INDONÉSIE L'Indonésie contemporaine

Nom officiel

République d'Indonésie (ID)

Chef de l'État et du gouvernement

Joko Widodo (depuis le 20 octobre 2014)

Capitale

Jakarta

Langue officielle

Indonésien

La chute de Suharto et l'avènement de la Reformasi

Les failles du système et la chute de Suharto

Le système autoritaire institué par Suharto à l'issue des massacres anticommunistes de 1965-1966 – qui firent entre 700 000 et 1,2 million de morts – devint, au fil des années 1980, un ordre népotiste, dans lequel les enfants du général et les proches du palais présidentiel, comme les tycoons Liem Sioe Liong et Mohamad Bob Hasan, bénéficièrent de passe-droits leur permettant d'acquérir de colossales fortunes. Avec la libéralisation sectorielle entamée en 1984, ce sont des pans entiers de l'économie qui passèrent sous la coupe de « la famille » : Tommy Suharto se vit ainsi confier le projet de développement d'une automobile nationale, tandis que sa sœur Tutut prit la direction d'un vaste cartel (allant des télécommunications à l'hôtellerie de luxe). Cette dérive népotiste du régime créa des dissensions au sein même de l'élite militaire. De nombreux généraux étaient à la tête de grandes entreprises parapubliques, et des unités de l'armée géraient en nom propre des sociétés de transport ou d'exploitation minière. Or la montée en puissance des Suharto jouait contre leurs intérêts. À l'occasion d'une controverse autour de la nomination du candidat au poste de vice-président à la veille de la campagne de 1988, plusieurs hauts gradés signifièrent publiquement leur mécontentement à l'égard du palais présidentiel.

Mais à ces lignes de faille internes au régime s'ajouta bientôt la constitution d'un front politique dissident. Malgré la loi sur la « militarisation des campus », des mouvements étudiants contestataires refirent leur apparition au début des années 1990, dénonçant la triade KKN (corruption, collusion, népotisme) et réclamant la réforme (Reformasi) et l'ouverture (Keterbukaan) du système politique. Au sein du Parti démocratique indonésien (PDI), l'une des filles du défunt Président Sukarno, Megawati Sukarnoputri, comptait par ailleurs un nombre croissant de sympathisants. Les services de renseignement de Suharto – les Opsus (Opérations spéciales), dirigés par Ali Murtopo – décidèrent de briser cette notoriété naissante. À l'occasion du congrès de Medan du PDI en juin 1996, ils tentèrent d'imposer à la tête du parti un homme de paille, Suryadi, en intimidant et en subornant les délégués présents. Mais les partisans de Megawati, qui refusèrent de reconnaître les résultats du congrès, se retranchèrent quelques jours après dans le QG du parti à Djakarta et menèrent campagne tambour battant contre le régime. Par crainte que la presse nationale et internationale ne donne un écho trop large à ce chahut démocratique, Suharto ordonna, le 27 juillet, la prise d'assaut du bâtiment par les unités spéciales de l'armée : l'opération se solda par une trentaine de morts et des dizaines de blessés. Le commandant militaire de Djakarta, Sutiyoso, qui avait supervisé l'opération, fut nommé gouverneur de la ville en récompense de la réduction réussie des dissidents. Mais à rebours des attentes de Suharto, l'événement transforma Megawati en égérie nationale du mouvement pro-« demokrasi », agrégeant autour des dissidents du PDI une fraction du mouvement étudiant et des mouvances syndicales protestataires.

Le régime avait toutefois encore les reins solides. Preuve de l'efficacité de son dispositif d'encadrement administratif et policier de la population, le Golkar remporta les élections législatives de 1997 avec 74 % des suffrages – son meilleur score depuis le milieu des années 1970. L'élément catalyseur de l'effondrement du régime fut en réalité un choc exogène : le déclenchement de la crise financière asiatique à l'été de 1997, à la suite de[...]

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Écrit par

  • Romain BERTRAND : directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Paris
  • Françoise CAYRAC-BLANCHARD : chargée de recherche au Centre d'études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques
  • Universalis

Classification

Pour citer cet article

Romain BERTRAND, Françoise CAYRAC-BLANCHARD, Universalis, « INDONÉSIE - L'Indonésie contemporaine », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Média

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Le président Sukarno (troisième à partir de la gauche) en compagnie de membres du premier…

Autres références

  • INDONÉSIE, chronologie contemporaine

    • Écrit par Encyclopædia Universalis
  • ANANTA TOER PRAMOEDYA (1925-2006)

    • Écrit par Etienne NAVEAU
    • 745 mots

    Romancier, essayiste et biographe, auteur d'une œuvre largement diffusée et traduite, Pramoedya Ananta Toer (dit Pram) est sans conteste la figure la plus marquante de la littérature indonésienne du xx e siècle. Né en 1925 à Blora, ville située sur la côte nord de Java, Pram prit part...

  • ANDERSON BENEDICT (1936-2015)

    • Écrit par Universalis
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    L’historien et politologue irlandais Benedict Anderson tient une place importante dans l’historiographie anglo-saxonne pour ses travaux sur les origines du nationalisme.

    Benedict Richard O’Gorman Anderson est né le 26 août 1936 à Kunming, dans le sud de la Chine, où son père occupe un poste au...

  • ASEAN (Association of South East Asian Nations) ou ANSEA (Association des nations du Sud-Est asiatique)

    • Écrit par Anne-Marie LE GLOANNEC
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    Organisation internationale fondée en août 1967 par l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande pour remplacer l'Association de l'Asie du Sud-Est (A.S.A.), l'Association des nations du Sud-Est asiatique vise à coordonner l'action de gouvernements...

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    • Écrit par Helmut LOOFS-WISSOWA
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    Nous assistons actuellement à une véritable révolution de la recherche préhistorique et protohistorique en Asie du Sud-Est. Les connaissances accumulées pendant plus d'un demi-siècle par le travail patient d'une poignée de chercheurs européens ou américains sont remises en question pour être remplacées...

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    • Écrit par Manuelle FRANCK, Bernard HOURCADE, Georges MUTIN, Philippe PELLETIER, Jean-Luc RACINE
    • 21 951 mots
    • 10 médias
    ...l'Asie du Sud-Est, un temps partagée entre plusieurs puissances coloniales, Indochine orientale française, Birmanie (Myanmar) et Malaisie britanniques, Indonésie néerlandaise et Philippines espagnoles puis américaines, était intégrée à des ensembles soit plus vastes, tels qu'Asie des moussons ou Extrême-Orient,...
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Voir aussi