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FRAZER JAMES GEORGE (1854-1941)

L'époque est venue de donner à l'œuvre de James George Frazer sa juste place. La gloire qui fut la sienne de son vivant précéda un discrédit excessif partagé par les anthropologues des générations suivantes. Si, en effet, les théories sur lesquelles Frazer s'appuie, en particulier l'évolutionnisme, ne sont plus recevables, il faut reconnaître à son œuvre un premier mérite : c'est d'avoir donné à l'anthropologie, qui était une discipline encore jeune, statut et notoriété. Le Rameau d'or révéla à une audience de non-spécialistes l'univers étrange et captivant des mythes, des rites et des croyances, écartés, voire refoulés, par la culture occidentale imbue de rationalisme. L'apport de Frazer ne se réduit pas à cet avènement. Il introduit un certain nombre d'outils conceptuels dont la récurrence dans maintes cultures avalise l'utilité : le roi divin, le dieu qui meurt, le transfert du mal, entre ciel et terre. Mais c'est probablement la double notion de magie homéopathique et contagieuse, fondée sur l'association des idées, respectivement par similitude et par contagion, qui constitue l'apport le plus important de Frazer à l'ensemble des sciences humaines. Le linguiste Roman Jakobson a retrouvé le même type d'opposition dans le langage et, en général, dans tous les processus symboliques (métaphore et métonymie). Il propose de l'étendre également aux lois de la formation du rêve découvertes par Freud (déplacement et condensation, d'une part, identification et symbolisme, de l'autre). C'est dire l'intérêt de ces deux notions, que n'ont pas ignorées des chercheurs aussi différents que Ludwig Wittgenstein ou René Thom.

De Platon à l'anthropologie sociale

James George Frazer naquit le 1er janvier 1854 à Glasgow. Sa famille, aussi bien paternelle que maternelle, était de souche écossaise et appartenait à la bourgeoisie aisée. Son père était animé d'une foi religieuse profonde et authentique : la jeunesse de James George fut rythmée par les prières quotidiennes, des lectures de la Bible, l'assistance aux offices. Il entra à l'université de Glasgow en 1869, où il se révéla comme un brillant humaniste vivement intéressé par les études grecques et latines. En 1874, ayant choisi d'aller à l'université de Cambridge, il obtient son admission à Trinity College. Pour satisfaire au désir de son père soucieux d'une carrière, il fit du droit, mais ne devait jamais exercer aucune profession juridique. Il devient fellow de Trinity College en 1879 en soutenant une thèse sur Platon. La ville de Cambridge, à laquelle son nom reste attaché, ne lui offrit jamais de chaire.

Il était encore à Glasgow lorsqu'il découvrit avec enthousiasme l' anthropologie par l'intermédiaire du livre d'Edward Burnett Tylor, Primitive Culture, qui parut en 1871. Une autre impulsion décisive lui fut donnée par William Robertson Smith, spécialiste des religions des peuples sémitiques, avec qui il noua des liens d'amitié. Frazer tient de lui l'idée que les religions ne sont pas à considérer comme des systèmes vrais ou faux, mais comme des phénomènes qui relèvent de l'histoire de l'humanité. Cette idée avait d'ailleurs valu à W. R. Smith son expulsion de la Free Church d'Aberdeen pour cause d'hérésie. C'est aussi à son instigation que Frazer commença son étude systématique des coutumes et croyances primitives. W. R. Smith lui avait, en effet, demandé d'écrire les articles « Tabu » et « Totemism » de la neuvième édition de l'Encyclopædia Britannica (1888). L'article « Totemism » constitue l'embryon des quatre gros volumes de Totemism and Exogamy publiés par Frazer en 1910, mais aussi le point de départ d'une existence vouée totalement[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Nicole BELMONT. FRAZER JAMES GEORGE (1854-1941) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER, Christian GHASARIAN
    • 16 158 mots
    • 1 média
    ...ses analyses de la religion et des mythes, dès lors perçus comme des restes de l'état sauvage (Primitive Culture, 1874). Et à sa suite, sir James G. Frazer entreprenait une importante étude comparative des croyances et des rites relevés dans des champs culturels extrêmement divers. Dans son Rameau...
  • COUVADE

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 962 mots

    Rochefort, un observateur français des indigènes caraïbes des Antilles, baptisa « couvade », au xviie siècle, un ensemble de rites accomplis par le mari pendant la grossesse, l'accouchement de l'épouse et la période post-natale. « Au même temps que la femme est délivrée, note Rochefort,...

  • ETHNOCENTRISME

    • Écrit par Yves SUAUDEAU
    • 1 746 mots
    ...d'intellection produites dans la culture du locuteur. Dans ses Remarques sur « Le Rameau d'or », Wittgenstein dénonce l'ethnocentrisme de Frazer : l'ethnologue britannique se proposait dans son ouvrage d'« expliquer les usages primitifs », présentait les pratiques étranges, « au bout du...
  • FEU SYMBOLISME DU

    • Écrit par Gilbert DURAND
    • 3 502 mots
    La motivation technologique du briquet ne fait donc que renforcer la première et tendre rêverie des chaudes caresses. Comme l'écrit Frazer, « l'idée que le feu jaillit du corps d'une femme, et en particulier de ses organes génitaux, trouve une explication certaine dans l'analogie que beaucoup de...
  • Afficher les 12 références

Voir aussi