INDONÉSIEL'Indonésie contemporaine
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Nom officiel | République d'Indonésie (ID) |
Chef de l'État et du gouvernement | Joko Widodo (depuis le 20 octobre 2014) |
Capitale | Jakarta |
Langue officielle | indonésien |
La « démocratie dirigée » (1959-1965)
Issue du compromis entre Sukarno et Nasution, la démocratie dirigée est marquée par le retour à un système politique de type autoritaire, et sera de toute façon dominée (sauf un bref intermède en 1963) par l'état d'urgence. Les partis politiques y perdent définitivement le premier rôle au profit de l'exécutif. Il n'y a plus d'élections – surtout parce que les forces conservatrices redoutent les conséquences d'un succès communiste. On interdit aux hauts fonctionnaires d'être affiliés à un parti. À sa première manifestation d'indépendance, le Parlement élu est dissous (mars 1960) et, dans la nouvelle Assemblée, désignée par le président, les sièges ne vont plus seulement aux partis mais également aux « groupes fonctionnels » (dont les forces armées). L'existence des partis est soumise à une réglementation plus stricte, leur nombre ramené à dix. Opposants intransigeants, le Masjumi et le P.S.I. sont interdits pour avoir soutenu les rébellions régionales. Les libertés civiques diminuent à mesure que le président Sukarno, qui se veut le « porte-parole du peuple indonésien », définit dans ses retentissants discours l'idéologie du nouveau régime. Proclamant qu'il faut « retrouver le chemin et l'esprit de la révolution », s'entourant d'une équipe de personnalités sans parti, proches de lui – Subandrio aux Affaires étrangères, Muhammad Yamin, l'idéologue, au conseil du Plan –, Sukarno va tenter de susciter le grand élan populaire unitaire dont il a toujours rêvé et qui permettrait de réaliser le socialisme à l'indonésienne, la « société juste et prospère » qui restent l'objectif ultime – et cependant vague – associé à la lutte contre l'impérialisme. Le discours du 17 août 1959 devient le « Manifeste politique » (ou Manipol) du régime, et une nouvelle orthodoxie révolutionnaire s'élabore à travers les sigles et les mots d'ordre tirés des discours présidentiels : « économie dirigée », contre l'« exploitation de l'homme par l'homme », « message des souffrances du peuple », « identité nationale »... Références désormais obligatoires pour qui ne veut pas être « contre-révolutionnaire », ils font l'objet d'une vaste campagne d'endoctrinement.
C'est pourtant à tort que le rôle dominant de Sukarno, devenu « grand leader de la révolution » et nommé président à vie, a évoqué en Occident l'image de la dictature. En réalité, plusieurs forces politiques s'expriment et s'affrontent de manière de plus en plus aiguë pendant ces quelque sept ans. La lutte opposant l'armée et les communistes domine la scène ; entre eux, le président Sukarno prétend à la fois les maîtriser et les enrôler dans son projet. Mais l'évolution de la situation l'amène à s'appuyer de plus en plus sur le P.K.I. en s'opposant à l'armée avec qui son désaccord est fondamental. Sukarno n'a en effet pas de formation politique derrière lui : le P.N.I. n'est plus ce qu'il était et la scission de son aile gauche, en 1958, n'a pas donné naissance au vaste mouvement attendu. C'est le P.K.I. qui paraît le mieux à même de soutenir les idéaux révolutionnaires du président : bien organisé, dynamique, c'est le seul parti qui voit le nombre de ses membres, et celui de ses organisations (la puissante centrale ouvrière S.O.B.S.I. ; le Front paysan, B.T.I., les Jeunesses populaires, Pemuda Rakyat, etc.) s'accroître régulièrement. Recrutant surtout parmi la population abangan de Java-Centre et Est et dans les centres urbains, il revendique en 1965 trois millions de membres et vingt millions pour ses organisations. Il semble avoir choisi de rechercher le pouvoir dans la légalité et, idéologiquement, il a fait des concessions : adoptant une politique de front national uni, il a fait passer les intérêts nationaux avant les intérêts de classe, accepté la démocratie dirigée et les Pantjasila – courant ainsi le risque que cette domestication brouille son image auprès de ses partisans. Très conscient de la possibilité d'un coup de force militaire, en butte à la répression de l'armée qui, faute d'obtenir son interdiction, tente d'empêcher son congrès ou interdit sa presse, il n'a pour se protéger que le soutien accordé par le président Sukarno. Ce dernier, pour efficace qu'il soit, ne suffit pourtant pas à le faire entrer au gouvernement, sauf par l'attribution, toute formelle, de deux ministères sans portefeuille en 1962.
Quant à Sukarno, il cherche à rester le maître du jeu. [...]
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Écrit par :
- Romain BERTRAND : directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Paris
- Françoise CAYRAC-BLANCHARD : chargée de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques
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« INDONÉSIE » est également traité dans :
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Pour citer l’article
Romain BERTRAND, Françoise CAYRAC-BLANCHARD, « INDONÉSIE - L'Indonésie contemporaine », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 27 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/indonesie-l-indonesie-contemporaine/