Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MASSU JACQUES (1908-2002)

« Massu, le grognard du gaullisme » : Le Figaro, en annonçant sous ce titre la disparition du général Massu survenue le 26 octobre 2002, donnait un reflet exact des rapports de ce compagnon de la Libération avec Charles de Gaulle, qu'il avait rallié dès 1940, qu'il avait contribué à ramener au pouvoir en mai 1958 avant de « déblatérer » contre lui à cause de l'autodétermination de l'Algérie, puis de le réconforter à Baden-Baden dans la tourmente de Mai-68. Le président Chirac a rendu hommage par communiqué, au « très grand soldat qui fut de tous les combats de la France contemporaine », à l'officier qui « plaça l'obéissance à la République au premier rang de ses devoirs » et qui, au soir de sa vie, assuma « ses responsabilités avec dignité, courage et honnêteté ». Ces mots rappelaient que, s'il avait laissé institutionnaliser la torture en 1957, s'il l'avait défendue en 1971 dans son livre La Vraie Bataille d'Alger, Jacques Massu avait finalement reconnu, en 2000, qu'on aurait pu s'en passer : « Si la France reconnaissait et condamnait ces pratiques, je prendrais cela pour une avancée. »

Petit-fils de général, fils d'un chef d'escadron, Jacques Massu naît à Châlons-sur-Marne (aujourd’hui Châlons-en-Champagne) le 5 mai 1908 et intègre Saint-Cyr à vingt ans ; officier d'infanterie coloniale, il sert au Maroc, au Togo et au Tchad. Français libre, il commande le 2e bataillon du régiment de marche du Tchad en 1943, puis participe à toutes les campagnes de la 2e D.B. jusqu'à Hanoï où il est commandant d'armes en 1946. Chef de commandos parachutistes de 1947 à 1949, général de brigade en juin 1955, il dirige les parachutistes de l'expédition avortée de Suez en novembre 1956 avant que la IVe République le nomme commandant militaire du département d'Alger et abandonne à sa 10e division parachutiste les pouvoirs de police, le 7 janvier 1957.

Alors que le gouvernement refuse de parler de guerre, la bataille d'Alger se veut un contre-terrorisme. Mgr Duval, l'archevêque d'Alger, dénonce au ministre Robert Lacoste les aveux sous torture et le sort des musulmans « mis à mort sans aucun jugement et sans motif », mais Massu justifie « la question par force » ; il écrit à ses officiers que leur lutte contre la guerre révolutionnaire et subversive nécessite d'employer des méthodes d'action clandestine : « La condition sine qua non de notre action en Algérie est que ces méthodes soient admises, en notre âme et conscience, comme nécessaires et moralement valables. » Le bilan des opérations de maintien de l'ordre à Alger apparaît comme un succès, puisque les chefs du F.L.N. sont arrêtés et qu'on saisit 88 bombes et 200 kilos d'explosifs. Mais, avec 3 024 disparus et ces « procédés opposés aux exigences élémentaires de toute morale humaine » que dénonce l'archevêque Duval, c'est la gangrène qu'un autre compagnon de la Libération récuse en se faisant relever de son commandement ; le général Paris de Bollardière témoignera toutefois en faveur de Massu dans un procès en 1972.

Président du Comité de salut public créé le 13 mai 1958, Massu appelle au retour du général de Gaulle mais, en janvier 1960, il dénonce l'autodétermination évoquée par ce dernier dans son allocution de septembre 1959. Considérant qu'il a « dépouillé son loyalisme », l'Élysée exige son rappel. Il s'ensuit la semaine des barricades, remous envisagés par le président de la République comme « limités [... alors que] l'abaissement de l'État et le consentement de De Gaulle seraient, eux, irréparables ». Charles de Gaulle parle alors à Michel Debré du « jugement étroit » du commandant du corps d'armée d'Alger mais, dans ses [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)

Classification

Pour citer cet article

Charles-Louis FOULON. MASSU JACQUES (1908-2002) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    Au début de l'année 1957 commence la terrible « bataille d'Alger ». Le 7 janvier, une ordonnance du préfet d'Alger confie au général Massu et à la 10e division parachutiste les pouvoirs de police sur la ville d'Alger. Les parachutistes du général Massu brisent la grève générale...
  • ALLEG HENRI (1921-2013)

    • Écrit par Charles-Louis FOULON
    • 837 mots

    Journaliste communiste et militant anticolonialiste, Henri Alleg donna, par son ouvrage La Question, une résonance mondiale aux pratiques de torture des armées françaises en Algérie. Sartre écrivit qu’il fit « triompher l’humanisme des victimes et des colonisés contre les violences déréglées...

  • GUERRE D'ALGÉRIE

    • Écrit par Benjamin STORA
    • 6 112 mots
    • 13 médias
    Au début de l'année 1957 commence la terrible « bataille d'Alger ». Le 7 janvier, une ordonnance du préfet d'Alger confie au général Massu et à la 10e division parachutiste les pouvoirs de police sur la ville d'Alger. Les parachutistes du général Massu brisent la grève générale...
  • GUERRE D'ALGÉRIE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 209 mots

    1er novembre 1954 Déclenchement de l'insurrection armée par le F.L.N. nouvellement créé.

    12 mars 1956 L'Assemblée nationale vote la loi sur les « pouvoirs spéciaux » pour l'Algérie.

    20 août 1956 Congrès de la Soummam où le F.L.N. définit sa stratégie.

    7 janvier 1957...

Voir aussi