, où dominait alors l'influence de l'idéalisme théologique de Rudolf Lotze. Puis il revint aux États-Unis pour suivre les leçons de William James et de Charles Sanders Peirce à l'université Johns-Hopkins de Baltimore. En 1852, il suivit le premier, ainsi que George Santayana, à l'université Harvard de Cambridge (Mass.), où il fit toute sa carrière d'enseignant. Il publia notamment The Religious Aspect of Philosophy (1885), The Spirit of Modern Philosophy (1892), The Conception of God (1897), Studies of Good and Evil (1898), The World and the Individual (Gifford Lectures, t. I et II, 1900 et 1902), The Philosophy of Loyalty (1908, trad. franç. J. Morot-Sir, Philosophie du loyalisme, Aubier, Paris, 1946), Lectures on Modern Idealism (1919). En France, Gabriel Marcel s'est particulièrement intéressé à ce penseur (La Métaphysique de Royce, Aubier, 1945) et Jean Wahl a étudié à plusieurs reprises le néo-hégélianisme anglais auquel il se rattache, par exemple en 1920 déjà, avec une de ses thèses de doctorat, Les Philosophies pluralistes d'Angleterre et d'Amérique.

Rejetant naturellement le matérialisme, Josiah Royce s'opposait donc aussi à la philosophie de l'absolu selon Bradley, même s'il suivait ce dernier dans son souci de réduire, à propos du problème de la vérité, l'externe à l'interne. Mais, pour lui, le sens interne d'un jugement procède de son contenu intellectuel traduit en action et l'idée n'a de valeur pratique que si elle est parfaitement individualisée et aussi peu générale que possible. En dépit de cette forme de personnalisme et de pragmatisme, Royce, qui définissait la Phénoménologie de l'esprit de Hegel comme une autobiographie de l'esprit du monde et la comparait aux romans de Goethe tels que les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, reste fidèle aux principes de l'idéalisme et à une conception moniste de la pensée : celle-ci est non dans l'image de l'objet (qui lui demeurerait alors extérieur), mais dans le jugement, lequel implique l'existence d'une pensée plus parfaite que la nôtre possédant l'objet et nous mettant à l'abri du doute, d'un moi absolu incluant toute pensée et tout objet. Ainsi Royce prétend-il concilier son sens du concret individuel avec une théorie de l'universel concret, conformément à cette idée qui est propre à la pensée religieuse américaine et selon laquelle le monde où « l'homme libre se tient et avance est le monde de Dieu, tout en étant le sien ».

— Charles BALADIER

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Écrit par

  • : éditeur en philosophie, histoire des religions, sciences humaines; ancien élève titulaire de l'École pratique des hautes études

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Charles BALADIER. ROYCE JOSIAH (1855-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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